L'école de mode gratuite Casa93 Mirail de Toulouse (Haute-Garonne) a organisé le premier défilé de sa jeune histoire dans les jardins du Château de la Reynerie, vendredi 1 septembre 2023. Au programme : vêtements upcyclés (recyclés), maille et laines produite en Occitanie. Pour sa fondatrice, le joyeux chaos de la première promotion de futurs créateurs est une réussite.
18h, vendredi soir, dans les allées du Château de la Reynerie, la tension est palpable. Dans une heure, les étudiants de la première promotion de l’école de mode Casa93Mirail présenteront leur collection "Mycélium", fruit d’un travail commun débuté au mois de mai 2023. Tous s’attellent aux derniers préparatifs : maquillage des modèles, placement des danseurs… Pourquoi Mycélium ? La racine du champignon, constitué de nombreuses "hyphes", sorte de filaments, rappelle la multiplicité des élèves de la Casa, âgés de 18 à 25 ans.
Pour Marie, membre de cette première promotion, cette collection est à l’image des étudiants. Elle représente "la rencontre des 14 personnes qui forment cette promo. Il fallait trouver un équilibre où on arrive tous à faire part de notre créativité. C’est un mélange de toutes nos aspirations et personnalités, et dans ce chaos, des choses magnifiques peuvent naître", explique la jeune femme.
"Le côté urbain nous intéresse"
Casa93Mirail est la petite sœur de la Casa93, basée à Montreuil. Une école de mode gratuite, pour des jeunes dont la plupart sont en décrochage scolaire ou en difficulté financière. L’idée est d’abord née dans une favela de Rio. Nadine Gonzalez co-fonde, en 2005, l’association Modafusion Brésil, et entreprend, dès 2013, d’accompagner des jeunes défavorisés vers les métiers de la mode avec la Casa Geraçao.
Voir cette publication sur Instagram
À Toulouse, le projet a vu le jour l’année dernière. C’est Anne Péchoux, amie de Nadine Gonzalez, qui en a pris la direction. "On cherche des jeunes qui ont un vrai univers créatif et un potentiel. Surtout, le côté urbain nous intéresse", souligne-t-elle. On les repêche, la plupart sont échoués des études". Trois d'entre eux viennent du quartier du Mirail : Nadjilat, qui est photographe, Sofia, qui travaillait dans une association à Bellefontaine et Alexandre, qui lui avait déjà créé sa propre marque, mais avait besoin de peaufiner sa créativité. Les autres étudiants viennent d'un peu partout en France, certains ont tenté des études, des bacs pros mode, d'autres ont décroché très tôt l'école, comme Solène par exemple.
Des collaborations prestigieuses
La formation est spécialisée dans l'upcycling, c’est-à-dire le recyclage d'anciens vêtements ou tissus pour en faire de nouveaux. La Casa93 Mirail se penche en particulier sur le travail de la laine, du chanvre, du jean et des teintures au pastel. Ce qui la différencie de la Casa de Montreuil, c'est l'attention portée au savoir-faire du territoire.
Les étudiants ont pu travailler en collaboration avec des maisons comme Mugler, Tuffery, les Galeries Lafayette, le Stade Toulousain, ou encore Laines Paysannes. Cette marque locale collabore directement avec des éleveurs de brebis, pour produire de la laine. Olivia Bertrand, co-fondatrice de la marque, décrit la démarche de "tisser des liens entre le monde urbain et le monde rural". Avec quatre élèves de la Casa, la marque sortira cet automne une collection de quatre pièces inédites.
Un véritable coup de pouce
Pour les élèves de la Casa, l'année qu'ils viennent de vivre constitue un véritable tremplin. Certains se projettent déjà, comme Marie, qui aimerait se diriger "vers de la direction artistique" potentiellement avec les parrains de cette promotion, les créateurs Marithé et François Girbaud. De son côté, Linda, 24 ans, souhaite partir en Chine, monter sa propre marque d'upcycling. "J'avais toujours voulu travailler dans le stylisme, la mode, explique la jeune femme, mais ce n'était seulement accessible via des écoles privées et payantes".
Voir cette publication sur Instagram
En retrait du défilé, quelques nouveaux visages viennent s'ajouter aux élèves de la Casa : la relève. Ceux qui, comme Lise et Matheis, ont été choisis pour intégrer la deuxième promotion de l'école toulousaine. Lise y voit l'opportunité "d'évoluer dans ce domaine" de pouvoir se professionnaliser à travers sa passion. Pour Mathei, un argument est de taille : "la Casa, c'est la seule école de mode gratuite en France". À Toulouse, la Casa est financée à hauteur de 60% par le secteur public.
Voir cette publication sur Instagram
"Comme un écrin"
Nadine Gonzalez se félicite d'avoir fait le choix de Mirail pour ouvrir cette nouvelle Casa. "Je ne sais pas si c'est l'authenticité de Toulouse, mais quelque chose a fait que tout a été fluide. On a vraiment profité de toute la richesse que la région Occitanie a pu apporter pour les jeunes", se réjouit la fondatrice. "C'est comme un écrin, comme une famille", conclut-elle.
Un prochain défilé est prévu le 14 septembre, aux Galeries Lafayette de Toulouse, pour découvrir la collection Mycélium.