Depuis 1975, la ville rose est jumelée avec Kiev. L’occasion de rappeler ces riches années d’échanges avec l’Ukraine – alors qu’Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se sont livrés, au Kremlin, à un véritable ballet diplomatique ce lundi 7 février.
Depuis 1975, des centaines, sinon des milliers d’ukrainiens ont pu fouler le sol toulousain et mettre en lumière une culture commune. Cette alliance, qui fêtera bientôt ses cinquante ans, n’a jamais eu autant de sens, tandis que l’Ukraine est en proie à une crise diplomatique majeure avec la Russie.
A l’heure où le jumelage est promulgué, le monde est encore divisé en deux blocs et l’Ukraine fait partie intégrante de l’URSS.
De part et d’autre du rideau de fer, les deux villes se trouvent et se choisissent. Faisant ainsi naître une "frêle passerelle" de quelque 2 300 kilomètres, qui franchit le "gouffre politique et économique" du bloc soviétique, comme l’écrit Marie-Hélène Puntonet en 1998 dans la revue universitaire Slavica occitania.
L’art et la culture en commun
En 1993, l’Ukraine fête ses trois ans d’indépendance. A travers les Journées de Kiev à Toulouse, organisées au mois de novembre, la capitale occitane resserre encore un peu plus les liens qui s’étaient déjà créés.
"Près de deux cents personnes, menées par Léonid Kossakivski, Maire de Kiev, débarquaient à Toulouse avec un immense enthousiasme et une volonté touchante de donner le meilleur d'eux-mêmes", décrit l’article de Slavica occitania.
Musique, sculpture, photographie… Un an après les Journées de la France en Ukraine, Toulouse devient elle aussi le théâtre d’une myriade d’événements, qui mettent en lumière la diversité culturelle et artistique de Kiev. Comme les Journées Cinématographiques de Kiev, en décembre, où le réalisateur primé à Cannes Youri Illienko vient présenter ses derniers projets.
Quand les barrières tombent
Aujourd’hui, la coopération culturelle perdure entre les deux villes : elles organisent conjointement des festivals, travaillent à une collaboration dans le domaine de la recherche scientifique, des échanges scolaires et périscolaires.
Créée en 1998, l’association Yaroslavna – du nom d'une princesse de Kiev qui épouse le roi Henri 1er de France en 1051 – tente de pérenniser ces échanges. Et d’informer les Toulousains sur l’existence de ce jumelage. Une forme de lutte, mais "pas politique", insiste son actuel président, Hugues Negretto.
"Notre action principale, c’est d’organiser l’accueil d’enfants de Kiev qui viennent passer trois semaines en colonie, tous les étés, avec des enfants français. Avec le covid, ça n’avait pas pu se faire. Cette année, ça devrait être bon."
Tempérer l’inquiétude
Les enfants qui viennent de Kiev ne ressentent ainsi pas forcément les tensions qui grondent aux frontières du pays. Pas plus que Natasha Chevtchenko, fille du fondateur de l’association Yaroslavna.
La franco-ukrainienne vivait à Kiev en 2014, lors de la "révolution de Maïdan". Une ville qu’elle considère comme sa deuxième maison. Et où elle explique ne jamais s’être sentie en danger : la présence militaire, ultra-localisée dans la région de Donbass, n'a que peu d’impact sur la vie de habitants de la capitale.
Le conflit a causé la mort de 13 000 personnes entre 2014 et 2019. Elle le vit désormais de l’autre côté de l’Europe depuis son retour à Toulouse, il y a deux ans. "A Kiev, personne ne panique. Il y a toujours du PQ dans les supermarchés ! Pendant Maïdan, à un moment, il n’y avait plus rien", tempère-t-elle. Même si 125 000 soldats russes sont toujours postés aux frontières de l’Ukraine.
"J’ai essayé de ne pas suivre"
Elena Negretto s’est établie en France il y a une quinzaine d’années. Elle vit également à Toulouse. L’épouse du président de l’association Yaroslavna n’était donc, de son côté, pas dans le pays lorsque la situation s’est envenimée.
Mais pour elle, tout n’est pas simple : sa famille vit toujours dans le Donbass, bien loin de la quiétude de la capitale. Alors le conflit, elle le vit à travers leurs échanges téléphoniques : "j’aide ma famille comme je le peux, mais je sais que c’est compliqué. Il n’y a pas de travail, pas de sécurité sociale, tout est fermé, c’est difficile de se déplacer."
Elle tente cependant de ne pas trop s’impliquer, bien intégrée à son pays d’adoption. "J’ai essayé de ne pas trop suivre la situation", raconte-t-elle. L’inquiétude existe, mais le pragmatisme fait décidément foi.
"La situation n’a jamais été aussi près du basculement. Poutine montre que l’OTAN empiète trop sur son territoire d’ex-URSS. Mais il n’irait pas jusqu’à la guerre", conclut quant à elle Natasha Chevtchenko, rassurante. Ajoutant : "Macron face à Poutine… Ce n’est pas lui qui fera la différence !"