Imad Ibn Ziaten a été tué le 11 mars 2012 sur un parking à Toulouse. Assassiné de sang froid par Mohammed Merah. 10 ans plus tard, les esprits restent marqués par ce premier acte terroriste. A l'époque, personne n'imaginait que c'était le début d'une série d'attentats. Témoignages.
11 mars 2012. Imad Ibn Ziaten meurt sous les balles du tueur au scooter. Mohammed Merah vient de tuer sa première victime sur un parking à Toulouse. "Dix ans après… C’est très difficile. Et c’est comme si c’était hier", nous dit sa maman, Latifa. Ce jour-là, personne n'imagine les tueries suivantes, ciblant encore des militaires à Montauban, puis la communauté juive à l'école Ozar-Hatora de Toulouse. La série d'attentats de Mohammed Merah débute sous des airs de crime crapuleux.
C'était un dimanche...
"Le service de permanence me contacte, j’étais à mon domicile, pour me dire qu’un homicide venait d’être commis à proximité du gymnase de l’Hers, et que c’était une personne qui avait été abattue par balles", se souvient Lucien Pourrailly. Le chef de la police en Haute-Garonne à l'époque ne dispose guère de plus d'éléments ce 11 mars 2012 après-midi..
Idem pour Michel Valet. L'ancien procureur de la République de Toulouse se souvient très bien d'un dimanche ensoleillé. Il est 16h environ. "Et je suis appelé dans ma voiture pour me rendre sur les lieux d’un meurtre. Je m’y rends, c’est le parking du château de l’Hers, dans un quartier de Toulouse. Je suis confronté au corps de la première victime de Mohammed Merah. Mais sans le savoir".
Toutes les pistes possibles
Le soldat parachutiste, Imad Ibn Ziaten, avait passé une annonce pour vendre sa moto. Il y précisait son statut de militaire. C’est cette dernière précision qui a conduit Merah à lui poser un guet-apens. Mais ça, l'enquête le déterminera par la suite. Même la mère d'Imad Ibn Ziaten se souvient avoir tout de suite pensé à une autre piste. En ce mois de mars 2012, la campagne électorale pour la Présidentielle bat son plein.
Il y avait l’élection. Moi, j’ai tout de suite pensé extrême-droite, c’est malheureux à dire. Je me suis dit, ça doit être un raciste, un malade qui tente de faire du mal.
Latifa Ibn ZiatenMère de la première victime de Merah
Latifa se souvient s'être appuyé sur un témoignage pour élaborer sa théorie. "Il y avait une dame qui a dit : "la personne qui a tué le soldat, il était tatoué, peau blanche, yeux clairs, tout ça…" Mais cette piste-là s'effiloche. D'autres théories viennent à l'esprit de cette mère endeuillée : un aumônier, des professeurs avec qui son fils ne s'entendait pas forcément bien.... "Vous voyez, il y avait beaucoup de choses, mais j’ai jamais pensé à un attentat terroriste."
Le procureur de l'époque à Toulouse, lui aussi, semble un peu perdu. Michel Valet dit avoir partagé "avec tous les enquêteurs présents, une totale incompréhension devant ce meurtre inexplicable". Qui a tué Imad Ibn Ziaten ? Et surtout, pourquoi ?
Ce que l’on sait très vite, c’est que l’on a à faire à une victime qui n’a pas d’ennemi connu. Qui est parfaitement considérée dans sa vie de militaire, comme dans sa vie privée. Et par conséquent, à l’issue des premières heures, on est dans un mystère absolu.
Michel ValetAncien procureur de la République à Toulouse
Anniversaire teinté d'amertume
Les commémorations de ce 10e anniversaire des attentats commis par Mohammed Merah, oui, Latifa Ibn Ziaten y participera. Même si certaines blessures ne sont toujours pas cicatrisées. "Ce qui est dommage, c’est que mon fils, il est toujours oublié", nous dit-elle à l'aube de ces célébrations. Dix ans plus tard, les lèvres de Latifa se serrent encore à l'évocation des hommages rendus. Année après année.
Vous savez, je me suis battue pour avoir une plaque. Et sur le parking à Toulouse, on ne la voit même pas. Je me suis battue dans la ville où j’habite, j’ai voulu mettre une plaque dans l’impasse où personne ne passe. C’est très difficile, j’ai des choses un peu dures dans mon cœur. Quel dommage.
Latifa Ibn Ziaten
Lorsqu'elle perd son fils, Latifa Ibn Ziaten s'est sentie seule pour mener le combat, qui depuis 10 ans, est devenu son quotidien. "J’ai appelé le consul, j’ai appelé le roi du Maroc... Je n’avais personne pour me représenter. Je n’avais aucun représentant de l’islam avec moi."
J’ai pardonné, répète-t-elle inlassablement depuis ce 11 mars 2012. Notamment aux collégiens et lycéens qu'elle rencontre. "J’ai fait une promesse à mon fils, j’ai dit à Imad, ta vie s’arrête là mon fils, mais pas la mienne." Son combat, depuis la mort de son fils : aider les jeunes en manque de repères, et montrer à chaque élève qu’il peut réussir.
Dix années ont passé et Latifa refuse de baisser les bras. A-t-elle toujours confiance en l'avenir ? "Bien sûr. Il faut juste donner cette chance à cette jeunesse. Garder le sourire, garder la tête haute. Moi, je suis sûre que la France n’est pas raciste." La Paix. Le vivre ensemble. La tolérance. Les mots sont ancrés chez Latifa Ibn Ziaten.
"Quelques fois le meilleur côtoie le pire"
Mars 2022. L'ancien procureur de la République à Toulouse nous a confié les souvenirs qu'il garde de la série d'attentats commis par Merah. "Dans cette affaire, j’ai le sentiment d’avoir été confronté à un degré d’inhumanité que je n’avais jamais rencontré jusque là". Au point que la tentation de "désespérer de notre humanité" guette les uns et les autres, rajoute Michel Valet.
L'ancien procureur insiste sur les images qu'il souhaite que l'on retienne. Ce sont celles des proches des victimes de Merah, "dont la force et le courage m'ont impressionné" lorsqu'il reçoit les familles des militaires tués dans son bureau au palais de justice.
C'est l’image d’Imad Ibn Ziaten, le soldat parachutiste qui a été la première victime de Mohammed Merah, et qui a affronté son meurtrier avec un courage extraordinaire, refusant de s’abaisser devant lui. C’est la mère de ce soldat, Latifa, qui a répondu au messager de haine qu’était Mohammed Merah, en devenant une messagère de paix et de fraternité auprès des écoliers et des écoles où elle s’est rendue depuis.
Michel Valet, ancien procureur de la République à Toulouse
Imad Ibn Ziaten est la première des sept victimes du terroriste. Quatre jours plus tard, le 15 mars 2012, Mohammed Merah attaque et tire sur trois autres militaires à Montauban. Deux des soldats meurent, le troisième est grièvement blessé. Le modus operandi du tueur au scooter, l'arme utilisée, vont donner à l'enquête une tout autre dimension.