Le CNRS de Toulouse publie les résultats de son projet PlastiGar, qui a évalué pendant quatre ans la pollution en microplastique des eaux de la Garonne et son impact sur la biodiversité. Ces particules ont été retrouvées dans l'estomac de 10% des poissons.
Dans les eaux de la Garonne, la vie des microplastiques est un long fleuve tranquille, qui se termine généralement dans l'océan.
Si de nombreuses études ont été réalisées dans les mers du globe sur l'ampleur de la pollution aux microplastiques (ces minuscules particules de moins de 5 mm qui proviennent de la dégradation du plastique), peu se sont penchées sur la situation dans les rivières et les fleuves.
Pourtant, 80 % des plastiques retrouvés dans les océans proviennent des cours d'eau, selon une étude publiée le 30 avril 2021 dans la revue ScienceAdvances (lien en anglais).
Pour la première fois, des scientifiques toulousains ont voulu quantifier la pollution en microplastique dans les eaux et les sédiments de la Garonne et de ses affluents, des Pyrénées à Agen en passant par l'agglomération toulousaine. C'est le projet PlastiGar, dont les conclusions ont été rendues le 17 novembre 2021.
En 2019, et pendant quatre saisons, les scientifiques des laboratoires rattachés au CNRS Toulouse, Interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique (IMRCP) et Évolution et diversité biologique (EDB) de l’université Toulouse III-Paul Sabatier, ont traqué la pollution en microplastique de la Garonne grâce à des filets filtrants.
Une concentration très forte dans les zones urbanisées
L'équipe a isolé un total de 1 887 particules de microplastiques, dont la taille varie entre 0,7 et 5 mm. Elles étaient composées pour la plus grande majorité d'entre elles de polyéthylène (matière de plastique la plus commune), de polystyrène et de polypropylène (une autre forme de plastique, utilisée notamment dans les emballages, les tapis ou encore les masques chirurgicaux).
En moyenne, la concentration en microplastique était de 0,15 par mètre cube d’eau de surface. "Comparé à d’autres cours d’eau de France et d’Europe, ce niveau de pollution n’a pourtant rien d’extraordinaire et se situe dans la gamme des valeurs observées", assurent les scientifiques dans leur communiqué.
Néanmoins, de fortes disparités ont été relevées : dans les zones fortement urbanisées de l'agglomération toulousaine, la pollution était près de 23 fois plus importante, et pouvait s'élever jusqu’à 3,4 microplastiques par mètre cube. Les microplastiques étaient aussi plus nombreux en été, lorsque le débit des cours d'eau diminuait.
Une faune aquatique qui n'est pas épargnée
Une fois cette cartographie de la pollution dressée, les scientifiques se sont penchés sur la contamination au microplastique de la faune aquatique. En moyenne, 2 % des invertébrés (insectes et mollusques) avaient ingéré des particules de plastiques. Les plus touchés étant les "gros" prédateurs, comme les larves de libellules et les écrevisses.
Cette proportion est plus élevée chez les poissons, où des microplastiques ont été retrouvés chez un individu sur dix. Pour autant, les prédateurs n'étaient pas les plus touchés. Ce sont plutôt ceux qui se nourrissent dans les sédiments, comme le goujon ou le barbeau – les microplastiques les plus lourds s'agglutinant sur le fond des cours d'eau.
Ce qui a des effets catastrophiques pour la faune : "Des expériences montrent que les microplastiques nuisent aux espèces aquatiques, ainsi qu’aux tortues et aux oiseaux : tube digestif bouché, appétit diminué, comportement alimentaire modifié", expliquait National Geographic en 2018. "Résultat, ces animaux grandissent et se reproduisent moins bien. Avec leur estomac rempli de plastique, certains meurent de faim".
La pollution en microplastiques n’est qu’une facette des impacts multiples subis par la biodiversité aquatique.
communiqué du CNRS sur les résultats de PlastiGar
Les scientifiques de PlastiGar concluent dans leur communiqué : "Il est désormais nécessaire de comprendre comment cette pollution interagit avec d’autres formes de pressions humaines sur la biodiversité, telles que la fragmentation des habitats, le changement climatique et les invasions biologiques".