Connaissez-vous le crâne Toulousain ? Au 19ème siècle, on étirait volontairement le crâne des enfants. La pratique était si courante, que les anthropologues l’ont surnommée "déformation toulousaine". On ignore encore les raisons de cette pratique mystérieuse.
C'est une spécificité toulousaine inconnue du grand public. Au 19ème siècle, de très nombreux habitants avaient le crâne en forme oblongue. On vous explique tout sur cette coutume qui a perduré jusqu'à la Première Guerre mondiale.
Un rituel de déformation du crâne
Tous les nouveaux-nés y avaient droit. Pour entraîner le changement de forme du crâne, une coiffe faite d'une pièce de flanelle posée sur la fontanelle, un serre-tête et un bandeau, dit "bendel" ou "pountou". étaient apposés sur la tête de l'enfant. Les garçons la conservaient jusqu'à 4-5 ans. Les filles à vie : "Ce n'était pas pour la déformation", explique Roman Khonsari, auteur du livre "le crâne Toulousain". "A cette époque, il n'était pas acceptable de montrer ses cheveux. un peu comme le voile islamique". Et de rajouter : "D'ailleurs le photographe Trutat, allait dans les villages avec sa femme et c'est elle qui prenait les clichés."
Le Muséum de Toulouse conserve dans ses collections certains de ces crânes toulousains, témoins d'un rituel pour le moins étrange. Ces ossements ont été récupérés au 19ème siècle dans les morgues des hospices de la ville rose par des médecins, intrigués par leur forme. L'anomalie était si fréquente à l'époque dans la région, qu'elle a pris le nom de "déformation toulousaine".
La coutume disparaît au 20ème siècle
Difficile aujourd'hui de savoir pourquoi la société toulousaine imposait cette coutume. Raisons esthétiques, culturelles, religieuses ? Rien dans les études menées sur cette pratique ne permet à ce jour de donner une réponse fiable.La coutume s'est d’ailleurs éteinte avec la première Guerre Mondiale. Là encore le mystère reste entier. Un médecin de Toulouse, qui s'est intéressé au phénomène dans un village du Lauraguais a relevé "100% des crânes déformés" au début du 19ème.
À la fin du siècle, il n'en restait plus que 10% : "Cette spécificité est peu connue car elle n'a été étudié que sous l'angle hygiéniste", raconte Roman Khonsari. "Le travail des anthropologues a consisté a dénoncer cette pratique pour qu'elle disparaisse. Elle était considérée comme barbare, et il y avait une gène, alors qu'on était en pleine période de colonisation".
La déformation volontaire des crânes remonte probablement bien plus loin. Pour Toulouse, certains écrits évoquent la présence des Volques Tectosages ou des Wisigoths, qui araient importé cette coutume.
Un impact sur l'intelligence ?
La déformation artificielle du crâne des nouveau-nés est une tradition répandue dans le monde : "La déformation toulousaine était l'une des moins barbares", précise Roman Khonsari. "D’autres peuples utilisaient des planches e bois ou des pierres."
Des Incas en Amérique du Sud aux peuples d'Océanie en passant par l’Afrique, aucune région n’y a échappé. Les plus anciennes traces de cette pratique remonteraient à 45 000 ans avant Jésus-Christ en Irak.
A-t-elle créé des générations d'idiots ? Non. Pour preuve, le navigateur Jean-François de La Pérouse et l’aliéniste Philippe Pinel auraient eu le crâne déformé. Les scientifiques sont formels. "Toutes les mesures sur les souffrances liées à une pression trop importante sur le cerveau sont négatives", explique le professeur Roman Khonsari, spécialiste de la prise en charge des malformations maxillo-faciales. "Si on écrase la cavité crânienne, le cerveau compense et grandit dans l'autre sens".
Roman Khonsari a d'ailleurs écrit un ouvrage de référence sur la question : "le crâne toulousain" a été publié en octobre 2022 aux éditions Hermann.