Pour son nouveau roman, Christophe Guillaumot raconte Toulouse et la police à l'aune des années 2020

L'auteur toulousain Christophe Guillaumot vient de publier le troisième épisode de sa série Renato Donatelli, dit le Kanak : "que tombe le silence", aux éditions Liana Levi. Rencontre avec un auteur qui raconte Toulouse et le quotidien de la police.

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De la drogue. Des dealers-chefs d'entreprise. Des règlements de compte. Des cités. La police. Des ripoux. Les suicides. La hiérarchie. La famille. L'amitié. L'honneur. Toulouse. Ses quartiers. Sa fièvre. Sa violence. La Nouvelle-Calédonie. La culture Kanak. Il y a de tout cela dans le nouveau livre du flic toulousain et écrivain, Christophe Guillaumot, mais aussi bien plus.

"que tombe le silence" remet en scène "le Kanak" et "Six" dans une histoire qui plonge les deux enquêteurs dans les méandres de la ville rose, à la manière de Jean-Claude Izzo, jusqu'aux contrées lointaines de la Nouvelle-Calédonie.  

Ce récit fluide aux descriptions "léchées" est celui de l'incertitude. Jérôme Cussac (Six) est sur le point de démissionner et de refaire sa vie de l'autre côté de l'atlantique. La section des courses et des jeux a quasiment disparu, laissant Renato Donatelli (Le Kanak) presque seul, face à ses propres interrogations et à ses fantômes de son île natale.

Ce troisième épisode de la série Renato Donatelli fait de nouveau directement écho au réel. Chaque paragraphe ramène le lecteur aux faits divers ayant émaillé l'actualité toulousaine mais évoque aussi le malaise au sein de la police et ses conséquences, sans oublier cette contestation populaire apparue à travers toute la France et défilant chaque samedi dans les rues.
 


France 3 Occitanie : Votre roman est très ancré dans l’actualité. Pourquoi ?

Christophe Guillaumot : L’intrigue de ce roman date d’il y a deux ans. Je voulais notamment parler des suicides dans la police car j’ai un partenaire qui s’est suicidé.  Je l’ai abordé sans savoir que l’année 2019 serait aussi dramatique et allait battre tous les records en matière de suicide dans la police.  L’an dernier, nous avons connu 59 suicides contre 35 en 2018. Malheureusement, je suis dans l’actualité sans le faire exprès. Ensuite, les histoires de drogues, de trafics, c’est quelque chose de continue. Cela m’a inspiré il y a deux ans mais la situation n’a pas changé. Elle ne s’est pas améliorée. C’est donc en effet un roman en pleine actualité.

France 3 Occitanie : Pour quelles raisons Toulouse et ses quartiers sont pour vous des personnages à part entière ?

Christophe Guillaumot :  Toulouse réunie tout un ensemble. Ses cités sont chaudes. Dans le même temps son centre-ville est très joli. C'est une ville du sud très agréable où l’on vit sur des terrasses et où l'on ne respecte pas grand-chose. C’est un peu sale. Lorsque je suis arrivé à Toulouse, j’ai mis des images sur des expressions qui pour moi ne signifiaient rien : comme dormir sous un pont. C’est ici que j’ai découvert que l’on pouvait dormir sous un pont avec des lits, des salles à manger. Il y a tellement de décors qui sont adaptés au polar que cette ville est vraiment inspirante. Il y a pleins de choses superbes mais en tant que flic je vois aussi  le « mauvais Toulouse ». Et ça cela m’inspire.

France 3 Occitanie : Tout ce que vous racontez dans votre roman est ce la réalité ?

Christophe Guillaumot :  Je ne peux pas parler d’affaires que j’aurais pu traiter mais par contre je saupoudre d’anecdotes mes romans. Cela peut être des petits trucs. Des problèmes de matériels que l’on rencontre tous les jours. Cela peut être parfois des choses drôles. C’est un ensemble de petites choses qui permet à l'histoire de paraître plus que réelle et juste.

France 3 Occitanie : C’est aussi un moyen pour vous de vous exprimer sur la vie des policiers ?

Christophe Guillaumot :  Je ne me permets pas de juger ou de donner mon avis. Je me considère plus comme un photographe. Mon objectif, je le braque le plus souvent en direction des "choses pas belles". Ce que j’aimerais que l’on dise plus tard, c’est « si vous voulez savoir ce qu’était la police et Toulouse dans les années 2020, lisez « Que tombe le silence ».

