L'agriculteur de Haute-Garonne, Jérôme Bayle, qui a catalysé la contestation sur l'A64, a quitté momentanément ses terres pour rejoindre le Salon de l'Agriculture. Dans une entrevue accordée France 3 Occitanie, il partage son regard critique sur les récentes annonces gouvernementales et exprime son impatience pour des solutions durables à la crise qui secoue l'agriculture française.
Il est la figure de la colère des agriculteurs en Occitanie. L'agriculteur haut-garonnais, Jérôme Bayle, à l'origine de la contestation sur l'A64, a quitté son exploitation bovine dans le Sud-Ouest pour se rendre au salon de l'agriculture. Malgré les dernières annonces du gouvernement, le paysan est toujours dans l'attente de solutions pérennes pour la filière agricole française, comme il l'a expliqué au micro de Benoit Roux et Matthieu Chouvellon.
France 3 Occitanie : il y a eu plusieurs annonces pour l’agriculture du Premier ministre et du président de la République. Est-ce que ces avancées sont-elles suffisantes pour vous ?
Jérôme Bayle : est-ce qu’elles sont suffisantes ? Oui et non. Mais j'arrive à concevoir un truc, c'est que l'agriculture va mal depuis très longtemps. Donc c'est difficile en une semaine ou un mois de tout chambouler, surtout la diversité de l’agriculture française. Nous avons plusieurs territoires, avec plusieurs cultures, plusieurs productions, plusieurs élevages et chaque partie du territoire français à sa complexité. L’équation est donc difficile à résoudre.
France 3 Occitanie : est ce seulement une histoire d’argent ?
Jérôme Bayle : le problème, il est ailleurs. L’argent ne doit pas être un pansement. L’argent, il faut bien l’utiliser. Avec un pansement, tu soignes une égratignure. Tu ne soignes pas un cancer.
France 3 Occitanie : qu’est-ce que cela veut dire ?
Jérôme Bayle : ça veut dire qu'il faut revoir toute la structure de la filière française de l’alimentation. Cela ne va pas être facile à mettre en place pour le gouvernement. Je l’ai dit. Au lieu de donner de l’argent en permanence aux agriculteurs, parce qu’ils sont dans le mal-être, il faut leur donner les moyens de gagner de l’argent. Donnez de l'argent aux collectivités locales et territoriales pour faire travailler et manger les produits des agriculteurs français. Aujourd'hui, 70 % des produits consommés dans les collectivités sont des produits importés. Ce n’est pas normal. Dans les petits cantons ou les petites communes comme chez moi, il n’y a pas d'industrie. Les seuls qui peuvent amener de l'argent aux collectivités locales, ce sont les agriculteurs et la taxe foncière sur le non-bâti. Moi, je n’ai jamais vendu un kilo de viande dans une collectivité près de chez moi.
France 3 Occitanie : le prix plancher et la loi Egalim sont ils les solutions ?
Jérôme Bayle : il faut apprendre aux Français à manger français. Il faut consommer local. Ce n’est pas compliqué. Il faut nous donner les moyens de consommer local. La loi Egalim, est-ce qu'elle est appliquée ? Non. Appliquez la donc. Mais par contre l'argent que vous récupérez des amendes que vous mettez aux gens qui ne respectent pas cette loi, redonnez-le aux agriculteurs, aux producteurs. C'est là que l'argent est utile. Et les prix plancher, on les fait en France ou en Europe ? Si, c’est appliqué au niveau européen, vous croyez que les autres pays sont prêts à augmenter les charges de trois fois leurs coûts de production comme en France ? Je ne pense pas. Si nous, Français, devons nous aligner sur les cours européens, c'est bien parce qu'il y a 26 autres pays autour de nous. Si on faisait ça, nous mettrions tous la clé sous la porte. Donc aujourd'hui, les prix plancher, c'est impossible et irréalisable.
France 3 Occitanie : pour quelles raisons le Président sort cette proposition ?
Jérôme Bayle : aujourd'hui, le président cherche des solutions. Il est entre le marteau et l'enclume parce qu'il a la pression des syndicats et des agriculteurs. Et surtout, il n'a pas la solution. Je ne pense pas que faire des mesures dans l'urgence et surtout sous la pression permettra de prendre des mesures bien construites. Il faut s'asseoir tous autour d'une table et il faut rediscuter de l'agriculture française et de son orientation.
France 3 Occitanie : les actuels interlocuteurs du gouvernement, ce sont les syndicats. Et ils sont souvent contestés par la base et sont de moins en moins représentatifs. Comment s’en sortir ?
Jérôme Bayle : il ne faut pas dire ça. Ils font le boulot, mais le problème, c’est que tout cela est trop compliqué. Nous en Haute-Garonne par exemple, on a quatre agricultures sur le même territoire. On a les céréaliers. On a les élevages. On a l'agriculture dans le piémont et l’agriculture de montagne. Comment vous voulez que tout le monde arrive à s’entendre ? Ce n’est pas facile. Donc moi, je comprends les syndicats qui sont dans le dur. Il faut peut-être que tous les syndicats, aujourd'hui, oublient les objectifs politiques et se remettre autour de la table pour parler de l'agriculture pour la faire avancer.