"Les gens aujourd'hui, c'est ma gueule.com" : des médiatrices sillonnent les quartiers pour résoudre les conflits de voisinage

À moins de vivre sur une île déserte ou dans un endroit complètement isolé de la planète, les voisins font partie intégrante de notre quotidien, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. À Toulouse, Marie-Pascale est médiatrice à l'association l'Amandier. Avec sa collaboratrice, elles sillonnent les HLM de la ville pour régler les mésententes entre voisins.

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Qu'ils soient présents ou discrets, qu'on les apprécie ou pas, nous cohabitons avec nos voisins. Et si parfois un simple sourire suffit à rendre la journée plus agréable, la relation qui se tisse au quotidien est bien souvent teintée de contrastes.

Aujourd'hui en France, les plaintes de voisinage ont atteint un tel niveau, que depuis janvier 2020, une nouvelle loi oblige la recherche d’une résolution à l’amiable avant de pouvoir se tourner vers la justice. Ceci pour désengorger les tribunaux, de plus en plus saturés par ce genre de dossiers.

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Marie-Pascale et sa collaboratrice, toutes deux, médiatrices, tentent une approche auprès de deux voisines pour tenter d'apaiser un conflit bien ancré. ©Elda productions / France Télévisions

Le rôle crucial des médiatrices

À Toulouse, l’association l’Amandier, est mandatée par les bailleurs HLM de la ville pour prévenir et résoudre les conflits de voisinage :

On va faire du porte à porte, on va essayer d’écouter les plaignants.

Marie-Pascale, médiatrice à l'Amandier

Au sein de la structure, une équipe de médiatrice traite plus de 250 dossiers de conflits de voisinage par an. Parmi elles, Marie-Pascale. La soixantaine, énergique, elle sillonne avec sa collaboratrice les immeubles des quartiers toulousains pour rencontrer les habitants agacés et tenter de les apaiser. 

Vous ne vous écoutez plus les gens ! Vous ne savez plus vous parler. On est déshumanisé. Nous on est là pour recréer de l’humanité, du dialogue, de l’écoute.

Marie-Pascale

Cris d’enfants, portes qui claquent, insultes, bruits de pas, jets d'objets par la fenêtre, salissure d'un chat, aboiement d'un chien, le locataire du 176 qui menace de se suicider, les disputes diverses et variées : "elle m’a mis une gifle", tout ça à cause d’un colis du mari d’une copine…bref, les raisons sont nombreuses. Mais, en règle générale, 80% des plaintes qui arrivent à l'association, sont liées au bruit.

Des modes de vie différents

En intervention, Marie-Pascale et sa collaboratrice entrent dans un appartement pour tenter de résoudre le conflit qui oppose deux voisins : un homme travaille de nuit et n’arrive pas à dormir au petit matin, lorsque la voisine du dessus, qui a terminé sa nuit, s'active. Ses bruits de pas l'incommode. La médiatrice écoute et inspecte les sons. Elle se tourne vers l’homme : "Elle marche sur votre tête littéralement. On entend tout !" On arrive mieux à comprendre le problème que l’on n'arrivera pas à régler dit-elle. "Elle ne peut pas voler".

Les immeubles sont conçus comme ça. Plutôt que d’avoir le bruit extérieur qui rentre chez vous, tout ce qui est à l’intérieur, vous l’entendez multiplié par 2. Ce sont des bruits qui peuvent rendre fou ! 

Marie-Pascale

Grâce à l'intervention des médiatrices, la situation se résout dans la plupart des cas, soit par le retour complet à la paix, soit par l'apaisement des tensions. Ensemble, elles tentent de recréer du lien pour rétablir la confiance et le dialogue entre les individus "Comme il n'a plus confiance, tous les bruits sont vécus comme une agression".

Réunies autour d’une table, elles prennent le temps de décortiquer chaque aspect du conflit afin de trouver, avec les parties concernées, la solution la plus adaptée. Parfois, des conflits qui semblent banals au départ prennent des proportions inattendues. "Les gens sont démunis de beaucoup de choses (…) on se demande jusqu’où ça pourrait aller si on ne réglait pas ces troubles de voisinage" dit-elle, tout en regardant une série policière à la télé. 

"Il n'y a plus d'amour dans ce pays"

Le trouble de voisinage peut sérieusement gâcher la vie. "On a des dossiers de plus en plus durs" raconte sa collaboratrice. "Il faut se faire accompagner, il ne faut pas y aller seule". Marie-Pascale a du courage, de la patience et devant ses interlocuteurs, avec son franc-parler, elle ne passe pas par quatre chemins.

Vous êtes une communauté qui habitez ensemble. Il faut créer quelque chose parce que les gens aujourd’hui c’est "magueule.com", et vous en souffrez tous !

Marie-Pascale


"La société ne vit pas des jours heureux, les gens sont coincés dans leur niveau de vie, sans espoir, il n’y a pas de rêve. Solidarité zéro ! (...) Le voisin meurt, on s’en fout. Sauf si l’odeur dérange. Comment garder foi en l’humanité ?" ajoute la médiatrice.

Vivre avec les autres serait-il devenu si difficile ?

Malgré tout, Marie-Pascale garde espoir, motivée par son petit côté "infirmière de l’âme". Un besoin de soigner dit-elle : "J’aime les êtres humains". Et même si elle envisage de prendre sa retraite d'ici un ou deux ans, elle continuera à faire du bénévolat pour se rendre utile. 

En suivant Marie-Pascale au quotidien, le film "Chers voisins" s’intéresse au rapport fragile et complexe que l'on entretient avec nos voisins, tout en questionnant notre société de manière dynamique et sensible.

"Chers voisins", un documentaire de Lucia Sanchez à voir le jeudi 28 novembre 2024 à 22h50 et sur france.tv. Une coproduction France Télévisions et Elda productions.

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