INFO FRANCE 3 OCCITANIE. La commission Reconnaissance Réparation (CRR), créée pour réparer les violences sexuelles présumées commises par des membres d’instituts religieux, a reconnu le statut de victime à Alice (nom d'emprunt), agressée sexuellement par une sœur lorsqu'elle était collégienne. La congrégation de la religieuse se refuse pourtant à appliquer les mesures préconisées de la CRR.
"Il y a là une atteinte très grave aux droits de la défense et un non-respect de la personne accusée. La congrégation se retire donc de ce processus injuste et ne donnera aucune suite à ces recommandations ou celles qui pourront suivre." Le 1er mai 2023, la Prieure Générale Sœur Marie-Lys Nuville des Dominicaines du Saint Nom de Jésus adresse un courrier cinglant au président de la Commission Reconnaissance et Réparation, créée pour réparer les violences sexuelles présumées commises par des membres d’instituts religieux.
Reconnu comme victime d'agressions sexuelles
Quinze jours plus tôt, la CRR avait rendu ses "recommandations sur la reconnaissance et la juste réparation" dans le dossier d'Alice (nom d'emprunt). En 2019, cette dernière avait témoigné, accusant son ancien professeur principal au collège de l'Annonciation à Seihl (Haute-Garonne), la dominicaine Sœur Anna (nom d'emprunt), de l'avoir agressée sexuellement lorsqu'elle avait 14 ans, il y a 42 ans.
Dans l'impossibilité de saisir la justice en raison de la prescription, Alice contacte la commission en mai 2022 afin que soit reconnu son préjudice et obtenir réparation. Un an plus tard, la Commission Reconnaissance et Réparation lui reconnaît le statut de victime :
"La précision du témoignage d'Alice* corroboré par le témoignage d'autres personnes amies de la classe, toutes les démarches qu'elle a effectuées, la demande de pardon formulée par la soeur Anna* permettent d'ajouter foi à ses déclarations et de reconnaître qu'Alice* a bien été victime des faits dénoncés."
CRRCourrier, 18 avril 2023
Une procédure "injuste" selon les religieuses
Plusieurs recommandations sont émises comme "juste réparation" : que Sœur Anna ne soit plus placée en lien avec des enfants, qu'elle n'entre plus en contact avec Alice, ni ne réside près de chez elle, et qu'elle verse à sa victime 50.000 euros.
Mais les sœurs dominicaines ne l'entendent pas de cette oreille. La congrégation décide de se retirer d'un processus qu'elle considère comme "injuste" et ne "donneront aucune suite à ces recommandations ou celles qui pourront suivre."
La CRR dément cette version des faits : "nous avons rencontré la congrégation et échangé avec elle à plusieurs reprises. Par ailleurs, la congrégation nous a demandé de recevoir la religieuse mise en cause accompagnée de son avocat, ce que nous avons accepté" explique Anne de Richecour, Déléguée générale Commission reconnaissance et réparation.
Seulement sous l'autorité du Pape
L'Archevêque de Toulouse est, lui aussi, impuissant : "Les sœurs dominicaines du Saint Nom de Jésus, de droit pontifical, dépendent directement du Saint-Père, l'évêque n'ayant pas autorité sur elles. Si une congrégation ne souhaite pas suivre les recommandations de la CRR, elle doit trouver une manière de participer à la réparation du mal subi par les victimes reconnues comme telles, en s'aidant d'un organisme, si possible, indépendant."
La Commission Reconnaissance Réparation (CRR) a proposé une procédure de réexamen du dossier "avec de nouvelles personnes", sans que l'on sache pour l'heure si les religieuses en ont accepté le principe.
Un virage judiciaire
Mais plusieurs questions restent néanmoins en suspens. Lors de l'instruction du dossier d'Alice, la congrégation a affirmé que sœur Anna "n'était plus en contact avec des enfants." Pourtant, plusieurs photos sur les réseaux sociaux font planer un doute sur cette affirmation.
Soeur Anna semblerait apparaître sur des images récentes prises au sein d'un établissement scolaire privé toulousain. Contacté deux fois jeudi 15 juin, l'avocat des religieuses, Maître Philippe De Caunes n'était pas joignable.
Mais l'histoire n'est pas finie et pourrait prendre un virage judiciaire. Une autre ancienne élève de Soeur Anna* a déposé plainte contre la religieuse. Une information confirmée par le parquet de Toulouse. Et cette fois-ci, il pourrait ne pas y avoir prescription.