Pendant un an, des chercheurs du CNRS ont enquêté dans les 50 hôtels proposés par le 115 à Toulouse comme hébergement d’urgence. L'Observatoire de l'habitat indigne en a visité la moitié. Il en ressort notamment que 25 à 30% des établissements ne respectent pas les droits humains.
Il y a un an, à la suite d’une alerte donnée par l’association du Cercle des voisins, l’Observatoire de l’habitat indigne a vu le jour, à la demande d’associations. Ainsi, il a mené une enquête sur les hébergements en hôtel par le 115, à Toulouse.
En partant du constat que certains hôtels d’urgence sont insalubres, l’Observatoire a voulu voir ce qu’il en était réellement. Sur les 50 hôtels proposés par le 115 comme habitat d’urgence à Toulouse, l’Observatoire de l’habitat indigne a enquêté sur 25 d’entre eux.
"25 à 30% des hotels sont indignes"
Daniel Welzer-Lang, professeur en sociologie et chercheur du LISST-CERS CNR, indique que "25 à 30% des hotels sont indignes, avec 10% de contre-exemples où tout se passe très bien." Dans un quart des hôtels, punaises de lits, cafards, fuites d’eau et infiltrations cohabitent avec les locataires.
Dans ces hébergements d’urgence dits indignes, "les droit humains sont absents". "Ils sont dans des chambres de 10 à 13m2, seuls ou en famille, et ils n’ont pas le droit de circuler, pas le droit à l’alimentation avec une interdiction de cuisiner dans leur chambre et n’ont pas accès aux cuisines. Ils n’ont pas non plus accès à la santé, ni au droit de faire ses devoirs pour les enfants", s'indigne le scientifique.
Pour Daniel Welzer-Lang, au vu de la misère qui augmente, la création d’une charte entre l’État, les hôtels et les collectivités, permettrait d’assurer ces droits humains pour les bénéficiaires des hébergements d’urgence.
Souvent, il s’agit de migrants ou d’exilés, qui ont besoin d’un accompagnement social. Malheureusement, les travailleurs sociaux font ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils ont.
Daniel Welzer-Lang, professeur en sociologie et chercheur au CNRS
Selon le rapport de l’Observatoire de l’habitat indigne de Toulouse, 46% des personnes sont dans ces hôtels depuis un an, et 15% depuis deux ans. "Cela doit être des hébergements d’urgence, où les personnes y restent un mois maximum. Le problème, c’est qu’il y a un goulot d’étranglement avec un manque de logements sociaux ", souligne Daniel Welzer-Lang.
Travail social en danger
Certaines personnes possèdent des papiers, mais peinent à trouver un logement social. "Ces personnes sont souvent cabossées par la vie, avec un parcours compliqué. Souvent, il s’agit de migrants ou d’exilés, qui ont besoin d’un accompagnement social. Malheureusement, les travailleurs sociaux font ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils ont."
Ce que craint l’Observatoire, c’est que le travail social soit menacé par l’émergence d’un tiers secteur d’hébergement. "Les hébergements privés qui accueillent ces publics sont passés de 20% en 2010 à 36% en 2020. "S’ajoute à cela le fait que l’État souhaiterait supprimer 14.000 places d’urgence, dans l’objectif de trouver des logements plus pérennes. Alors que, toujours selon le rapport, "on est passé de 600 nuits par jour, à 2000 nuits par jour", précise le chercheur du CNRS.
La photographie pour sensibiliser
Tout au long de l’enquête, les photographes Ben Art Core, Pascal Fayeton, Émilie Fernandez Montoya, François Saint Pierre, ont pris des clichés des hôtels. Il est possible de les retrouver à l’exposition "115 – Cinquante hôtels : une forme méconnue du mal logement". "L’objectif, c'est de donner à voir, sans compromis, les manières d’habiter l’hébergement d’urgence à Toulouse, que les civils regardent et voient ce qu’il se passe. C’est ce regard citoyen qui peut faire bouger les choses et les instances publiques", précise Daniel Welzer-Lang.
L'exposition est à retrouver du 25 octobre 2022 au 9 décembre 2022, du lundi au vendredi de 10h à 17h, à l'université Toulouse - Jean Jaurès.