Fact-checking : la vidéo d'un vol de voiture à Toulouse évité par un maître chien est fausse

Sur le réseau social TikTok, un internaute publie des vidéos mises en scène où il feint de surprendre un voleur de voiture accompagné de son chien, à Muret (Haute-Garonne). Même si la mise en scène semble claire, certains ne l'ont pas comprise. La pratique interroge à propos de la prévention et la régulation sur ces plateformes.

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Elles ont accumulé des millions de vues. Trois vidéos postées par l'utilisateur redmalinois31 cartonnent sur TikTok. Elles mettent en scène un maître et son chien découvrant un individu en train de voler une voiture dans un garage. Après quelques mots tendus, le maître fait sortir l'individu du sous-sol, et appelle la police tout en l'empêchant de partir. 

Vrai ou faux appel au 17 ? 

Au téléphone, la représentante des forces de l'ordre invite le maître-chien à relâcher la personne en question, en attendant l'arrivée d'une patrouille. Impossible de certifier si c'est une vraie membre des forces de l'ordre au bout du fil, mais l'appel est douteux. Lorsqu'elle décroche, l'interlocutrice dit "gendarmerie nationale de Toulouse, j'écoute ?". Or, la scène se déroule à Muret, ville où est établie une gendarmerie.

Nous avons pu identifier ce lieu en analysant les vidéos du compte redmalinois31 à l'aide de techniques d'OSINT. Comme par exemple une scène devant un Crédit Mutuel : après quelques recherches, il s'avère que c'est l'une des trois banques de l'entreprise qui se trouvent à Muret. D'autres éléments architecturaux comme les garages ou les immeubles sont aussi probants et permettent de clairement identifier un quartier de cette sous-préfecture de Haute-Garonne.

"Le relâcher ? C'est le monde à l'envers "

En étant attentif, on peut également constater que ces trois vidéos sont jouées. Elles sont ainsi accompagnées de plusieurs hashtags en légende, dont un #fakesituation (fausse situation), laissant peu de place au doute sur une mise en scène. Suffisant pour que les internautes le comprennent ? Pas vraiment. Lorsque que l'on jette un œil aux commentaires sous la vidéo, ce n'est pas clair pour tout le monde. "Je rêve ! Le relâcher ? C'est le monde à l'envers" s'emporte l'un d'entre eux. "Le laisser partir, et la patrouille va le trouver où ?" s'interroge un autre.

La vidéo a également été relayée sur Twitter par d'autres utilisateurs. Certains ont partagé sans que l'on comprenne bien s'ils ont perçu la mise en scène. D'autres se moquent gentiment du jeu d'acteur. 

Un quatrième épisode publié

Contacté, le tiktokeur redmalinois31 n'a finalement pas répondu à nos questions. Entre temps, le 4 janvier 2022, il a posté un quatrième et dernier épisode de cette mise en scène. La police est sur place, une discussion s'engage.

Dans ce tiktok, l'auteur des images glisse une capture d'écran d'un commentaire d'un épisode précédent, mettant en cause l'intervention de la police. Il ajoute à l'écrit "la police relâche le voleur", comme pour confirmer ce qui était indiqué dans ce commentaire. 

Suivi par plus de 600.000 personnes, redmalinois31 a publié un peu moins de 100 vidéos. Toutes le mettent en scène avec son chien, dans différents types de situations, "au service des autres" note-t-il dans sa biographie. Ce que l'on comprend, c'est que ce compte est une vitrine pour montrer ses qualités de dresseur. Il est même joignable par mail, pour répondre aux questions de sa communauté. 

"La modération devrait être humaine"

Florence Sédès est professeure à l'université Paul Sabatier de Toulouse, spécialiste des réseaux sociaux. Elle aussi considère que la mise en scène de la vidéo "n'est pas clairement identifiée". Pour elle, la réception des vidéos "est dangereuse", notamment la fin de la troisième vidéo qui peut "remettre en cause des notions liées à l'ordre public" estime-t-elle. 

Face à ce genre de phénomène, la question est double selon la spécialiste. "Quelle est la limite de ce que l'on peut mettre sur les réseaux sociaux ? Et ces réseaux sont-ils des plateformes libres ?". Il faut savoir que les régulations sont automatisées, via des algorithmes. Et elles sont propres à chaque pays, ce qui complique les choses. "La modération devrait être humaine" prône Florence Sédès.

Alors, pour éviter que les internautes soient trompés par ce genre de vidéo, et pour éviter d'être mis en porte-à-faux, des gendarmeries réagissent. "Elles ont des équipes dédiées à ce travail, et elles se munissent de community manager" rapporte Florence Sédès. 

TikTok, une plateforme où circule aussi challenges morbides et désinformation

C'est le cas de la gendarmerie de Charente-Maritime, particulièrement active, et parfois de manière humoristique sur Twitter. Beaucoup de messages partagés sont axés sur la prévention, à propos des réseaux sociaux et du cyberharcèlement. 

Fin novembre 2022, l'Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) publiait un rapport sur la lutte contre la manipulation de l'information en ligne sur les plateformes. Un champ encore plus vaste et complexe par rapport au manque de prévention soulevé précédemment dans les vidéos TikTok à Muret.

Il n'empêche : l'Arcom épinglait déjà TikTok. L'autorité dénonçait un manque d'informations sur "le fonctionnement des outils de modération" et sur les "pratiques de manipulation identifiées sur le service". Vous l'aurez compris, le travail de transparence est immense. 

Pour éviter de se faire piéger, il ne faut pas hésiter à vérifier par soi-même la véracité d'une photo ou d'une vidéo issue d'Internet. Plusieurs sites de médias grand public, comme l'AFP Factuel ou les Révélateurs de FTV, donnent des conseils pour vérifier des vidéos. Finalement, on n'est jamais mieux servi que par soi-même.

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