Ours des Pyrénées. Manque de diversité génétique, consanguinité : un arbre généalogique démontre la nécessité de nouvelles réintroductions

L'association Pays de l'Ours-Adet vient de publier un arbre généalogique côté femelles des ours des Pyrénées. 90% de la population procède de deux femelles : Mellba, lâchée en 1996 et Hvala. Grâce à cet arbre généalogique, on voit très clairement le manque de diversité génétique et le risque de consanguinité à long terme.

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C'est un tableau de famille conséquent de 1m par 2m40. L'association Pays de l'Ours-Adet a réalisé un arbre généalogique de la population des ours dans les Pyrénées, à partir de relevés réalisés tout au long de l'année. Il en ressort que tout part de 2 ourses (Melba et Hvala toutes deux décédées) et principalement d'un mâle géniteur : Pyros.

2 femelles et 1 mâle comme souche principale

Les résultats des premières analyses génétiques réalisées en 2023 ont permis d’identifier 48 ours différents à l’heure actuelle (27 mâles et 21 femelles). L'Office Français de la Biodiversité (OFB) et le réseau Ours brun font ces prélèvements. Avec ce type de données, l'association Pays de l'Ours-Adet a réalisé un arbre généalogique sur la période 1996-2022.

On peut voir très clairement que côté femelles, la population est issue de Melba lâchée en 1996 à Melles (31) alors qu'elle était pleine et de Hvala introduite à Arbas (31) dix ans plus tard.

  • Melba a donné naissance à 3 oursons mais l'un d'eux meurt en 1997, l'année où elle meurt abattue par un chasseur. Si l'ourse n'a pas vécu longtemps, sa descendance perdure. Sa fille, Caramelle, a eu pas moins de 11 oursons à partir de 2001, dont 7 sont toujours bien vivants. Sa petite-fille, Caramellita, a eu depuis 2006 8 oursons. C'est donc la principale lignée côté femelles.

L’ourse Hvala a été lâchée sur la commune d’Arbas en mai 2006. Morte en 2018, elle a été particulièrement fertile. Arrivée gestante, elle a donné naissance à deux femelles, Pollen et Bambou, en janvier 2007. En tout, elle a eu 11 oursons.

Côté mâle, on retrouve le même manque de diversité. "Pyros est celui qui a le plus de descendances, constate Alain Reynes directeur de l'association Pays de l'Ours-Adet. En 2022, il avait 33 ou 34 descendants directs (12-13 encore vivants). Si on compte les indirects, on dénombre 84 ou 85 ours supplémentaires. Il serait donc le père direct ou indirect de 117-118 descendants sur 130 oursons, soit 90%!"

L'arbre généalogique réalisé rend graphiquement visible la consanguinité. C'est un fait connu mais visiblement, les responsables de l'OFB ont été surpris de l'ampleur.

Des analyses génétiques tout au long de l'année

Tout ce travail est issu des données du réseau Ours brun et de l'OFB. Ils publient un rapport tous les ans qui est le fruit des analyses génétiques réalisées à partir d’indices récoltés sur le terrain : les poils et les crottes. "Ça ne marche pas à 100% mais on trouve souvent des cellules de peau dans ces résidus qui sont ensuite analysés. On peut aussi se référer aux empreintes." Le travail d'Alain Reynes et de son association aura été de traduire toutes ces données par un arbre généalogique.

Ces prélèvements sont réalisés tout au long de l’année. Il en existe de 2 sortes :

  1. Suivi systématique sur une période particulière (entre mai et novembre). Selon des itinéraires, les observateurs font le même maillage et les mêmes parcours une à deux fois par mois
  2. Suivis opportunistes, en fonction des découvertes. Il s'agit de collecter des indices en suivant un protocole précis pour ne pas polluer les indices. Cette contribution est ouverte à tous les intéressés qui peuvent faire part de leur observation via le site internet de Pays de l'Ours-Adet à la rubrique "Vos observations nous intéressent"

Les prélèvements sont ensuite envoyés à Saint-Gaudens où se trouve l'OFB en charge de ce secteur. Les analyses génétiques sont faites à La Tour de Salvagny (69).

Problème de consanguinité

L'arbre généalogique rend très visible le constat que les intéressés savaient déjà, le peu de diversité et le risque de consanguinité ne sont pas, pour l'instant, un problème, mais pourraient le devenir sur le long terme. 

La consanguinité engendre 2 problèmes : une diminution de la résistance aux maladies et une perte de fertilité. "C'est certainement ce qui est arrivé à la souche pyrénéenne, reconnaît Alain Reynes. Elle a disparu progressivement du fait des maladies et d'une reproduction trop faible avec moins de portées, moins d'oursons par portées et moins de survies."

Il ne reste qu'un mâle de souche pyrénéenne, un ourson de Canelle dénommé Canellito né en 2004. Problème : alors qu'il va avoir 20 ans (un âge plutôt vieux chez les ours), il ne s'est toujours pas reproduit. Ce qui vient étayer la thèse d'une consanguinité qui va diminuer progressivement la reproduction, même si Canellito est dans une zone tout en haut des Pyrénées où il n'y a pas beaucoup de femelles. 

Encore une fois, le problème de consanguinité n'est pas nouveau. Dans un rapport remis en 2013, le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) plaidait pour des lâchers rapides de mâles mais aussi de femelles pour éviter les risques de consanguinité. "Bien malin celui qui serait capable de dire quand et quels seront les problèmes rencontrés. Un problème peut se reproduire et on peut l'éviter. Le gouvernement s'était engagé lors du dernier plan ours (2018-2028) à remplacer les ours morts de manière anthropique, c'est-à-dire à cause de l'homme. À l’heure actuelle, il devrait donc y avoir 4 ours remplacés. "

Alain Reynes et l’association Pays de l'Ours-Adet posent la question de manière incessante mais sans succès. Sans doute un peu de fébrilité entretenue par les différentes polémiques sur la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées.

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