Après une première condamnation en novembre à Toulouse du laboratoire Merck, fabriquant du médicament Levothyrox, le juge des référés du tribunal de grande-instance de Saint-Gaudens a débouté ce mardi matin la demande d'une quarantaine de malades.
Depuis le changement de formule du Levothyrox, médicament utilisé par les malades de la thyroïde, les actions en référé se multiplient. Après plusieurs assignations au tribunal de Toulouse, dont l'une a condamné le fabricant allemand Merck à fournir aux plaignants, sans délai, le médicament ancienne formule en novembre dernier, la saga judiciaire continue.
Après une première condamnation par le tribunal de Toulouse en novembre dernier, le juge des référés du tribunal de grande-instance de Saint-Gaudens a débouté la demande d'une quarantaine de patients, qui se plaignaient des effets secondaires de la nouvelle formule et demandait à ce que le laboratoire leur mette à disposition en urgence l'ancienne formule. Il a également rejeté la demande d'indemnisation pour "préjudice d'angoisse", en basant sa décision sur plusieurs arguments : "absence de certificats médicaux" sur les effets néfastes du médicaments, "existence de substituts", "seulement 0,6% soit 15.600 des 2,6 millions personnes traitées par Lévothyrox concernées par ce problème et mise sur le marché par le laboratoire de 218.080 boites", a expliqué Me Jacques Lévy.
Une décision "logique et fondée" pour Merck France
"Le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a reconnu qu'il n'y avait dans ce dossier ni caractère d'urgence ni préjudice d'angoisse", a expliqué Thierry Hulot à Franceinfo, le patron des activités biopharmaceutiques de Merck France, qualifiant cette décision de "logique et fondée".
"La juge a reconnu que Merck avait largement fait ce qu'il fallait pour accompagner les patients", a affirmé Thierry Hulot. "Merck s'est toujours conformé aux demandes des autorités de santé, qu'il s'agisse de l'injonction d'améliorer la formule de Levothyrox ou de réintroduire temporairement de l'ancienne formulation de manière à faciliter la transition pour les patients qui en avaient exprimé le besoin", a-t-il précisé.
"Nous continuerons le combat quoi qu'il arrive"
De son côté, Me Lévy, avocat des malades, a dit qu'il interjetait appel de la décision de Saint-Gaudens : "nous continuerons le combat quoi qu'il arrive". Ce jugement "reprend les arguments de Merck sans tenir compte des nôtres", a-t-il déploré.
Il a assuré que les absences de certificats médicaux s'expliquent par "le refus des médecins d'en faire sur le conseil du Conseil du l'ordre" et que les chiffres
donnés par le laboratoire ne représentent pas la réalité du terrain. "La plupart des patients n'a pas fait de déclaration" et les 218.080 boites que le laboratoire dit avoir réintroduit représentent "1,5 boite par pharmacie", a-t-il dit.
"Ils souffrent le martyr et ne savent pas pourquoi"
Lors de l'audience du 4 décembre, ce sont une quarantaine de patients qui demandaient aux juges des référés de Saint-Gaudens de leur fournir, en urgence, l'ancienne formule du Levothyrox. Déjà représentant des plaignants lors de l'audience à Toulouse, l'avocat Jacques Lévy dénonçait alors un "scandale sanitaire", soulignant que ses clients "souffraient le martyr et ne savaient pas pourquoi". Il avait assuré que la France était le seul pays européen ayant "fait modifier ce médicament". Il avait aussi réclamé une indemnisation de 12 000 euros pour chaque malade au titre du préjudice d'anxiété.
Comme à Toulouse, l'avocat du laboratoire Merck, Antoine Robert, avait lui soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Saint-Gaudens, estimant que seule la justice administrative était compétente dans ce domaine et non pas les juridictions civiles. Il avait demandé le rejet de la demande des plaignants, soulignant qu'"aujourd'hui, l'agence du médicament a indiqué qu'il existait cinq alternatives thérapeutiques, y compris un générique".
Le reportage d'Amélie Poisson et de Jean-Pierre Duntze :
Une saga judiciaire toujours en cours
Parallèlement, et après la première victoire devant le tribunal de Toulouse en novembre, qui fait l'objet d'un appel par le laboratoire Merck, l'avocat des malades Me Lévy a indiqué prévoir également une assignation en janvier à Castres (Tarn) puis à plus long terme à Tarbes et Montauban.
D'un autre côté, un collectif d'avocats toulousains mené par Christophe Lèguevaques, a engagé une action collective conjointe contre le laboratoire Merck avec 500 assignations devant le tribunal d'instance de Lyon.
En France, trois millions de personnes prennent du Levothyrox, prescrit pour corriger une hypothyroïdie. Leur fabricant, le laboratoire Merck a mis sur le marché une nouvelle formule du médicament en mars 2017 sans informer les médecins et donc les malades. Certains d'entre eux ont ressenti depuis des effets secondaires importants, entraînant parfois de graves troubles physiques.