Imbroglio autour d'un rapport qui annonce 350 ours à l'horizon 2050. Des éleveurs en colère dénoncent ce rapport qui est, selon eux, un scandale. De son côté, le directeur de l'association Pays de l'Ours - Adet veut "dédramatiser".
La mission de parangonnage lancée par le gouvernement visait à "identifier des pays européens ayant des ours, d’analyser leur conduite de politique publique et repérer des bonnes pratiques transférables".
C'est ce travail qu'a effectué à travers un rapport Loïc Dombreval, Christian Le Coz du IGEDD (Inspection générale de l'environnement et du développement durable) et de Frédéric Poisson du CGAAER (Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux). Ils ont étudié la gestion de l’ours dans quatre territoires européens : les Asturies et la Catalogne pour l’Espagne, dans la province autonome du Trentin pour l’Italie et en Slovénie.
L'étude, publiée en juillet 2023, mettant en comparaison des quatre territoires analysés, prévient que "les Pyrénées doivent se préparer à accueillir possiblement 350 ours à l’horizon de 30 ans".
Des conclusions qui provoquent une certaine crispation du côté de l'Ariège et des Hautes-Pyrénées. Alain Reynes, directeur de l'association Pays de l'Ours - Adet, tente de désamorcer la polémique : "cette étude de parangonnage reste une mission très simple et très théorique".
Ils ont refait ce qui a déjà été fait au moins quatre ou cinq fois. C’est une pure projection simpliste par transposition de ce qui s’est passé en Espagne il y a 30 ans. Mais les contextes ne sont pas comparables.
Alain Reynes, directeur Association Pays de l'Ours - Adet
Alain Reynes insiste : "il faut dédramatiser, ce chiffre n’a pas réellement de valeur, d’aucune nature ni scientifique ni biologique".
Le directeur de l'association Pays de l'Ours - Adet précise aussi qu'il est impossible de prédire l'avenir de la population de l'ours dans 30 ans. "Bien malin qui peut le dire, mais annoncer ce chiffre de la part de cette étude, c’est assez maladroit et permet de renforcer le mouvement d’opposition contre l’ours".
Ce rapport occulte plusieurs aspects, dans les Asturies il y a eu un travail de protection et de restauration de la population d’ours qu’il n’y a actuellement pas dans les Pyrénées. "Et ce point d’étape de 80 ours dans les Pyrénées et ces 80 ours il y a 30 ans dans les Asturies reflète en réalité deux situations bien différentes".
Il est logique et cohérent que dans les Asturies la population ait augmenté, considérant qu’il n’y avait pas de problème génétique et qu’il y avait une politique de restauration. Dans les Pyrénées, nous allons avoir un problème de consanguinité et de variabilité génétique et il n’y a pas réellement de politique de restauration de l’ours.
Alain Reynes, directeur association Pays de l'Ours - Adet
Colère et incompréhension des éleveurs
Les opposants à la restauration de l'ours dans les Pyrénées comme Philippe Lacube, éleveur et président de la chambre d'agriculture de l'Ariège trouve "le rapport scandaleux".
"Sans aucune concertation avec le local, sans avoir consulté un député, des élus, des agriculteurs ou les représentants de la montagne, personne n’a été consulté. Cette histoire est tout simplement hallucinante et ce rapport est un scandale", estime l'éleveur.
Pour des gens qui vivent sur le terrain comme nous, ce n’est pas entendable. Le rapport a été fait depuis Paris de façon arbitraire, c’est révoltant et complètement hors sol, c’est grave et ce n’est pas acceptable.
Philippe Lacube, éleveur et président de la chambre d'agriculture de l'Ariège
[] Dans 30 ans, 350 ours dans les Pyrénées et davantage de dangers https://t.co/mp13WMqvhT
— La France Agricole (@FranceAgricole) December 15, 2023
En août 2023, des ouvriers qui circulaient dans leur véhicule dans les Pyrénées espagnoles, près de la frontière avec l'Ariège ont eu la surprise de se retrouver derrière un ours en plein sprint.
Protection et indemnisation
Philippe Lacube, propose un ensemble de mesures qui a déjà été fait et "qui n’a toujours pas évolué" selon lui.
"On ne peut pas travailler sur la base d’un rapport comme celui-là, mais les propositions que nous avons déjà faites comme une brigade d’effarouchement locale, un protocole de localisation des ours, qu’il y ait de la transparence sur les ours les plus prédateurs ou donner au berger le droit de l’auto défense", énonce le président de la chambre de l'agriculture de l'Ariège.
Alain Reynes, indique que "globalement, partout ailleurs en Europe, il y a moins de dégâts d’ours que dans les Pyrénées et les moyens utilisés pour se protéger de l’ours sont les mêmes, gardiennage, regroupement des troupeaux et chiens de protection".
Les indemnisations fonctionnent, la tendance est plutôt en baisse donc c’est la preuve que l’on peut faire baisser les prédations tout en augmentant la population d’ours. Il y a encore une bonne marge de manœuvre pour améliorer la protection des troupeaux.
Alain Reynes, directeur association Pays de l'Ours - Adet
Pour les uns, les techniques de protection ne sont encore pas assez utilisées alors que pour les autres, elles ne suffisent pas.
L'Office Français de la Biodiversité (OFB) a publié le bilan de ses observations d'ours dans les Pyrénées et les derniers relevés ont permis d'identifier 48 ours différents.