Jean-Luc Moudenc affirme s'être rendu au plus près des casseurs le 8 décembre dans le quartier Saint-Cyprien après la manifestation des Gilets jaunes et avoir vu extrême-droite et extrême-gauche main dans la main. Quelques points méritent des éclaircissements.
Quelques lignes publiées dans "Chez pol", la newsletter politique de Libération, mercredi 16 janvier, ont suffi pour que de nombreux médias nationaux reprennent l'info : le maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, grimé, se serait infiltré parmi les casseurs lors d'une manifestation des Gilets jaunes, le samedi 8 décembre dernier.
Rien de nouveau...
Passons sur le fait que cette info n'est pas vraiment nouvelle : elle avait été publiée sur le blog Toulouse Hors-Champs du photoreporter Kevin Figuier dès le lendemain, le 9 décembre sous la forme suivante :Info reprise, le mardi 11 décembre, dans un article de France 3 Occitanie concernant les propos que le maire de Toulouse avait tenus sur BFM TV le soir de la manifestation, indiquant qu'il n'y avait pas eu de "dégradations majeures", alors que des scènes de chaos s'étaient déroulées quelques heures plutôt, notamment dans le quartier Saint-Cyprien, avec de nombreuses dégâts.Dans la situation confuse, un scooter avec un passager à l’arrière se faufile à travers les débris de la place Saint-Cyprien. Malgré son casque et un masque noir sur le visage, on reconnait le maire (LR) de Toulouse, Jean-Luc Moudenc et le conseiller municipal délégué Frédéric Brasilés.
Des éléments, qui attestent toutefois d'une chose : oui, le maire de Toulouse s'est bien rendu en scooter, casqué, à proximité des lieux ce jour-là.
Il y a infiltration et infiltration
Mais peut-on pour autant parler d'infiltration ? De nouveau interrogé sur BFM TV ce 17 janvier 2019, après la publication de l'article de Libération, Jean-Luc Moudenc raconte qu'il s'est "grimé", avec un casque de moto et un foulard pour cacher son visage, afin de ne pas être reconnu :Mais comment alors parler d'infiltration ? A distance, Jean-Luc Moudenc a sans doute pu constater les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, leur violence et leur intensité. Il a aussi donc pu voir les exactions commises contre le mobilier urbain, le chantier d'un immeuble en construction, les agences bancaires ou encore deux bureaux de tabacs, des offices de notaires, etc.Gilets jaunes: le maire de Toulouse raconte comment il s'est infiltré parmi les casseurs pic.twitter.com/ERU2pkmYlW
— BFMTV (@BFMTV) 17 janvier 2019
Mais de là à "infiltrer les casseurs", il y a un sacré pas : ce samedi 8 décembre, la situation est incontrôlable dans le quartier Saint-Cyprien. De rares journalistes sont sur place, au milieu des "casseurs". Jean-Luc Moudenc est aperçu (et donc reconnu malgré son souhait de rester anonyme) par un photographe mais à distance, pas à l'intérieur de la zone de chaos.
Comment différencier les extrêmes ?
Alors dans ces conditions, comment le maire de Toulouse a-t-il pu voir, comme il le confie à Libération, la collusion de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche :Le fait est que ce samedi là, les exactions sont commises par plusieurs centaines de personnes. France 3 est en direct, via facebook. Dans la foule, il y a bien des gilets jaunes. Nos journalistes échangent avec eux, alors que des vitrines sont brisées, des voitures incendiées.J'ai été frappé par le mano a mano entre extrémistes de gauche et de droite, unis pour lancer des projectiles contre les forces de l'ordre. Jamais je n'avais vu ça ! La phrase "les extrêmes se rejoignent" a pris tout son sens sous mes yeux (Jean-Luc Moudenc, dans Libération)
Mais il est alors impossible, même au plus près de cette foule et a fortiori quand on est à distance, de savoir si des membres ou sympathisants de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche s'entendent pour casser. Il y a là des gens masqués, casqués, certains avec un gilet jaune, d'autres pas. Et ils ne portent pas leurs idées politiques en bandouillère, ni écrites sur le front.
Cette vidéo live a débuté le 8 décembre à 18h29 :
Et toujours ce problème de timing
Enfin, dernier point, déjà soulevé dans notre article du 11 décembre et que l'on peut étayer à la lumière des nouvelles déclarations du maire du Toulouse : si en se rendant sur place vers 18h30, Jean-Luc Moudenc a pu "infiltrer" les casseurs et voir les extrêmes se rejoindre, comment n'a-t-il pas vu, alors que les exactions étaient à leur comble, que le quartier était en partie dévasté ?Deux heures plus tard, en effet, il indiquait sur BFM qu'il y avait eu des incidents mais "pas de dégradations majeures" ajoutant "les choses ont été semble-t-il mieux maîtrisées" [que la semaine précédente, NDLR]. Le lundi suivant, il fera même une vidéo pour indiquer que les exactions ont démarré après son interview sur la chaîne d'infos en continu, vers 20h30, alors que justement, à cette heure-là, le calme revenait.
L'expression ne vient pas de lui
Le cabinet du maire de Toulouse précise que "en scooter, il s'est faufilé parmi les casseurs" mais que l'expression "infiltrer les casseurs" vient des journalistes pas de Jean-Luc Moudenc.Ce 8 décembre, il a pu voir, selon son entourage "les barricades et les extrémistes qui jetaient les projectiles sur les forces de l'ordre, mais n'avait pas encore aperçu (autour de 18 heures) de vitrines vandalisées".