"On est juste en train de le regarder crever" : à la rue depuis deux ans, un sans-abri est en grève de la faim à Toulouse

À 52 ans, Esteban Gonzalez a passé plusieurs années de sa vie à la rue. Installé à Toulouse (Haute-Garonne), il est lourdement handicapé depuis un accident du travail. Ses maigres allocations de l’État viennent d’être suspendues. En réponse, il mène une grève de la faim et peut compter sur la solidarité de ses voisins.

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Il veut lancer un nouvel appel à l’aide et espère être enfin entendu. Esteban Gonzalez, 52 ans, mène une grève de la faim depuis le 23 juillet. À travers cet acte, il souhaite dénoncer ses conditions de survie et mettre en lumière l’abandon des autorités. 

À la rue depuis plus de deux ans, ce ressortissant espagnol est arrivé en France au début des années 2000. Avant de s'installer à Toulouse (Haute-Garonne) en 2015, Esteban Gonzalez n’a d’autre choix que de faire le tour de plusieurs départements pour chercher du travail. La Rochelle, Niort, Thouars, Perpignan… Maçon de profession, il change de ville au gré des chantiers. Sa situation, déjà précaire, s'aggrave en 2016. 

En poste sur un chantier, Esteban Gonzalez est victime d’un accident du travail. Souffrant d’une hernie discale, il subit plusieurs opérations à l’hôpital Purpan (Toulouse) et d’autres cliniques dans la région toulousaine. Mais les douleurs persistent. Désormais lourdement handicapé, il doit faire face à une autre difficulté : l’assurance maladie refuse de reconnaître son accident du travail, ce qui le prive d’indemnités. 

VIDÉO. Esteban Gonzalez, en grève de la faim, témoigne

À la rue depuis plus de deux ans, Esteban Gonzalez se sent abandonné par les autorités. Il a décidé de mener une grève de la faim jusqu'à ce que sa situation évolue. ©Lauriane Nembrot / France 3 Occitanie

Son allocation adulte handicapé vient d’être suspendue

Jusqu’à très récemment, ses seuls revenus provenaient de l’allocation adulte handicapé. Mais faute de suivi médical constant qui lui permet d’attester de sa condition, Esteban Gonzalez vient de la voir suspendue.  "Je suis vraiment victime d'une injustice. Et je ne m'arrêterais pas tant que je n’aurais pas été reconnu.”, martèle le sans abri. 

Après avoir interpellé les autorités publiques et diverses associations sans obtenir une quelconque amélioration sur sa situation, Esteban Gonzalez assure aujourd’hui être “traité comme un moins que rien”. “On m’a abandonné”, fustige-t-il. 

Début 2020, il est contraint de quitter le foyer du 115 dans lequel il s’était installé - moyennant un loyer entre 150 et 190 euros -  après une crise de colère au cours de laquelle il s'en prend aux locaux vétustes et se fracture la main. À la suite de cet épisode, Esteban Gonzalez se retrouve une nouvelle fois à la rue. “Depuis que j’ai été expulsé du 115, je n’ai visité qu’un  seul appartement. Et c’était pire que tout. Il y avait plein de marches que je ne pouvais pas monter à cause de mon handicap”.

“On est juste en train de le regarder crever” 

Au printemps 2020, quelque temps avant le début du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, il a planté sa tente aux pieds d’une résidence rue Adolphe Coll à Toulouse. Depuis cette installation, Esteban Gonzalez, a su se faire accepter par les riverains. 

Michel Folch, un voisin, se rappelle de son arrivée. “Ça fait 18 mois que je le vois tous les jours. Je lui apporte parfois de l’eau fraîche, un peu de nourriture. Je m’arrête pour qu’on puisse parler un peu en espagnol. Mais je ne peux pas dire que je m’occupe de lui. J’essaie d’être présent, c’est tout. Je me suis dit qu’il y avait urgence depuis qu’il a entamé une grève de la faim”. 

