Le rover Perseverance et sa caméra Supercam font des prouesses sur Mars. Alimenté par une rivière via un delta, un lac a bien existé il y a 3,6 milliards d’années. Une découverte très intéressante et prometteuse pour l'avenir.
Depuis son atterrissage sur la planète Mars, le 18 février 2021, le rover Perseverance est très actif. Il a rapidement débuté ses investigations afin de mieux comprendre l’histoire passée de la planète rouge. C'est surtout un atterrissage bien calculé pour Perseverance, au niveau du cratère Jezero comme il a été nommé, car il était important qu'il arrive dans un endroit stratégique pour les recherches. Avec sa caméra Supercam dirigée en partie par le chercheur Sylvestre Maurice depuis Toulouse, les recherches et les nouvelles vont vite.
"Vous savez, lorsque l’on choisit un site d’atterrissage, vous ne savez jamais vraiment où vous mettez les pieds, ou les roues en l’occurrence pour notre rover. On avait décidé avec des images orbitales, images avec une mauvaise résolution donc on était assez limité. Mais on avait supposé que l’on serait dans un lac", souligne Sylvestre Maurice, co-responsable de la caméra Supercam.
Ce qui a été un jour un lac, c’est une grande découverte pour nous. C’est très intéressant et ça prouve que l’on est au bon endroit. Si on se transportait il y a 3.6 milliards d’années, on aurait les pieds dans l’eau.
? @NASAPersevere livre ses premiers résultats scientifiques : le cratère Jezero a bien abrité un lac, alimenté par une rivière via un delta, il y a 3,6 milliards d’années ?
— CNES (@CNES) October 8, 2021
Ces observations ont été obtenues grâce à l'instrument #SuperCam ?#Mars2020https://t.co/rGkTDcCybq
La caméra Supercam du rover Perseverance a une très grande définition. Elle peut prendre des images à grande distance avec de très bonnes résolutions. "On arrive à voir des détails de l’ordre de 10 centimètres. J’arrive à voir un rocher qui mesure dix centimètres", précise Sylvestre Maurice.
Grâce à sa précision, les chercheurs ont découvert des strates sédimentaires. Les strates sont l’enregistrement dans le sol, des empilements de couches fines dans la roche. "On commençait à regarder les bords d’un delta car on avait supposé qu’il y avait bien un delta qui se déversait par là et ça nous a sauté un peu au milieu de la figure. Les strates, comme elles étaient organisées, traduisaient quelque chose que l’on connaît assez bien sur Terre. C’est-à-dire, un delta fluvial, une rivière qui vient en pente douce s’élargir et alimenter un lac", insiste le chercheur de l'IRAP et co-reponsable de la caméra Supercam.
C’est l’histoire de l’hydrologie de Mars que l’on voit
À distance, les chercheurs reconnaîssent ces différentes strates et confirment qu'il y a bien eu un lac de 35 kilomètres de diamètre, ce qui correspond à peu près en surface, à deux fois le lac Leman. Pour l'instant, il n'y a pas d'estimation pour la profondeur qui peut aller de quelques dizaines à quelques centaines de mètres.
On a étudié cela en détail en voyant le lac avec les sédiments déposés en pente et les sédiments déposés au fond. C’est un lac fermé et ça, c’est une surprise. Il était alimenté mais fermé avec l’eau qui varie en fonction de l’activité hydrologique. L’eau a disparu et maintenant, on voit sur les photos de très belles strates qui sont l’histoire enregistrée en géologie de ce lac de 3.6 milliards d’années.
Un climat plus catastrophique
Des strates plutôt plates au fond du lac, des strates plus pentues qui étaient à la frontière du delta, d'autres horizontales avec en plus "une époque où le climat a dû changer parce qu’il y a des écoulements qui ont entraîné des gros rochers". Pour les chercheurs, c'est une réelle promesse d'avenir mais surtout, "c’est l’histoire de l’hydrologie de Mars que l’on voit", explique Sylvestre Maurice.
Au début on a vraiment l’impression que c’est un écoulement calme, assez doux, et puis on voit bien qu’il y a eu un changement dans l’histoire de Mars. Le climat a évolué, c’est devenu plus sec. Ou c'est lié à la présence d’un glacier. Parce qu’il y a clairement eu un écoulement, qui devient un peu plus catastrophique et ça, il va falloir creuser pour en savoir plus.
Ces strates différentes, caractérisées par la présence de gros galets et de blocs rocheux de plus d’un mètre, témoignent de forts courants fluviaux, comme lors de crues soudaines. La planète Mars a probablement subi un changement climatique majeur.
Une grande "variabilité d'échantillons"
Durant sa mission, le rover Perseverance va prélever une quarantaine d’échantillons pendant six ans. "Notre idée est d’étudier et puis de prélever des échantillons. On a grand espoir qu'il y a une grande variabilité d'échantillons. Et ensuite, une autre mission ramènera sur Terre ces échantillons d’ici une dizaine d’années. Ce n’est que le début de l’aventure", indique Sylvestre Maurice.
L’eau liquide est une condition nécessaire mais pas suffisante pour savoir s’il y a eu une vie sur Mars. Cela prouve que la vie aurait pu se développer sur la planète rouge, mais pour l’instant, rien n'a été trouvé dans ce sens.