Génération Identitaire a organisé une nouvelle action à Toulouse, ce dimanche 5 juillet. Depuis plusieurs mois, le groupe d'extrême-droite multiplie ce type d'"happening" dans la ville rose. Pour le sociologue Samuel Bouron, leur objectif est de "s'imposer dans l'agenda médiatique" et "d'exister".
Sur les photos publiées sur les réseaux sociaux, l'eau de trois fontaines du centre-ville de Toulouse sont teintées de rouge. Chacune de ces image est barrée d'un logo blanc : "#WhiteLivesMatter", "Stop au racisme anti-blanc" et "Toujours debout jamais à genoux". Toutes sont signées Génération Identitaire. Elles s'opposent au mouvement Black Lives Matter dénonçant le racisme et ayant pris de l'ampleur en France avec la mobilisation dans l'affaire Adama Traoré.
"Ce n'est pas la première fois que ce modus operandi est utilisé par Génération Identitaire, souligne le maître de conférence en sociologie à l'Université Paris Dauphine, Samuel Bouron. En 2010, ils avaient lancé l'opération "fontaines sanglantes" afin de réclamer le retour des soldats français en Afghanistan." Sans avoir eu beaucoup d'échos.
Ce matin à #Toulouse, Génération identitaire dit stop au racisme anti-blanc.
— Thaïs (@Tha_is_dcf) July 5, 2020
En teignant l'eau des fontaines, nous dénonçons cette haine bien réelle et pourtant niée.
C’est le Blanc qui se fait tuer gratuitement dans la rue, comme Thomas à Sarcelles, et pas Adama Traoré ! pic.twitter.com/XtTfM3niHv
Recherche de visibilité
Le groupuscule d'extrême droite n'en est pas à son coup d'essai. Depuis sa création au début des années 2010 et la disparition du Bloc Identitaire, ces jeunes militants et plusieurs autres groupes multiplient les actions : installation de panneaux anti-djihadistes à l'entrée de la ville, déploiement d'une banderole place du Capitole pour Génération Identitaire, installation d'une Marianne pendue au Pont Neuf, action sur le toit de l'entreprise Latécoère pour l'Action Française."L'objectif pour eux est de vraiment s'imposer dans l'agenda médiatique, trouver une place dans l'actualité et de se construire comme un mouvement incontournable, explique le sociologue. Ils ont essayé de polariser le débat en mettant en avant la notion de racisme anti-blanc. La thématique n'est pas nouvelle dans l'extrême droite. Elle précède Génération Identitaire."
Pour celui qui a infiltré en 2010 les Jeunesses Identitaires, les militants de Génération identitaire "trouvent une caisse de résonance sur les réseaux sociaux qui est un espace privilégié par l'extrême droite. Cela leur permet de toucher un public plus large qui se reconnait et défend des positions identiques et "incorrectes"."
Une Toulousaine égérie du mouvement
L'une des militante, la toulousaine Thaïs d'Escufon, très active sur les réseaux sociaux, est devenue l'égérie du mouvement au niveau national depuis sa participation le 13 juin au déploiement d'une banderole sur les toits de la place de la République à Paris. Selon Samuel Bouron, "on retrouve beaucoup ce type de profil dans beaucoup de mouvements d'extrême-droite à travers l'Europe : une figure de la féminité qui va totalement à l'encontre de l'image d'une extrême-droite violente et composée exclusivement de jeunes hommes. En mettant en avant ce visage, ils tentent de dédiaboliser et de lisser l'image du mouvement."D'ailleurs au contraire d'il y a quelques années où les membres de ces groupuscules se cachaient le visage et utilisaient des pseudonymes pour rester dans l'anonymat, désormais ces activistes agissent à visage découvert : "Des personnes comme Thaïs d'Escufon mettent en avant leur militantisme. C'est acceptable pour une partie de la population. C'est passé par tout une politique interne de Génération Identitaire demandant à ses membres de se mettre en avant."
Tensions entre extrême-droite et antifas
"Il y a toujours eu un terreau fertile de l'extrême-droite à Toulouse, raconte le journaliste de Marianne Paul Conge. Le bar l'Oustal (fermé depuis), la Taverne bavaroise où les marches au flambeaux ont longtemps existé. Mais c'est un micro milieu."Un "micro milieu" qui depuis plusieurs mois cherche à être visible dans les rues de Toulouse. "On aperçoit désormais des stickers de l'Action Française que l'on ne voyait pas auparavant, précise Paul Conge. Ils se sentent en position de force avec l'arrivée de Trump et les bons scores du Rassemblement National. Ils ont l'impression que l'opinion est de leur côté et d'avoir le pays derrière eux." Conséquence : de plus en plus de face à face ont lieu avec les mouvements anti-fascistes toulousains. Ces derniers en "guerre contre ces groupuscules d'extrême-droite" s'y opposent de plus en plus régulièrement comme en février dernier lors d'une conférence où devait intervenir le maire de Béziers, Robert Ménard.
Pour le spécialiste de l'extrême-droite "il ne faut pas les survaloriser. Il suffit de peu de personnes pour faire vivre un mouvement tel que Génération Identitaire. Ils cherchent avant tout à être reconnus par les médias grand public afin que leurs visions du monde, leurs positions soient aussi relayées lors des débats sur les chaines tout-info par des dirigeants, des éditorialistes. Cela leur permet d'exister."
Cette nouvelle action de Génération Identitaire intervient au lendemain de l'élection à la tête de la mairie de Moissac (Tarn-et-Garonne) de Romain Lopez du Rassemblement National et de celle à Perpignan de Louis Aliot.
Pour Samuel Bouron, Génération Identitaire est dans la roue du RN "Il y a une division du travail, détaille-t-il. Génération Identitaire occupe l'espace social et l'espace publique afin de faire parler d'eux. Ce qui représente une véritable aubaine pour le Rassemblement National qui peut faire valoir ses idées politiques."