J’ai essayé de prévenir une association à son sujet, j’ai eu l’impression qu’ils se fichaient de moi. Ils m’ont dit, avec beaucoup de mépris : “oui oui on le connaît, on s’en occupe”. Mais moi je n’ai jamais vu personne. Jamais

Louise Vivar, voisine

Louise Vivar, une autre habitante du quartier qui vit non loin de la résidence, passe devant la tente d'Esteban Gonzalez à chaque fois qu’elle sort pour faire des courses. “Ça me fait mal au cœur de le voir comme ça, qu’il soit abandonné. Il est blessé, handicapé, tout seul dans sa tente  avec un chien. J’ai essayé de prévenir une association à son sujet, j’ai eu l’impression qu’ils se fichaient de moi. Ils m’ont dit, avec beaucoup de mépris : “oui oui on le connaît, on s’en occupe”. Mais moi je n’ai jamais vu personne. Jamais”. 

D’autres voisins racontent une “situation pas facile du tout”, Esteban étant exposé aux fortes chaleurs en été et aux températures glaciales de l’hiver. “Je me demande vraiment comment il fait pour tenir”, questionne Samira, employée d’une entreprise qui jouxte la résidence, qui rappelle qu’il “souffre le martyre” en raison de ses blessures. “Il a beaucoup de courage. Il arrive à garder le moral. Je pense que beaucoup auraient abandonné à sa place. Parce qu’on est juste en train de le regarder crever”, abonde un de ses collègues. 

“Les autorités se renvoient la balle”

Depuis qu’il a annoncé qu’il mène une grève de la faim, Esteban Gonzalez a pu échanger avec les services municipaux. “Mais pendant des mois et des mois, ils n’ont rien fait”, déplore l’intéressé. Ce mercredi, une voiture blanche siglée de la mairie de Toulouse avec à son bord deux médiateurs de l’AMI (Action médiation insertion) apparaît dans l’allée de la résidence. Ils se font reconnaître et indiquent être venus apporter des bouteilles d’eau à Esteban, qu’il décline. “Je suis là presque tous les jours dès 8h du matin et parfois après 8h du soir. Je ne suis pas parti en vacances et je n’ai vu personne avant cette semaine”, souligne un passant qui travaille dans le quartier. 

Contactée à ce sujet mercredi, la mairie de Toulouse affirme ce jeudi suivre Esteban Gonzalez "depuis un moment", notamment à travers l'EMSS, l'équipe mobile sociale et de santé. D'après les informations de la municipalité, une place dans un centre d'hébergement d'urgence devrait être trouvée à Esteban Gonzalez d'ici le mois de septembre. La préfecture, gestionnaire du 115, précise de son côté qu’elle s’est “saisie du dossier”, rappelant une rencontre entre le préfet Etienne Guyot et les représentants associatifs engagés dans la lutte contre le sans-abrisme en date de juin dernier.  "J'ai contacté tout le monde et de toutes les façons les autorités se renvoient la balle. Rien n'avance parce qu'il n'y a aucune coordination dans ce dossier", commente, amer, Michel Folch.

Comme il tient à le préciser, l’une des seules raisons qui pousse Esteban Gonzalez à témoigner, c’est son chien Buddha. Cet husky sibérien de deux ans et demi aux yeux bleus est devenu son plus fidèle compagnon d’infortune. “Il s’en occupe très bien. Il est très doué avec les animaux. C’est même lui qui m’a aidé à élever mon berger belge quand je l’ai eu”,  raconte Raphaël, un habitant de la résidence. “Aujourd’hui, nos chiens sont les meilleurs amis du monde”.  “Moi je n’ai plus rien à perdre. Mais je veux quand même me battre encore un peu pour Buddha. Parce que si je meurs il n'y aura plus personne pour s’occuper de lui”, achève Esteban Gonzalez. 

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