Face à la crise du lait, Biolait défend un modèle agricole responsable et inclusif à l'opposé du "système ultralibéral" du géant Lactalis

Adulés pendant la crise du covid, les produits issus de l'agriculture biologique sont désormais boudés, notamment depuis l'inflation. Le lait bio n'échappe pas à la règle et l'annonce de la réduction de la collecte du géant Lactalis aggrave la situation économique des éleveurs. Le collectif Biolait pourrait faire des propositions à ces producteurs de lait bio désemparés.

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La crise du Bio est globale. Depuis 4 ans les producteurs de lait en agriculture biologique souffrent terriblement. Les cessations d’activités et les déconvertions sont importantes. Le géant du lait Lactalis se désengage auprès d’éleveurs bretons bio, une semaine après avoir annoncé la réduction de sa collecte de lait en France. Les éleveurs, adhérents au collectif Biolait n’échappent pas à la crise mais résistent mieux.

Le modèle Biolait 

Biolait, premier collecteur de lait bio en France, est un collectif de 2200 producteurs laitiers bio et indépendants. Créé il y a 30 ans ce pionnier du lait 100% bio, défend un modèle de fonctionnement démocratique où la voix de chaque adhérent compte. Des éleveurs engagés dans une charte commune de producteurs locaux en produisant un lait respectueux de la biodiversité et du bien-être animal.

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Biolait effectue 30% de la collecte bio en France dans 74 départements, il a multiplié par deux le nombre de ses adhérents en 10 ans. Le collectif garantit un prix unique et stable aux éleveurs, une grande solidarité et une voix lors des assemblées générales.

À Caumont dans le Tarn-et-Garonne, Joseph Mariettaz et son épouse Agnieszka ont un élevage de 60 vaches, des brunes des Alpes. Ils ont effectué une conversion en bio en 2010 et ont adhéré à Biolait en 2012.

"Biolait n’a pas changé son mode de fonctionnement  malgré la croissance du collectif en 10 ans. Biolait a bien préservé cette gouvernance démocratique", explique Joseph Mariettaz.

Le président de Biolait, Philippe Marquet, précise que même s’il existe une grande disparité selon les régions, l’esprit mutualiste du collectif est total : "Là, où nous avons la chance d'avoir des coûts de collecte plus faibles, l’ADN de Biolait c'est que ces coûts de collecte plus faibles permettent de compenser des coûts de collecte plus élevés". "Et l'idée, c'est vraiment que chaque producteur, où qu'il soit, ait une solution de collecte en bio".

Prix du lait : un prix unique

Le collectif met en place un prix unique pour tous les éleveurs adhérents quelles que soient leurs zones de production et de distribution en France. En 2023, en moyenne, les éleveurs ont été rémunérés à 483 euros les 1000 litres.

Actuellement le prix de vente pour le lait bio "est bataillé", notamment auprès des transformateurs.

(...) "C'est le moins qu'on puisse dire, explique le président (..) par contre, nous avons chez Biolait un cahier des charges renforcé par rapport au cahier des charges bio classique. Et ce qui nous permet de vendre d'autres éléments que simplement les valeurs alimentaires qu'on peut avoir dans le lait.

Auprès des transformateurs nous espérons cette année encore des hausses de tarifs parce qu'on apporte une logistique très importante pour nos clients".

Les éleveurs face à un prix du lait dégradé

La structure Biolait est à l’équilibre en revanche dans ce modèle de fonctionnement ce sont les producteurs qui subissent ou doivent faire avec un prix du lait dégradé :

Aujourd'hui, l’objectif du collectif est "justement de pouvoir remonter le prix du lait à la production pour que les fermes s'en sortent, pas pour qu'ils deviennent riches, pour qu'ils s'en sortent. (…) Nous  croyons fermement à la reprise des marchés bio, pour que demain, nous ayons encore du lait à vendre et que nous puissions ne pas enlever toute cette énergie de fermes bio qu'on a partout en France et qui accomplissent un travail formidable, mais pour lequel ils ne sont pas rémunérés aujourd'hui".

Le bio n’échappe pas à la loi du marché

La consommation du lait diminue en France, dans un contexte économique inflationniste, le lait bio est pénalisé, alors que son prix est équivalent à celui du conventionnel. La collecte diminue presque aussi rapidement que la consommation. Certains éleveurs résistent comme Joseph et Agnieszka, quand d’autres, plus fragilisés, mettent la clé sous la porte.

Joseph Mariettaz, est convaincu par le modèle d’agriculture biologique et ses pratiques respectueuses de l’environnement et du bien-être animal, même s’il admet "sa perte de vitesse".

