Alors que la signature de l’accord de libre-échange avec le Mercosur semble imminente, les agriculteurs manifestent dans toute la France ce lundi 18 novembre. Philippe Jougla, président de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles (FRSEA) Occitanie explique les raisons de la colère, un an après un premier mouvement parti de la région.
Éleveur dans le Tarn, Philippe Jougla préside la fédération régionale depuis sa création en 2017 suite au rapprochement des FRSEA Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Il a accepté de répondre aux questions de notre confrère Laurent Dubois sur la mobilisation nationale qui débute aujourd'hui.
France 3 : Il y a un an, vous étiez très fortement mobilisés, ça recommence. C'est retour à la case départ ?
Philippe Jougla : Oui, effectivement. Suite aux mobilisations de l'hiver dernier et surtout de ce printemps, avec des mobilisations massives en janvier, en février, jusqu'au salon de l'agriculture, nous avions un certain nombre d'avancées, d'accords de principe avec les politiques, avec le Premier ministre en particulier.
Mais les choses ont mis du temps à se mettre en place pour écrire les textes, pour les signer. Il faut plusieurs mois. Et la dissolution a complètement bloqué tout le système. Donc on se retrouve là où on en était fin janvier.
France 3 : Donc la faute à la dissolution. Ce qu'a dit Emmanuel Macron, que la France ne signerait pas le préaccord, vous rassure ?
Philippe Jougla : Pas du tout. Le président de la République avait déjà fait ce type d'intervention il y a 4-5 ans où il parlait de l'Amazonie et que la France ne signerait pas par rapport à la politique amazonienne du Brésil. Oui, mais les discussions avancent. C'est à Bruxelles que ça se passe. Et aujourd'hui aussi, faute à la dissolution ou de façon plus générale, on constate que la voix de la France à Bruxelles est de moins en moins audible. Donc oui, le président se prononce, c'est très bien, mais ce n’est sans doute pas suffisant.
France 3 : Donc c'est un peu de blabla. Qu'est-ce qui peut vous faire re-rentrer dans vos exploitations, vos fermes ? Quelles revendications, quelles mesures peuvent vous dire stop, on arrête ?
Philippe Jougla : La crise est de trois ordres. Le premier, ce sont des questions de conjoncture, des questions de changement climatique, d'inondations, de sécheresse, d'épisodes aussi avec des moustiques qui piquent, des maladies tropicales.
La deuxième, c'est la question du revenu. Et en Occitanie, on a le revenu le plus bas de France. On a un tiers de nos collègues qui sont autour de 350 euros.
Et le troisième sujet, c'est une question d'image et de moral. Et chaque fois, on nous rajoute des règles, on nous rajoute des contraintes.
Donc pour qu'on retourne dans nos exploitations, il faut effectivement régler la question des revenus parce que ceux qui sont en danger de mort économique, il faut les aider aujourd'hui. Mais il faut aussi des réponses sur l'aspect qui est plus symbolique. Il faut que les contraintes réglementaires soient allégées, qu'on fasse une pause normative, mais réelle. Pas qu'on nous en parle dans 6 mois ou dans un an, comme ça a été le cas au mois de janvier.
France 3 : Là, les actions se mettent en place. Quelle va être votre stratégie ? Vous allez jouer la durée ? Vous allez jouer sur une méthode ferme pour faire pression ce gouvernement, comment vous allez-vous vous y prendre pour obtenir gain de cause ?
Philippe Jougla : D'abord à la FNSEA et aux JA, on est à l'écoute des agriculteurs. On a lancé une mobilisation, on va voir comment ça répond. Ce sont nos collègues qui commandent, on est à leur service, donc si la mobilisation répond à ce qu'on imagine, à la détresse, à la colère qu'on entend, l'idée, c'est sur le mois de novembre, de façon régulière, on va faire des piqûres de rappel.
Là, c'est sur le Mercosur. On jouera aussi sur les symboles de l'État. Il y a un certain nombre d'administrations qui portent les réglementations. On ira les voir, on ira dénoncer les réglementations. Ça, c'est la deuxième phase. Et puis, on n'oublie pas que les négociations commerciales commencent. Et on ira sans doute aussi voir la grande distribution.