Qu'elles fascinent ou qu'elles effraient, les momies seront à l'honneur au Muséum de Toulouse (Haute-Garonne) dès le 22 octobre. Une exposition exceptionnelle qui a été reconnue d'intérêt national par le ministère de la Culture.
A l'occasion du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion et du centenaire de la découverte du tombeau de Toutânkhamon, le Muséum de Toulouse (Haute-Garonne) a choisi la thématique des momies pour sa nouvelle grande exposition temporaire.
Les momies, un rite funéraire qui nous fascine
L'occasion de s'interroger sur notre relation à la grande faucheuse. En effet, il fut un temps où les cadavres et les momies ne provoquaient pas forcément peur et répulsion. Au contraire pour beaucoup de civilisations depuis des millénaires et sur tous les continents, célébrer la mort était un véritable rite pour accompagner les défunts vers l'au-delà.
Les momies, ses fameux restes humains qui ont été préservés, font parties de ces rites funéraires qui nous fascinent encore aujourd'hui.
Aborder un sujet tabou, sans tabou
Dans cette exposition exceptionnelle, reconnue d'intérêt national par le ministère de la culture, dès le début de la visite, le public est invité à s'interroger sur la mort, tant sur son aspect culturel que scientifique. L'exposition nous accueille d'ailleurs avec un "Memento Mori!" (Souviens toi que tu vas mourir!"). Ce qui donne très vite le ton. Le Muséum de Toulouse a décidé d'aborde ce sujet tabou sans tabou.
La première partie de cette exposition s'intéresse donc aux momifications dites "artificielles". Celles réalisées par les hommes dans un but sacré, religieux ou culturel. On y apprend que les plus anciennes momies au monde n'étaient pas en Egypte mais dans le désert d'Atacama au Chili en Amérique du Sud il y a 7000 ans. Une momie Chinchorro, ce peuple de chasseurs cueilleurs semi nomades, a été reconstituée en 3D pour l'occasion.
Une momie d'une petite égyptienne de l'époque Ptolémaïque
On arrive ensuite dans la partie consacrée à l'Egypte ancienne car la momification est indissociablement liée aux rites funéraires des Egyptiens. Technique d'embaumement, modes opératoires, canopes, ces vases qui recueillaient les viscères du défunt, tous les aspects de la momification sont abordés.
Au cœur de la salle, quelques momies égyptiennes sont exposées. Le Muséum a ainsi bénéficié de prêts exceptionnels pour permettre au visiteur d'observer ces corps préservés pour l'éternité. Comme ce cercueil avec cette momie d'une petite fille âgée de 2 à 3 ans de l'époque Ptolémaïque (310 à 30 avant J-C) prêté par le Musée d'art et d'archéologie de Guéret.
Grâce à la numérisation 3D par tomographie, une exploration visuelle de cette momie est possible. Sous les bandelettes, la présence d'amulettes, d'un rouleau de papyrus et de nombreux bijoux sont visibles. Des offrandes pour le passage dans l'au-delà.
Un fardo, un paquet funéraire
Mais d'autres momies attirent l'attention. Comme celles dans la salle d'a côté originaire d'Amérique du Sud. On y découvre un fardo, un paquet funéraire qui a été réalisé par la civilisation Chancay au Pérou entre 1000-1450.
Ces fardos sont des enveloppes textiles avec de fausses têtes plus ou moins sophistiquées, à l'intérieur se trouve un corps momifié, qui a souvent la tête en bas. Le corps est placé en position fœtale pour permettre une renaissance. Le défunt est lui aussi souvent accompagné d'offrandes pour l'au-delà: du maïs pour se nourrir, des graines de coton pour se vêtir et des fuseaux pour filer le tissu...
Interroger notre rapport à la mort
Ces momies illustrent bien cette quête d'éternité recherchée par toutes les civilisations et qui font écho aux questionnements sur le rapport à la mort dans nos sociétés contemporaines.
Programmer une exposition sur les momies, c'est questionner la mort. En quelques décennies, nos sociétés ont connu de profondes mutations dans l'appréhension de la mort et de la fin de vie. L'émergence des soins palliatifs, les débats autour de l'euthanasie, tous ces sujets donnent lieu à des débats passionnés. Paradoxalement, la mort reste taboue, soit par sa dissimulation, soit par l'excès (...) Oser parler de la mort, c'est donner la possibilité de la comprendre au delà du questionnement individuel et d'interroger notre rapport collectif au cycle de la vie.
Francis Duranthon, directeur du Muséum de Toulouse
Une patte de mammouth de 12000 ans
Au-delà des questions autour de la mort, l'exposition s'intéresse aussi, dans une autre salle, aux momifications artificielles. Celles qui se sont produites grâce aux facteurs climatiques et environnementaux. Car la nature peut aussi transformer des corps en momies que se soient des humaines ou des animaux.
Le réchauffement climatique qui entraîne le recul des glaciers ou la fonte du pergélisol en Sibérie a en effet entraîné la découverte de momies artificielles remontant à la préhistoire. Comme une patte de mammouth laineux découverte en 1908 sur des îles Lyakhov en Russie totalement intacte et préservée par la glace pendant 12000 ans. Une pièce majeure qui est à découvrir dans cette exposition sur les momies.
Les tissus sont tellement bien préservés qu'ils sont l'objet d'études physiologiques, anatomiques et phylogénétiques.
La quête de l'immortalité
A la fin de l'exposition, le visiteur se penchera ensuite sur les momies scientifiques. Celles réalisées par l'Homme dans un but scientifique. Là pas de momies visibles, juste des animaux conservés grâce au formol ou à l'éthanol par exemple.
Les techniques de préservation des cadavres se sont tellement améliorées que les corps peuvent être parfaitement conservés. L'exposition aborde alors à la fin le thème de l'immortalité. Une quête scientifique qui n'est pas sans soulever de nombreuses questions éthiques et déontologiques.
"Momies, corps préservés, corps éternels" à découvrir au Muséum de Toulouse du 22 octobre 2022 jusqu'au 2 juillet 2023.