L'olivier est connu pour sa capacité de résistance aux fortes chaleurs. Mais avec la hausse des températures liée au réchauffement climatique, la production d'huile d'olive est bel et bien menacée dans certaines régions méditerranéennes selon un chercheur de l'université Toulouse III-Paul Sabatier. Ses travaux viennent d'être publiés dans Nature Plants.
Arbre incontournable de la Méditerranée, l'olivier symbolise un climat, un art de vivre et une cuisine. Bien qu’il soit l’une des espèces les mieux adaptées à ce climat méditerranéen, la hausse des températures due au changement climatique le fragilise et menace ses rendements.
La production d'huile d'olive menacée sur le pourtour méditerranéen
David Kaniewski, chercheur et maître de conférence à l'université de Toulouse III-Paul Sabatier au sein du laboratoire TRACES (laboratoire Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés) vient de publier avec d'autres chercheurs une étude internationale sur l'avenir de la culture de l'olivier en Méditerranée dans Natures Plants.
Les résultats de ces travaux sont alarmants. Avec le réchauffement climatique, la production d'huile d'olive est clairement menacée sur le pourtour méditerranéen dans les décennies à venir.
Le bassin méditerranéen est en effet considéré comme "un point chaud" du changement climatique selon le 6ème rapport du GIEC (groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), c'est à dire que cette région va connaître des températures 20% plus chaudes que la moyenne.
Le passé de l'olivier reconstitué au Liban à partir de fossiles
Cette hausse ne sera pas sans conséquence sur la culture de l'olivier selon le chercheur toulousain. Afin de quantifier l’impact de ces fortes chaleurs sur l’oléiculture, une équipe internationale a reconstitué le passé de l’olivier à partir d’analyses du pollen issu de carottes terrestres extraites dans la ville de Tyr, au Liban.
Cette méthode a permis de reconstruire les tendances de floraison et de fructification de l’olivier pendant 5400 ans dans la partie orientale du bassin de la Méditerranée. En parallèle, les données climatiques ont également été reconstruites pour cette même ville afin de pouvoir confronter les variations de températures et de précipitations avec l’évolution de l’oléiculture.
Cette approche "fossile" a été couplée avec des données instrumentales sur l’olivier et le climat à l’échelle de la Méditerranée, permettant le développement d’un modèle prédictif basé sur une longue durée.
"On a fait un mélange de données fossiles et actuelles. On a d'abord reconstruit le passé de l'olivier au Liban. Puis on a reconstruit tous les paramètres climatiques associés. Une fois qu'on a eu la relation climat et oléiculture au Liban, on a ensuite fait une projection sur l'ensemble du bassin méditerranéen. On a ainsi pu proposer les scénarios d'évolution pour le futur" , explique le chercheur toulousain David Kaniewski.
Un lien fort entre climat et floraison des oliviers
Cette modélisation a permis d’établir un lien fort entre le climat et la floraison des oliviers. En y ajoutant le scénario de développement durable projeté par le GIEC, où la hausse des températures se stabiliserait à 1,8° à la fin du siècle, le modèle peut alors identifier les points critiques qui mettront en danger la production d’olives au Liban.
L’étude révèle qu’une température moyenne annuelle de 16,9° (± 0,3°) est optimale pour la floraison et la fructification de l’espèce en Méditerranée.
Or, les anomalies de températures dans ce scénario du GIEC risquent d’être de l’ordre d’une augmentation de 2,3° dans l’aire méditerranéenne, soit une température au-delà de l’optimale.
Bien que l’olivier soit assez résistant, sa floraison et fructification restent néanmoins sensibles à une augmentation des températures et à une diminution des précipitations : un printemps trop sec entraîne une plus faible floraison de l’arbre, qui produira en retour moins d’olives et donc moins d’huile.
"On assiste déjà à une réduction de la fructification en France de l'ordre de 40% depuis deux, trois ans. C'est encore plus accentué dans le cœur de l'Espagne, plus gros producteur d'huile d'olive au monde avec des pertes qui se chiffrent autour de 60%", explique David Kaniewski chercheur toulousain.
Il faudra déplacer les oliveraies, de l'Hérault vers la région toulousaine
Les températures que l'on va avoir très bientôt sur le bassin méditerranéen vont être trop élevées pour maintenir une oléiculture viable économiquement. On va probablement assister à un déclin de cette oléiculture dans certaines zones géographiques de la Méditerranée. Et inversement d'autres territoires qui sont, pour l'heure peu favorables à la culture de l'olivier, vont le devenir. Par exemple, en France, l'oléiculture actuelle dans l'Hérault pourrait se déplacer vers l'Aude et la région toulousaine.
David Kaniewski, chercheur à l'université Toulouse III-Paul Sabatier
Selon ces chercheurs, il faudra sans doute utiliser des cultivars différents plus adaptés à la sécheresse. "Ils n'auront pas les même rendements ou la même qualité gustative au niveau de la production d'huile. Il y aura donc un avant et un après", précise le chercheur toulousain. "Et celui-ci sera forcément différent. On ne pourra pas remplacer l'huile d'olive, ce qui explique qu'il faudra malheureusement déplacer l'oléiculture vers de nouveaux territoires. On va assister à une migration des oliveraies".
Des changements dès 2030
Des changements qui pourraient débuter dès 2030 pour s'accélérer dès 2050. Au Liban, l'oléiculture est déjà actuellement sous stress climatique. Ce qui fragilise les espaces oléicoles, entraînant une perte de productivité ainsi qu’une altération de la qualité des fruits et des huiles.
L'olivier pourrait même être amené à disparaître au Liban. Or cette région dépend beaucoup économiquement de cette culture. Mais elle n'est pas la seule. L’Espagne, l’Italie, la Grèce ou la France sont aussi de gros producteurs d'huile d'olive.
Cette étude va donc se poursuivre en France, notamment en Occitanie, mais également dans les Bouches-du-Rhône et le Var ainsi qu’en Espagne, en Andalousie, afin de quantifier le futur de l’olivier en Méditerranée occidentale.
L'été dernier déjà, les professionnels de l'oléiculture avaient tiré la sonnette d'alarme. La sécheresse et les vagues de chaleur avaient fortement impacté la récolte des olives. En effet les arbres ne sont pas morts mais pour se protéger, les oliviers ont activé un système de défense. Ils ont produit moins d'olives voire plus du tout dans certaines régions méditerranéennes.
En Andalousie par exemple, la récolte en 2022 n'a pas dépassé les 20% de la récolte habituelle sur les parcelles non irriguées. Sur les autres, la récolte a seulement atteint 50 à 60% de la moyenne.