Lecture rapide : Océane Blanchet, la championne qui lit plus vite que son ombre et rafle la 3e place mondiale

Océane Blanchet a remporté le 3ème prix du championnat international de lecture rapide qui s'est déroulé en Pologne voici quelques jours. L'étudiante toulousaine, qui souhaite devenir éditrice, nous explique sa passion pour la littérature qu'elle explore via cette méthode novatrice.

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Océane Blanchet a 23 ans. Après 3 années en droit, elle s'apprête à s'inscrire en licence professionnelle à la faculté Jean-Jaurès. Son objectif : devenir éditrice. Elle possède déjà un atout majeur : un talent particulier et reconnu pour la lecture rapide. Elle vient en effet de monter sur le podium du championnat du monde de lecture rapide et de mind mapping (carte mentale) organisé en Pologne par l'APAC.

France 3 : qu'est-ce que la lecture rapide et ce championnat du monde auquel vous venez de participer ?

Océane Blanchet : la lecture rapide est une méthode qui permet d’accélérer sa vitesse de lecture. Elle éduque le regard et limite la subvocalisation... ça désigne la lecture des mots dans sa tête quand on lit. C’est un exercice du cerveau. Pour le championnat, on a un livre à lire et 20 questions, le tout en deux heures. C'est à chacun de gérer son temps. C'est un exercice de concentration, une question de muscles en fait !

Le cerveau a énormément à retenir. Quand on pratique la lecture rapide pour le plaisir, on ne se met pas cette pression. Là, il faut vraiment emmagasiner le plus d'informations possible. Bon, ça s'est très bien passé puisque j'ai fini 3e dans la catégorie adulte.

Cette année, contrairement à l'an dernier, j'étais sur place, en présentiel, à Zielona Gora en Pologne. C'était enthousiasmant ! On a les arbitres avec nous, les autres participants et l'ambiance qui va avec... Ce qui est incroyable, c'est qu’on ne ressent pas la compétition. J'ai adoré cette vision partagée : on se challenge soi-même, c'est une compétition pour soi, pour le plaisir de se dépasser.

On a un livre qu’un auteur a écrit, qui n’est pas encore sorti pour éviter toute triche. Là il s'agissait d'un tome 2. Il est traduit dans les langues des participants. Moi je l'ai lu en français, d'autres en polonais, en allemand, en vietnamien, etc. On est classé par tranche d'âge. Il y a les 4-12 ans, les 12-18 ans et les plus de 18 ans sans âge limite de participation. Les Français et les Vietnamiens ont été très performants cette année.

France 3 : qu'est-ce qui vous a amenée à la lecture rapide ?

Océane Blanchet : je suis quelqu'un qui a, depuis l'enfance, un besoin frénétique d'apprendre. Je suis HPI* hypersensible. J’ai besoin d’apprendre et de comprendre le monde qui m’entoure. La lecture rapide, c’est venu tout seul ou presque.

A huit ans, j'ai eu une prof à l’école qui nous a appris quelques rudiments. C'était de petites techniques pour lire rapidement. Quand on est jeune, c'est compliqué... elle voulait qu’on ne se retrouve pas trop longtemps enfermés dans une histoire. Ce qui m'a plu sans que j'en ai conscience, c’est le fait d’absorber l’information beaucoup plus vite. Et j'ai intégré ces techniques de manière naturelle. A tel point que je n'avais même pas conscience que je lisais différemment des autres.

Je m’en suis rendu compte sur les réseaux sociaux. Pendant le confinement, ma sœur m'a proposé d'aller sur TikTok. Je me suis mise à parler de ma passion pour la littérature. En une semaine, j'ai eu plusieurs centaines de commentaires et les gens me disaient : "ah mais tu lis très vite !". 

On en parle très peu parce que les gens ont l'impression qu'il s'agit de quelque chose d'inné. Mais ce n'est pas le cas et on peut l'apprendre à tout âge. C'est un entraînement, c'est comme se mettre au sport. ça peut être utile, pas seulement dans la lecture plaisir. Quand on s’occupe de dossiers, quand on doit trier des dossiers, c'est un gain de temps énorme. Quand j'étais en fac de droit, ça m’a aidé énormément. Quand on avait des dossiers de 50 pages à lire, je les lisais en 5-10 minutes, quand d'autres avaient besoin d'une demi-heure, une heure, voire une heure et demie. 

France 3 : est-ce que ça ne gâche pas le plaisir de la lecture ? Est-ce que vous appréciez le style par exemple ou ça va trop vite ?

Océane Blanchet : non simplement je n'ai pas de voix dans la tête quand je lis. Mon esprit crée des images, énormément d’images. Il se crée comme un fil d’image conducteur... Je vois un film se dérouler dans ma tête. Je vais être touchée par ce que le personnage va vivre sous la plume de l’auteur. Je trouve fascinante la créativité des écrivains, les scénarii, les choses qu'ils font vivre à leurs héros. C'est très impressionnant !

