La tension monte dans le Comminges alors que le curé de Saint-Gaudens impose une redevance illégale aux organisateurs de concerts dans les églises locales. Les maires et la population expriment leur mécontentement face à cette ingérence financière et dénoncent une reprise en main dogmatique.
"Il est en train de réinventer la dîme", lâche dans un demi-sourire Brigitte Segard, maire de Soueich (Haute-Garonne) et ancienne professeur d'histoire. "Il", c'est le Père Florent Marie Hounkponou. Comme l'a révélé l'hebdomadaire Le Canard enchaîné, plusieurs communes du Comminges sont en conflit avec le curé de la paroisse de Saint-Gaudens, situé à une centaine de kilomètres au sud de Toulouse dans le département de Haute-Garonne.
"J'ai trouvé ça fort de Roquefort"
Pour organiser des concerts dans l'une des églises du secteur, le prêtre impose une redevance pour l'utilisation de ces lieux de culte. "Il nous a réclamé 70 euros, s'étrangle le maire de Labarthe-Inard, Jacques Albenque. J'ai trouvé ça fort de Roquefort ! Nous avons refusé."
L'hostie a d'autant plus de mal à passer que la municipalité a déboursé 100.000 euros pour rénover le retable de la paroisse. Cela n'a pas empêché le curé de menacer d'appeler les gendarmes si le maire ne payait pas son obole. "Lorsque je l'ai contacté, raconte l'élu, je lui ai demandé à quoi correspondaient ces 70 euros. Il m'a répondu que c'était pour les frais d'électricité. C'est faux, puisque c'est la mairie qui paie la totalité de la facture. Il m'a alors expliqué que c'était pour le gardiennage. Le seul à avoir la clé de l'église, c'est moi !".
De plus en plus de conflits entre curés et habitants
Pour Brigitte Segard, le problème n'est pas qu'une simple histoire d'argent à la sauce Peppone et Don Camillo. "Pour moi, il y a une véritable reprise en main dogmatique" avance l'édile de Soueich. Selon elle, les conflits se multiplient entre la population et les curés.
"Depuis plusieurs années, pour la moindre cérémonie, notamment les enterrements, la musique profane et les hommages sont strictement interdits. Il n'y a plus aucun baptême dans nos églises. Tous doivent se dérouler à Saint-Gaudens. Les mariages mixtes sont très compliqués. Et là, ils en arrivent à vouloir nous "sous-louer" nos propres églises. Ils en arrivent même à froisser les croyants. C'est très tendu."
Pour résoudre le problème, Jacques Albenque et Brigitte Segard sont allés à la rencontre de l'archevêque de Toulouse. Sans grands résultats.
Le maire de Labarthe-Inard est décidé. Il compte bien prendre une délibération en Conseil municipal afin de faire payer la moitié des frais d'électricité au curé de Saint-Gaudens. "On risque de faire tous la même chose et on va aussi ne plus demander l'autorisation, assure la mairie de Soueich. Il faut redonner l'usage des églises à ses habitants et pas seulement 10 jours par an pour des enterrements et une messe par mois." Pas sûr que les élus commingeois aillent à confesse demander pardon. Le Père Florent Marie Hounkponou n'était pas joignable au moment de la publication de cet article.
(MAJ mercredi 17 mai) Après la publication de cet article, l'Archevêché de Toulouse tient à apporter ses précisions :
"Depuis la loi de 1905, les curés sont affectataires des églises qui leur sont confiées. Ainsi tout en étant propriété de la mairie, la jouissance gratuite, exclusive et perpétuelle des lieux est attribuée à la communauté catholique représentée par son curé.
En 2006, la possibilité d’activités culturelles est envisagée par le législateur dès lors qu’elles sont « compatibles » avec l’affectation cultuelle et avec l’accord du curé de la paroisse.
La demande préalable écrite et l’accord signé par le curé sont donc des prérequis avant la signature d’une convention précisant les droits et obligations de chacun, en particulier la prise en charge obligatoire d’une assurance par l’organisateur et le versement d’une « indemnité ». Lors d’un concert, la paroisse doit, entre autres, vérifier la disponibilité et la propreté des lieux et déléguer une personne pour l’ouverture et la fermeture de l’église, tant pour les répétitions que pour les concerts.
Dans l’Ensemble Paroissial de Saint-Gaudens, environ 300 concerts ont lieu chaque année ce qui nécessite une organisation qui alourdit la tâche du curé et de son secrétariat. Pour chaque concert, des frais de dossier de 20 euros sont requis. Dès lors que des frais d’électricité, de chauffage, d’eau… sont financés par la paroisse, une participation peut être demandée. Enfin, une offrande est par ailleurs suggérée pour aider la paroisse : elle reste facultative et n’est pas proposée lorsque le concert est caritatif.
« Dime et redevance » sont donc des notions abusivement utilisées dans les articles et ne correspondent aucunement à la réalité.
Dans le cas de la paroisse de Labarthe-Inard, il a ainsi été demandé 20 euros de frais de dossier ; le maire n’a pas souhaité participer à l’offrande facultative. Par ailleurs, gaz et électricité étant réglés par la mairie, aucune demande de participation à ces frais n’a été demandée.
Ce cadre légal a déjà dû être reprécisé, par la sous-préfecture de Saint-Gaudens, au maire de Labarthe-Inard en mai 2022."