Des catholiques ne se reconnaissent plus dans l'Eglise, notamment à Toulouse (Haute-Garonne), et organisent des messes à domicile. Une manière de "protester" suite aux abus sexuels dans l'Eglise notamment et surtout de reconquérir un espace d'échange et de paroles.
Certains paroissiens ont déserté les bancs de leur église et accueillent chez eux, dans leur maison, des prêtres qui donnent des messes pour des petits groupes. Ces catholiques ne se reconnaissent plus dans l'Église. Les cérémonies à domicile constituent une manière de "protester" suite aux abus sexuels systémiques dans l'institution qu'a mis en lumière la commission Sauvé. C'est aussi pour eux une manière de renouer avec le partage et la liberté de s'exprimer.
Depuis 3 ans, Annie Dreuille accueille chez elle, dans sa maison, trois fois par mois un prêtre qui officie chez elle. Ces messes à domicile pratiquées en Haute-Garonne, mais ailleurs en France également, constituent un mouvement nouveau en forme de contestation. Il ouvre pour plus de partage et de liberté.
Paroisses à l'index
Aujourd'hui, ils sont dix-sept. La célébration a lieu dans la pièce à vivre. Le prêtre qui officie, Jean-Marie Miquel, se dit très content : "je n'oppose pas les deux (la messe à l'église et la messe à domicile). C'est la même eucharistie, c'est toujours le Seigneur ressuscité qui nous appelle à sa table .).Cette forme, parce qu'on n'est pas nombreux, permet le partage".
La propriétaire des lieux abonde dans ce sens. Annie Dreuille trouve les dernières années austères et n'était pas satisfaite de la vie de sa paroisse qu'elle a, comme beaucoup dit-elle, abandonnée. "Moi, je ne pouvais plus supporter", affirme-t-elle.
J'étais au spectacle : les habits d'autrefois, l'encens... On n'avait pas un partage fraternel comme on vient de l'avoir ici.
Annie Dreuille, catholique pratiquante
"On ne vous demande pas votre avis, on vous dit ce qu'il faut penser. Or l'Évangile pour moi c'est la découverte de la liberté. On peut interpréter, en parler et écouter. Ce qu'il faut, c'est partager et écouter. Le partage, c'est l'enrichissement."
Une église qui a le pouvoir
La cause de cette désaffection des paroisses est claire selon Annie Dreuille, qui regrette l'élan de liberté donné par Vatican II à la fin des années 50. "On a vu arriver des générations de clercs qui ont tout coupé, regrette-t-elle. Leur formation est beaucoup plus rigoriste et on a une église traditionnelle, une église institution, une église qui gouverne, qui a le pouvoir et qui ne donne pas la parole".
"Et ce que nous faisons là, je suis sûre que ces jeunes prêtres de Toulouse trouvent ça lamentable, poursuit-elle. Mais que faire ? On a le droit nous aussi, on a l'égalité baptismale".
Même constat pour les autres participants. "Quand j'ai vu nos églises se vider, quand j'ai senti qu'il n'y avait pas de liens entre la vie de semaine et l'heure que l'on passait à la messe, quand nous avons senti que nos enfants prenaient la fuite par rapport aux assemblées paroissiales, quand on a commencé à se plaindre du fait que tout était en train de se refermer, on nous a dit qu'on pouvait partir" constate Frédérique Pasturel, l'une des pratiquantes.
Inquiétude pour l'avenir
"Il faut faire quelque chose, poursuit-elle, pour redonner espoir à toutes les personnes qui se sont senties ostracisées parce qu'homosexuels, parce que divorcées remariées, parce que dans une famille qui avait accès à la PMA, qui ont été comme moi absolument ulcérées par un cléricalisme infantilisant pour les laïcs et pour les femmes... On s'est dit qu'il fallait vraiment faire quelque chose."
Frédérique comme Annie témoignent d'une grande inquiétude pour l'avenir de leur église. Mais cette pratique des messes en petits groupes qui remonte aux origines du christianisme, peut signifier un renouveau. Elle réunit actuellement une cinquantaine de personnes à Toulouse et tend à se développer, à s'ouvrir...
(Avec Odile Debacker)