Le festival audiovisuel de Luchon (Haute-Garonne) réunit chaque année des centaines de professionnels du secteur. Des prestataires dénoncent des défauts de paiement malgré des relances voire des décisions de justice. Mise en cause, la direction du festival assure être en difficulté à cause de la baisse de subventions.
Bagnères-de-Luchon, dite Luchon, est une petite commune du sud de la Haute-Garonne. Elle comptabilise quelque 2.368 habitants au 1er janvier 2023, selon les chiffres du dernier recensement. Et depuis 1999, c’est ici que se tient chaque année, au mois de février, un festival consacré aux productions audiovisuelles : le festival des créations télévisuelles de Luchon. Au programme : projections de films documentaires, ateliers de découverte des médias et surtout remise de prestigieux prix pour couronner des créations audiovisuelles.
Aux manettes de l’organisation du festival, l’association Union francophone présidée par Christian Cappe. Ce dernier, ainsi que sa structure, sont aujourd’hui mis en cause par d’anciens prestataires qui assurent ne pas avoir été payés après des interventions sur le festival.
Aujourd’hui, ils sont au moins une dizaine à réclamer leur dû. Certains ont même décidé de se réunir pour mutualiser les réclamations. “Quand on a vu tous les gens qui étaient dans cette situation, on s’est dit qu’on devait faire quelque chose”, explique Luc Adam, communicant indépendant. À ses côtés, Catherine Sanchez, ancienne programmatrice de la sélection espagnole sur le festival. Mandatée en décembre 2021, elle aussi est toujours dans l'attente d'un règlement d'un montant de 1.250 euros
Plusieurs milliers d’euros impayés
Des contrats pour des prestations facturées à plusieurs milliers d’euros ont donc été signés. Mais les impayés se chiffrent eux aussi à plusieurs milliers d’euros. 2.000, 4.000, 5.000 voire 8.000 euros : les sommes varient en fonction des prestataires.
Au bout de plusieurs relances, certains ont été partiellement payés. Professionnel de la communication basé à Paris, Luc Adam était aussi directeur artistique du festival en 2021. Il lui arrivait aussi d’être en charge de la communication officielle du festival. À ce jour, il a été partiellement réglé et est toujours en attente d’un versement de 2.000 euros.
“J’ai dû médiatiser toute cette affaire pour me faire entendre”, déplore encore un autre prestataire. Lui a pu s’exprimer début mars sur la chaîne M6 dans l’émission baptisée “Ça peut vous arriver” présentée par Julien Courbet. “Et comme par hasard, j’ai été réglé dans la foulée et à ce jour, mon litige est clôturé”, explique-t-il, soulagé.
Règlement partiel et condamnation
Mais la plupart d’entre eux tente encore de percevoir la totalité des montants facturés. “Nous avons juste reçu un premier paiement en septembre puis en novembre 2022”, soit plusieurs mois après la prestation, indique Anaïta Bostoni pour le compte de la société Framirex. Un versement partiel obtenu, selon elle, “après de nombreuses relances par mails, téléphone et interpellations sur les réseaux sociaux”. “Je n'ai toujours pas réussi à me faire payer le reste”, fulmine de son côté un autre prestataire. Lui aussi partiellement réglé, il s’estime lésé.
On a gagné, mais on a perdu beaucoup plus.
Adrien Winkel, société KRD audiovisuel
Représentant de la société KRD audiovisuel, Adrien Winkel a signé un contrat d’un montant de 10.000 euros avec l’Union francophone en 2020. Dans ce cas précis, ses services n’ont pas été requis pour le festival de Luchon, mais pour sa déclinaison, à savoir le festival Écran jeunesse. Organisé lui aussi à Bagnères-de-Luchon, il s’agit là d’une manifestation pour célébrer la création audiovisuelle destinée à un jeune public.
“Quand j'ai constaté que je n'avais pas été payé, j’ai relancé l’Union francophone, j’ai envoyé des courriers. Au final j’ai dû aller au tribunal”, explique Adrien Winkel, pour tenter d’obtenir le paiement de ses prestations. Des démarches longues et onéreuses qui se soldent par un succès : en novembre 2022, le tribunal judiciaire de Tarbes (Hautes-Pyrénées) condamne les organisateurs à payer les sommes dues et à verser 1.000 euros de dommages à Adrien Winkel. Un argent dont il n'a toujours pas vu la couleur, assure l'intéressé. “Malgré la condamnation qui date déjà de l'année dernière, je n’ai toujours rien reçu. Tout cela nous a coûté 3.000 euros et des poussières. En gros on a gagné, mais on a perdu beaucoup plus”.
Attaquée, la direction du festival se défend
En plus des délais de paiement, certains disent se heurter à l’inaction de la direction du festival. “J’ai tenté de poursuivre son directeur mais sa mauvaise foi est indescriptible”, tacle de son côté Fabrice Michon. Il est directeur des opérations de Cultures connection, une entreprise qui a vendu ses services de traduction linguistiques au festival de Luchon en 2022. Approché par la rédaction de France 3 Occitanie plus d’un an après cette édition, Fabrice Michon assure qu’il demeure encore dans l’attente d’un versement de plusieurs milliers d’euros. Selon lui, Christian Cappe, directeur du festival et président-fondateur de l’Union francophone, “a envoyé des fausses notifications de règlement” attestant que les sommes avaient été réglées.
On a repris le festival en 2022 sans aucune trésorerie et avec des financements à la baisse localement.
Christian Cappe, président de l'Union francophone et directeur du festival de Luchon
Contacté, Christian Cappe reconnaît de son côté une “situation financière compliquée”. Selon lui, ces délais importants de paiement s'expliqueraient par des retards de versement des subventions. “On a repris le festival en 2022 sans aucune trésorerie et avec des financements à la baisse localement. Nous étions en période de sortie de Covid. On sait très bien que les collectivités souffrent comme toutes les entreprises”, assure Christian Cappe.
Des aides départementales renouvelées chaque année
Ces subventions publiques sont versées par des partenaires publics ou privés. En tête : la région Occitanie, le conseil départemental de Haute-Garonne ou encore la ville de Luchon. "Le Département a soutenu le festival de Luchon à hauteur de 95.000 euros en 2022 et cela depuis l'édition 2020", fait-on savoir mercredi 15 mars. Une dotation similaire pour la prochaine édition a déjà été votée et "son versement est en attente du recueil des pièces justificatives manques au dossier et nécessaires à l'octroi d'une subvention publique", précise le département.
Mais impossible, pour l’heure, de connaître le montant total de toutes les subventions puisque la région ne nous a pas fait parvenir ses chiffres à ce jour. La région, interpellée par les prestataires qui sont en attente de paiement, indique avoir par ailleurs lancé un audit pour faire le point sur les dysfonctionnements signalés. Par le biais de son service de communication, elle entend œuvrer pour que “le festival puisse se poursuivre dans les meilleures conditions”.