"On fait le dos rond, on essaie de tenir, on fait comme l’on dit contre mauvaise fortune bon cœur. Je reste persuadé que c’est une voie d’avenir. Malheureusement après les manifestations du début d’année, où à l’origine les agriculteurs revendiquaient des revenus décents, c’est au final le modèle intensif ultra-industrialisé qui gagne".   

Les transmissions de fermes à l’arrêt

Les cessations d’activité et les déconversions s’accélèrent avec la crise du bio. Le niveau de transmission inquiète la filière.

"On n’échappe pas à la règle. Les fermes en vente ne trouvent pas de repreneurs. Il y a réellement un grave problème de transmission de nos exploitations. Dans le Tarn-et-Garonne, deux fermes ont été rachetées par un fonds d’investissement. Dans ce groupe d’investisseurs on retrouve Total, Carrefour, Leclerc…. Ils achètent du foncier et vont mettre en place leur propre modèle. On n’échappe pas à cette tendance en France", précise l'éleveur Joseph Mariettaz.

A lire : "C'est le genre d'annonce qui crée encore plus d'incertitude" : les producteurs de lait abasourdis par la baisse des collectes de Lactalis

Selon Pierre Robert, éleveur dans le Tarn, Lactalis surfe sur une certitude de non-renouvellement des générations dans le monde agricole, "la moitié des paysans devrait disparaître d’ici à 5 ans".

"Je ne suis pas là pour défendre Lactalis. Mais, il ne fait qu'anticiper la pyramide des âges (près de la moitié des producteurs partent à la retraite d'ici 10 ans). Les vrais problèmes de l'élevage laitier sont des revenus trop faibles, une grosse charge de travail et des exploitations devenues trop grosses (intransmissibles vu le capital nécessaire pour la reprise), manque d'adaptation au changement climatique, et trop dépendantes des intrants extérieurs (soja, GNR, engrais chimiques, phito.)

Nous, à Biolait, on a une démarche plus résiliente, plus respectueuse de l'environnement, moins gourmande en travail, moins besoin de capitaux, plus transmissible. On doit continuer dans ce sens-là ".

Le bio un produit d’avenir ?

La consommation des produits bio est en berne et l’offre dans les grands magasins a fortement diminué. Cependant, les produits bio trouvent leur place dans les magasins spécialisés.

"Je crois sincèrement à l'avenir de la bio. Les frémissements du marché qui sont là tout de suite, notamment dans les magasins spécialisés, me confortent dans mon idée qu'on va répondre demain à des sollicitations grandissantes. Après, il faudrait quand même que nos pouvoirs publics et politiques s'en partent un petit peu. Ce n'est pas trop le cas, en ce moment", explique Philippe Marquet.

"Je voudrais aussi préciser par rapport à la bio, et c'est très vrai dans des zones comme le Sud-Ouest, la bio est fortement pourvoyeuse d'emplois. Une exploitation bio chez Biolait, c'est en moyenne presque 3 actifs agricoles par exploitation".

Lactalis : "le modèle des ultralibéraux"

Après avoir annoncé la réduction de sa collecte de lait en France, le géant du lait Lactalis se désengage auprès d’éleveurs bretons. Biolait pourrait faire une offre à tous ces éleveurs bio laissaient sur le carreau afin de sauver ce potentiel :

"On veut vraiment pouvoir aller expliquer aux éleveurs bio qui sont lâchés, quelle est notre démarche, quel est notre intérêt à ce qu'ils nous rejoignent. Voilà,  après on est toujours dans la démarche de la bio partout et pour tous, de ne pas laisser de producteurs bio sur le bord de la route et surtout qu'ils n'arrêtent pas d'être en bio parce que l’on sait parfaitement que quand l'agriculture biologique s'en va d'une ferme, elle y revient rarement.

Le président de Biolait ne mâche pas ces mots concernant la politique du PDG de Lactalis :

"Emmanuel Besnier est un ultralibéral, son souci, c'est combien je gagne de fric. (…)"Emmanuel Besnier était à la mode, il a été reçu en grande pompe par tous nos dirigeants. Mais par contre, voilà ce qu'il est capable de faire. C’est un plan social sans précédent dans la filière laitière et c’est sans états d’âme que ces gens envoient des courriers à ses adhérents, à des éleveurs en disant, à partir de cette date vous ne serez plus collectés, pas de solutions chez nous !".

En Occitanie la filière bio est active, des accords avec le Conseil Régional, dans le cadre de la restauration collective sont en cours. Une opportunité pour ces éleveurs, adhérents au collectif Biolait, car les volumes de lait pourraient ainsi doubler.

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