Hébergement d'urgence : 33 femmes victimes de violences conjugales "mises à la rue sans alternative" à Toulouse

A Toulouse (Haute-Garonne), 33 femmes victimes de violences conjugales ont été informées par la Préfecture de Haute-Garonne de la fin de leur hébergement à l’hôtel. Certaines se retrouvent à la rue sans aucune autre alternative.

"Il faut que cela s’arrête, l’hébergement est un outil essentiel pour venir en aide à ces femmes, les sortir de la violence", expliquent les associations qui appellent à un rassemblement ce jeudi 6 juillet.

La Fédération Nationale Solidarité Femmes(FNSF) qui regroupe plus de soixante-dix associations et la Fédération des Acteurs de la Solidarité Occitanie( FAS) dénonce la politique nationale de réduction des nuitées hôtelières pour les femmes victimes de violences conjugales.

Selon les associations, les services de la Préfecture de la Haute-Garonne procèdent à une restriction des nuits hôtelières. À Toulouse, 33 femmes ont reçu un courrier mettant fin à leur hébergement à l’hôtel, sans qu’aucune autre solution ne leur soit proposée. Les membres de ces associations ont accepté de témoigner, mais en gardant l’anonymat.

Toutes les associations sont mobilisées pour trouver des solutions et aider ces femmes en situation de grande précarité, parfois accompagnées d’enfants. "Certaines sont actuellement hébergées dans des logements précaires, ce sont des solutions d’extrême urgence, mais pour d’autres, la situation est plus complexe. Nous n’avons pas de nouvelles, elles se retrouvent à la rue dans une grande détresse", explique Marie (nom d'emprunt) de la FAS.

Marie ajoute : "Une dame qui avait une ordonnance s'est confiée à nous suite à ce courrier, elle dit : en quelque sorte, je n’aurais pas dû quitter mon mari".

L’hébergement à l’hôtel "un outil essentiel, indispensable"

Les femmes en demande de mise à l’abri dans un contexte de violences conjugales contactent le 115. Le 115 qui faute de place dans des centres d’hébergement, orientent ces femmes vers les nuitées hôtelières.

Les 14 premiers jours de nuitées sont financés par la Mairie de Toulouse. Au-delà, c’est l’État qui prend le relais, "de façon inconditionnelle et continue", précise Sylvie, membre de la Fédération des Acteurs de la Solidarité Occitanie.

"Il s'agit de 33 femmes qui se retrouvent à la rue, des femmes qui étaient déjà hébergées à l’hôtel depuis trop longtemps selon les services de l’État, d’autres depuis 6 mois. Mais, ce n’est pas de leur responsabilité, c’est le résultat de réponses qui ne leur ont pas été données à un moment par les services de l’État. Elles sont sans solution, on sait que certaines d’entre elles se retrouvent à la rue".

Marie ajoute : "Les conséquences sont dramatiques, ces femmes se sentent coupables. Mais ce n’est pas un choix, elles sont victimes de violences conjugales. Ce qu’elles veulent, c’est un logement pérenne pour se reconstruire et être en sécurité".

Déficit de logement, "la double peine"

Des retards importants dans la construction de logements intermédiaires, une pénurie de logements sociaux, à Toulouse, ces outils fondamentaux pour accueillir les femmes victimes de violences conjugales font cruellement défaut, ce qui représente une double peine pour ces femmes.

L’hébergement à l’hôtel est le premier outil d’accompagnement d’urgence, "un outil essentiel, crucial, la base" par défaut. C'est le premier recours, le premier secours pour les sortir immédiatement de la violence de leur conjoint.

"Tout le monde est d'accord et le reconnaît, y compris les acteurs des services de l'État. Il y a un déficit de places d'hébergement tout public, notamment pour accueillir les femmes victimes de violences conjugales en Haute-Garonne. Le problème est que l'on annonce la fin de la prise en charge sans avoir les moyens de proposer un hébergement alternatif, un accompagnement continu pour les mettre à l'abri".

La restriction du nombre de nuitées hôtelières est incompréhensible pour les associations.

"Parmi ces 33 femmes, il y a le cas d'une dame qui était hébergée depuis longtemps à l'hôtel. Elle travaille, elle a une inscription active pour un logement HLM, elle est suivie par une assistante sociale, mais rien ne lui a été proposé", dénonce Sylvie.

 

L’hébergement sans avoir porté plainte

Les femmes doivent pouvoir trouver de l'aide pour quitter leur conjoint violent indépendamment des poursuites judiciaires. "La plainte n'est pas la question", précise Sylvie. "En France, moins de 20 % des femmes victimes de violences conjugales portent plainte. Il n'est pas nécessaire qu'elles aient porté plainte pour être prises en charge et bénéficier d'une mise à l'abri, conformément aux directives européennes".

"Ces décisions remettent en question l'inconditionnalité et la continuité de la mise à l'abri des femmes victimes de violences conjugales, engagements pourtant pris par la Préfecture de la Haute-Garonne en 2018", précisent les fédérations dans leur communiqué de presse.

Selon Françoise Brié, directrice de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), "la période actuelle est tendue en ce qui concerne l'hébergement d'urgence. Le dispositif de sécurité de nuit en hôtellerie nous rapporte des signalements similaires dans d'autres départements, notamment dans le 91".

"Il est évident qu'il n'est pas possible d'empêcher, de limiter ou de mettre fin à une prise en charge. Ce n'est pas acceptable pour ces femmes, cela compromet leur sécurité".

Dans ce contexte, la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) et la Fédération des Acteurs de la Solidarité Occitanie (FAS) appellent à un rassemblement ce jeudi 6 juillet à 13 heures au métro Jean Jaurès à Toulouse.

Dans un communiqué de presse, la Préfecture de Haute-Garonne apporte des précisions sur le dispositif de mise à l'abri des femmes victimes de violences sans domicile fixe :

""En revanche, le dispositif ne permet en aucun cas l'accès direct à un logement, et si des prises en charge sur une trop longue durée en hébergement d'urgence ont pu avoir lieu, cette durée de prise en charge des femmes à l'hôtel doit demeurer l'exception et être limitée dans le temps, avec une prise en charge et un accompagnement adaptés à leur situation.C'est en moyenne une dizaine de situations qui entrent à l'hôtel chaque semaine."

Les violences au sein du couple

En 2021, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur : 

  • 122 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire
  • 23 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire
  • 14 enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple.

82 % des morts au sein du couple sont des femmes. Parmi les femmes tuées par leur conjoint, 35 % étaient victimes de violences antérieures de la part de leur compagnon. Par ailleurs, parmi les 22 femmes ayant tué leur partenaire, la moitié, soit 11 d’entre elles, avaient déjà été victimes de violences de la part de leur partenaire.

Source : « Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple. Année 2020 », ministère de l’Intérieur, Délégation aux victimes

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