Littérature : le toulousain Christophe Guillaumot et la gardoise Maïté Bernard dégainent une comédie policière loufoque mais dans l’air du temps

Christophe Guillaumot, commandant de police et prix « Quai des Orfèvres » pour son premier polar récidive. « Petits désordres », écrit avec Maïté Bernard, nous raconte le slalom géant d’un flic parisien dans une société mais aussi une police où il ne retrouve plus ses marques.

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Tout est parti d’une soirée. Christophe Guillaumot y répète : « on ne peut plus parler de ça. On ne peut plus en parler comme ça ». Ses amis lui rétorque avec humour qu’il est « la caricature du mâle blanc hétérosexuel de plus de cinquante ans ».

 

La scène interpelle Maïté Bernard. L’auteure de romans et polars, originaire du Gard, est également autour de la table. Le lendemain, elle appelle le policier toulousain pour lui proposer d’écrire là-dessus. Il la prend au mot et lui propose une enquête à deux plumes.

Quand la prostitution s'ubérise

Grégoire Leroy est commandant de police (comme Guillaumot…) et chef d’une brigade de répression du proxénétisme. Il doit faire face à une révolte de prostitués qui dénoncent les prix cassés d’« UberPute », un site du Darknet qui livre à domicile des travailleuses du sexe.

 

Sur ordre de son supérieur, Leroy part calmer les manifestantes devant son commissariat. Mais dans le feu de l’action, le flic quinqua lâche un « on n’est pas des pédés ». Il est aussitôt repris par une collègue membre de l’association des policiers LGBTQI+. Les ennuis commencent. Une « embrouille » qui le mènera jusqu’en commission de discipline.

En ce moment, dans mon bureau, de toutes les emmerdes que j’ai à traiter, vous savez laquelle me brûle les mains ? La déposition d’une brigadière de police. Qui coche un maximum de critères de discrimination. Celle à qui vous auriez dit, je cite : « on n’est pas des pédés ». C’est exact ?

Commissaire Maubeuge, supérieur de Leroy

Le personnage de Leroy est pourtant attachant. Maladroit, conscient au fil des pages, de son côté « rétro » mais pas « rétrograde », il s’enfonce malgré tout dans une spirale dont seul un acte fort pourra le tirer.

 

Sa fille, militante écolo, venue quelques jours de Toulouse où elle vit chez sa mère, le ramène sans cesse à sa condition de « mâle blanc de plus de cinquante ans hétéro ». « Il serait temps que tu réalises que tu dis beaucoup de conneries » lui lance-t-elle avec autant de malice que d’acrimonie.

Le mâle quinqua, blanc et hétéro

Une collègue militante du BASTON, l’association LGBTQI+ des agents du Ministère de l’Intérieur n’est pas plus tendre envers lui. Elle l’assimile aux « mecs qui continuent à croire qu’ils ne sont pas les méchants parce qu’ils n’ont jamais violé, frappé, harcelé, sifflé dans la rue, ou tabassé un pédé ». « Ben c’est pas mal, non ? » rétorque benoitement Leroy. « Non, ça ne suffit pas » lui assène-t-elle.

 

Grégoire se retrouve pris entre de multiples « injonctions ». Celles de son syndicat et de ses supérieurs lui imposant la formation en ligne « diversité et égalité professionnelle ». Celles d’un psy pour animal lui recommandant d’aller nager avec son yorkshire « Oulan-Bator » pour tisser un lien avec lui. La scène en question s’avèrera hilarante.

Il n’est pas un être exceptionnel, il a eu une carrière modeste, il n’a pas été ce qu’on appelle un « grand flic », mais il a fait son boulot consciencieusement, jusqu’à ce que l’envie disparaisse. Il ne s’est pas mis à boire, il n’a pas commis de bavure, il n’a pas « flirté avec la ligne jaune », et surtout, il ne s’est pas fait sauter le caisson ».

« Petits désordres » a aussi le mérite, à l’image de « la nuit du 12 » film qui a cartonné aux Césars, de nous montrer la police dans ce qu’elle a de plus administratif et chirurgical. « Les briefings, les réunions, les réunions de briefing sont une maladie qui embolise la police » écrivent les auteurs.

 

Leroy évoque aussi « les relances des magistrats instructeurs, les statistiques à fournir, les feuilles de frais à remplir et cette formation sur l’égalité à recommencer ». Un quotidien fait de beaucoup de contraintes, logistiques, budgétaires, légales, bien loin des séries vues à la télé. Enfin pourquoi un mouton en couverture de l’ouvrage ? Ne divulgâchons pas le rôle de ce personnage lui aussi à l’origine de pas mal de petits désordres.

« Petits désordres » de Christophe Guillaumot et Maïté Bernard, éditions Liana Levi.

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