À quelques jours du premier tour des élections législatives, il est bien difficile de prévoir s'il y aura ou non une majorité absolue pour un des 3 principaux camps au sein de l'Assemblée nationale. En cas de majorité relative, quelles pourraient être les solutions pour le président ? On fait le point avec Nicoletta Perlo, spécialiste de Toulouse en droit public.
Quelles sont les options pour le président de la République en cas de majorité relative ce dimanche 7 juillet 2024 ? Emmanuel Macron pourrait choisir de former un gouvernement technique, composé d'experts non issus des partis politiques, comme ce fut à plusieurs reprises le cas en Italie. Certaines voix, comme Yaël Brau-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, en appellent à un gouvernement d'union populaire.
Ces scenarii sont-ils plausibles et quelles en seraient les conséquences sur la politique intérieure française ? Nous avons posé la question à Nicoletta Perlo, maître de conférences en droit public à l'université Toulouse Capitole.
France 3 Occitanie : Nicoletta Perlo, que prévoit la constitution française au soir du second tour de ces élections législatives ?
Nicoletta Perlo : Théoriquement, les élections législatives doivent permettre de dégager une majorité claire en faveur d'un des partis. Cela tient au mode de scrutin, majoritaire à deux tours, qui est très différent d'autres modèles, comme en Italie, où la proportionnelle joue un rôle important.
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— Gabriel Attal (@GabrielAttal) June 24, 2024
Alors bien sûr, il y a déjà eu des cohabitations (la dernière en 1997 avec Jacques Chirac et Lionel Jospin), mais depuis, en réduisant le mandat présidentiel de 7 à 5 ans et en organisant des législatives conjointes un mois après la présidentielle, le législateur français a tout fait pour l'éviter. Quoi qu'il en soit, au soir du second tour, si une majorité absolue est remportée par un parti ou une coalition de partis homogènes, la tradition veut que le 1er ministre soit issu de cette majorité. Ne pas respecter cette coutume républicaine serait un acte très grave de la part du président de la République, surtout dans une période, où il a perdu une grande partie de sa légitimité.
France 3 Occitanie : Et si le 7 juillet au soir aucune majorité claire ne se dessine, peut-on voir naître un gouvernement "technique" ?
Nicoletta Perlo : La définition du gouvernement technique, c'est un Premier ministre, non issu d'un parti qui forme un gouvernement avec une majorité de ministres, qui comme lui, sont des experts et non des politiques. Ça ne s'est pas vu en France depuis la 4ème République, mais en Europe, certains pays comme la Grèce, le Portugal et surtout l'Italie y ont eu recours à plusieurs reprises.
Mais, ce qu'il faut savoir, c'est que ces gouvernements d'experts sont mis en place à titre temporaire pour donner des réponses précises à des problèmes précis, dans le cadre d'une urgence nationale. C'était le cas en Grèce pour répondre à la crise économique de 2008. Cela a également été le cas en Italie pour faire face à une grave menace de terrorisme. À chaque fois il y a un moment d'urgence. Et ce n'est pas la situation que vit actuellement la France. C'est pourquoi cette solution me paraît peu plausible. Sans crise contingente, je ne vois pas comment le président de la République pourrait justifier la nomination d'un expert non politique à Matignon au mois de juillet.
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France 3 Occitanie : Alors quelle serait la solution la plus probable en cas d'absence de majorité au soir du second tour ?
Nicoletta Perlo : Il pourrait se créer une sorte de gouvernement de solidarité nationale, avec une coalition très large, englobant ceux qui souhaitent y participer. Et dans ce cas, le président de la République pourrait identifier un Premier ministre, qui ne soit pas un expert, mais un homme ou une femme, qui fasse consensus au sein des différents partis. C'est ce que Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale réclamait avant la dissolution.
Après je pense que cela rendrait très difficile des réformes de grandes ampleurs, touchant les grands domaines, comme la santé, l'immigration ou l'école. Ce sont des réformes, qui ont toujours distingué les présidents, fortement soutenus par le Parlement. Avec un tel gouvernement, de fortes dissensions risquent d'apparaître sur chaque texte et le débat parlementaire n'en sera que plus long et plus difficile. Ce qui est sûr, c'est que le gouvernement essayera de garantir le bon fonctionnement de l'administration et gérera les affaires courantes jusqu'à la prochaine élection présidentielle ou d'éventuelles législatives. Mais pas avant un an, car une nouvelle dissolution ne sera pas possible avant 2025.
Nous ferons l'indexation des salaires sur l'inflation.
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) June 22, 2024
Parce qu'une France, là-haut, se gave, pendant qu'une autre, en bas, se rationne sur sa santé, sur ses loisirs, sur son assiette.
Parce que c'est une mesure de partage, et de justice. pic.twitter.com/WO0UtwiiKE
Après il y a un côté positif dans ce scénario, c'est la réévaluation du Parlement. Depuis longtemps, il n'est plus qu'une chambre d'enregistrement des textes voulus par le président de la République. Avec un gouvernement d'union populaire, les députés pourraient à nouveau faire entendre leur voix et redeviendraient de véritables acteurs de la politique française.
Au fond, c'est cela la véritable 5e République. C'est celle qui a été inscrite dans la Constitution Française, et qui a été dévoyée par le Général de Gaulle, qui en a fait depuis un régime semi-présidentiel.