Je me plonge dans un univers et j’ai énormément de mal à lire mot par mot. J'ai essayé mais ça m'a gâché la lecture ! Ça ne passe pas par l’ordonnancement des mots. J'ai une petite anecdote très drôle : je suis incapable de lire à voix haute. Ça me demande une énergie considérable parce que mon cerveau veut aller vite. Et quand je lis à voix haute, je bute sur des mots, je saute des lignes, c'est complètement désordonné.

C’est étonnant, mais tous ceux qui pratiquent la lecture rapide n'ont pas ce souci. Moi je n’ai plus cette voix haute dans ma tête quand je lis, c’est une conséquence rigolote de la lecture rapide.

France 3 : vous souhaitez devenir éditrice. C'est un peu la conséquence de cet apprentissage précoce non ?

Océane Blanchet : oui. Être éditeur, c'est lire beaucoup de livres et je crois que l'apprentissage de cette méthode a été déterminant pour moi. Elle a cultivé mon goût déjà précoce pour la lecture. J'ai appris à lire à 3 ans et demi dans une famille où on ne lisait pas, ou très peu. Mais mes parents ont tout de suite constaté mon attrait pour mes livres et m'ont encouragée. Quand ma mère avait 5 €, elle m'offrait un livre parce qu'elle savait que c'est ce qui me ferait le plus plaisir.

En tant qu'éditrice, si je reçois 50 manuscrits dans la journée, ce sera plus facile. J'ai fait de nombreux stages chez des éditeurs et j'ai pu voir que pour certains d'entre eux, c'est éprouvant. Pour moi, ce sera l'opportunité de lire encore plus de manuscrits. C'est un aspect de ce travail qui me plaît énormément.

France 3 : il y a aussi un aspect plaisir que vous faites partager sur les réseaux sociaux...

Océane Blanchet : oui, ça fait trois ans que je poste quotidiennement sur TikTok, Instagram un peu moins, mais ça marche très bien ! Je trouve incroyable qu'on me reconnaisse quand je vais dans des événements, qu'on me prenne en photo... ça m’impressionne. Je ne m’attendais pas du tout à ça !

On a l'impression que les gens ne lisent pas. C'est faux, ils sont de plus en plus en demande de ça. J’ai des amis comme Victoire qui sont sur les réseaux et qui ont 200.000 personnes qui les suivent. On se rend compte qu’on a vraiment un impact sur les gens et sur leur façon de "consommer" la lecture.

Il y a énormément de gens qui viennent nous voir et nous disent "je suis tombé sur vous sur TikTok et vous m’avez donné envie de lire". C’est la meilleure des choses qu’on puisse me dire !

Il y a du bon et du mauvais dans les réseaux, comme dans tout. Mais ça m'a permis de rencontrer des gens incroyables, ça a changé ma vie de manière très positive. On a l’impression que la littérature est une passion solitaire. Mais pas du tout. Il y a une énorme communauté de personnes qui aime parler de ça et avec qui on peut échanger.

France 3 : vous parlez avec passion de la littérature. Elle est indispensable à votre vie ?

Océane Blanchet : Oui et je m'en suis rendu compte grâce à ces échanges. Je me suis aperçu qu'elle manquait à ma vie. Et même si j'adore le droit, j'ai fait une licence, j'ai arrêté. Je me rends compte que j'ai besoin de la littérature. Des adultes m'ont découragée, m'ont dit que c'était bouché... une voie de garage. Mais non en fait. Et j'en ai besoin. Je la vois vraiment comme un cocon très sécurisant. Elle m'a aidée à m'en sortir quand, au collège, j'ai été harcelée. Je m'échappais dans un univers irréel et j'ai pu tenir. Je ne faisais rien si ce n'est lire à la récré tranquille dans mon coin. La littérature m'a sauvé la vie.

C'est ce que j'essaie de dire sur les réseaux : harceler un lecteur, c'est idiot. Et je ne vois pas comment quelqu'un peut dire qu'il n'aime pas lire. Malheureusement avec le système scolaire, on impose des œuvres anciennes qui ne sont plus dans l’air du temps. Alors que de nouvelles œuvres parlent des mêmes thématiques et elles sont incroyables. Et surtout beaucoup plus abordable pour la jeunesse d’aujourd’hui.

Face à ces auteurs imposés, il y a un dégoût de la lecture qui s’installe. Si on force, on décourage la personne de lire. Il y a un blocage et je trouve ça dommage. Beaucoup de gens au collège me disent "je déteste ça". Je leur réponds, c'est parce qu'on te l'a imposé. 

Pour moi la lecture doit être libre et sans compétition. C'est un message très important à faire passer. Avec les réseaux sociaux, on cherche à faire toujours plus. Or je dis aux gens : que vous lisiez une page ou même une ligne par mois ou des centaines de livres, vous êtes un lecteur. Quoique vous lisiez !

*HPI : haut potentiel intellectuel

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