France 3 Occitanie : La Nouvelle-Calédonie occupe une place importante dans ce dernier tome, notamment à travers votre personnage, « le Kanak ». Comment avez-vous été amené à créer Renato Donatelli ?

Christophe Guillaumot :  Je me suis inspiré d’un pote avec qui j’ai commencé, à l’école de police de Toulouse en 1991. C’est un Wallisien qui débarquait en métropole. Il n’avait jamais vu la neige, ni de radiateurs et qui était comme je l’ai décrit dans le roman : un géant au grand cœur, très intelligent, drôle, solaire que tout le monde aimait.

Quand je me suis lancé dans l'écriture, il s’est imposé à moi comme un héros atypique qui pourrait marquer le genre. C’est ce qui m’a fait m’intéresser à cette culture océanienne. Mes deux premiers romans, je m’étais basé sur mes souvenirs avec lui mais je n’avais jamais mis un pied là-bas. Je me disais qu’il y avait beaucoup de choses que je ne comprenais pas. Donc il fallait que je m’y rende.

France 3 Occitanie : Comment avez vous travaillé sur place ?

Christophe Guillaumot :  J’y ai passé un mois avec mon sac à dos. Je suis allé à la rencontre des kanak, sur les traces de mon potes qui est décédé en 2009. Je suis allé voir sa famille qui avait lu mes romans et était très contente de l’image que je donnais de leur parent. C’était un superbe voyage où j’ai appris beaucoup de choses.  Les kanak sont croyants mais en même temps, ils ont aussi les esprits de la forêt. Ils ont les emboucaneurs (sorciers).
Tout ça, j’avais du mal à faire la différence et j’ai pu avoir plein d’explications. J’ai rencontré des personnes qui m’ont embarqué sur leurs pirogue, qui m’ont expliqué comment pêcher, comment survivre dans la nature, quelles feuilles servent à soigner les piqûres des moustiques, quelles racines se mangent. J'ai pris aussi des rendez-vous avec des institutionnels, une magistrate, un proviseur de lycée.  Le roman montre ainsi l’envers du décor de la Calédonie avec une jeunesse kanak, perdue, pervertie par le système, par notre système, notamment l’alcool. Tout ceci produit beaucoup de gamins en déshérence.

France 3 Occitanie : Là aussi, l’histoire du trafic de cocaïne à Nouméa et la pratique de la "ligne" sont directement tirées du réel ?

Christophe Guillaumot : L’histoire de la mule me permettait de faire venir la cousine de Renato en France. C'est un moyen narratif. Par contre tout ce qu’elle raconte de son adolescence ce sont véritablement des choses que j’ai recueilli. Il y a de véritables fractures en Nouvelle-Calédonie notamment cette obligation des jeunes kanak des îles et de la brousse de partir à Nouméa pour aller au lycée et de vivre dans des squats. Ils perdent leurs repaires de groupe pour un individualisme qui les pervertit.

Ce sont des femmes kanak qui m'ont ainsi raconté ce qui pouvait se passe en tribu, notamment lors des fêtes. Elles m'ont expliqué comment, lors des fêtes, il fallait garer les voitures dans le bon sens pour partir le plus rapidement possible. L'alcool est un fléau. D'ailleurs beaucoup d'entre-elles ne s'y rendent plus. 

France 3 Occitanie : Vous abordez le côté de sombre de la Calédonie mais tout au long de votre roman vous mettez aussi en avant les valeurs défendues par Renato : la famille, le devoir. Pourquoi ?

Christophe Guillaumot :  Moi ce qui m’intéressait avec le personnage de Renato, c’était d’avoir la vision d’un "ailleurs" sur notre société. C’est un type qui vient d’ailleurs et remet de l’ordre chez nous. C’est le bazar chez nous car nous sommes en perdons progressivement nos valeurs. Je suis allé dans certaines tribu où il y a énormément de respect pour les anciens, pour la vie en commun. Par le regard de Renato, je peux regarder notre société et Toulouse en particulier.  
 
"Que Tombe le Silence"
Christophe Guillaumot
300 pages,19€ aux Editions
Liana Levi

 

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