C'est un double-jeu étonnant que joue depuis quelques temps une partie de la majorité du Conseil régional. Si sa présidente Carole Delga défend fermement le projet d'A69, sa vice-présidente Agnès Langevine, et son groupe "Occitanie Pays Catalan Ecologie", s'affichent fièrement avec les opposants à l'autoroute. Benjamin Assie est élu régional et président de ce groupe. Il répond à nos questions.
Jour après jour, la tension semble monter d'un cran autour du projet d'autoroute entre Castres (Tarn) et Toulouse (Haute-Garonne). 14 militants écologistes sont en grève de la faim et Thomas Brail, le plus médiatique d'entre eux, annonce une grève de la soif imminente.
Europe Ecologie les Verts adresse de son côté une lettre ouverte à Carole Delga, après ses annonces de médiation, jugées décevantes par les opposants au projet. "Vous n'appelez pas à l'ouverture d'une médiation [...], mais au contraire, vous les invitez à participer à un groupe de travail pour un projet contre lequel certains mettent leur vie en jeu. Vous les humiliez, c'est de la provocation", peut-on lire.
L'Etat, mais aussi la Région Occitanie continuent de défendre coûte que coûte l'avancée des travaux. Toute la Région Occitanie ? Non. Un groupe peuplé d'irréductibles élus résiste encore et toujours à l'idée d'une autoroute. Mais ici la situation paraît plus surprenante encore qu'une histoire de Gaulois abreuvés de potion magique.
Agnès Langevine, vice-présidente de la Région, membre de la majorité de Carole Delga, s'affiche fièrement aux côtés de Thomas Brail, et des manifestants anti-A69. Alors même que le conseil régional co-finance le projet. Une situation schizophrénique ? Pas pour Benjamin Assié, président du groupe "Occitanie - Pays Catalan Ecologie", dont fait partie Agnès Langevin.
Cet entretien a été réalisé avant la parution de la lettre ouverte d'EELV à Carole Delga.
France 3 Occitanie : Votre groupe s'oppose ouvertement au projet d'A69. Est-ce que cela crée des tensions en interne, au Conseil régional ?
Benjamin Assié : Il a toujours été clair, même pendant le mandat précédent, où je n'étais pas élu, que le groupe écologiste était opposé à une quelconque autoroute entre Castres et Toulouse. Ce n'est pas comme si on avait retourné notre veste en cours de route. On a donc une totale liberté dans l'expression de notre désaccord. On ne reçoit aucune pression, et je vous garantie que ça ne génère aucune tension en interne
D'ailleurs, on en discute, avec Carole Delga et les autres, on essaie de convaincre que ce n'est pas une bonne solution, que c'est un projet caduque, inadapté. Nous sommes convaincus qu'il faut changer de cap car on va droit dans le mur. On ne nous a jamais empêché de nous exprimer.
France 3 Occitanie : Pourtant, Carole Delga s'affiche aujourd'hui en porte-étendard de ce projet, en tous cas dans les médias. La situation n'est-elle pas schizophrénique à vos yeux ?
Benjamin Assié : Elle le serait si la Région Occitanie était à la tête de ce projet. Mais ce n'est pas le cas. Je vous rappelle que la région représente 2% du financement de cette autoroute. Une majorité de gauche et écologiste peut afficher des divergences et continuer à. travailler ensemble sur le reste des dossiers.Cette A69 ne fait pas partie de l'accord de majorité, donc il n'y a pas de raison d'en faire une porte de discorde.
Si la Région avait autorité pour stopper le chantier, ce serait plus difficile pour nous de maintenir notre position. Mais ce n'est pas le cas.
L'Etat en revanche, joue un drôle de jeu en laissant pourrir la situation, avec des militants qui risquent leur santé. Il laisse faire et renvoie la patate chaude aux collectivités, alors que c'est bien l'Etat qui a autorité sur ce projet.
France 3 Occitanie : Carole Delga a proposé aux opposants une médiation sur le prix du péage et les compensations environnementales, ainsi qu'un réseau de bus à hydrogène sur l'A69. Qu'avez-vous pensé de ses propositions ?
Benjamin Assié : Nous, on regrette. La revendication des militants ne portait plus sur l'arrêt du projet mais sur la suspension du chantier. Elle aurait pu donner un signe d'apaisement en allant en ce sens. Carole Delga amène, avec sa réponse, ses arguments et ses convictions. On ne doute pas de ses convictions, mais on a pas les mêmes, et on en discute avec elle, librement, au sein de la majorité.