Les pompistes doivent composer avec les stocks fluctuants, et les automobilistes en colère. Ils sont en première ligne face à la pénurie de carburant. A l'image de ceux que nous avons rencontrés à Toulouse (Haute-Garonne).
"Y'a du sans plomb ou pas ?", même pas un bonjour, juste cette question, lancée à travers la porte semi-ouverte de cette station essence. Cette phrase, David* l'entend tous les jours, des dizaines de fois, "parfois ils mettent la forme quand même", s'amuse ce pompiste toulousain. Aujourd'hui, c'est jour de chance pour cet automobiliste, les cuves ne sont pas encore à sec. "Mais ça fluctue très rapidement, je ne vous garantis pas que dans une heure, il y en ait encore", nous explique David.
Depuis la pénurie de carburant, ses journées ont bien changé. Lorsque les commandes sont faites, impossible de prédire si elles seront livrées. Il doit dorénavant jongler entre essence et patience.
Je dois faire la police, les gens deviennent super agressifs, ils pètent un câble.
David, pompiste chez TotalEnergies
Quelques minutes plus tard, un client négocie cette fois-ci pour remplir un jerrican. Depuis l'arrêté préfectoral, cette pratique est interdite jusqu'au 21 octobre. L'automobiliste affirme être un commerçant de Bagatelle, et que son véhicule serait tombé en panne à quelques rues d'ici. Le pompiste fini par céder. "C'est compliqué de réguler les flux, de faire appliquer les règles et d'éviter de s'en prendre une", reconnaît David. Certains jours, les files de voitures à la pompe, s'étendent sur plusieurs centaines de mètres autour de la station. Les tensions sont alors décuplées, "c'est devenu la jungle, la loi du plus fort", ajoute-t-il.
Mais les insultes et les bagarres ne sont pas les seuls désagréments de cette crise. En effet, il y a de nombreuses répercussions économiques. Le carburant étant vendu en des temps record, les stations-service se retrouvent ensuite désespérément vides. Et sans les clients, plus question de craquer pour des chocolats ou un soda à la caisse, puisqu'il n'y plus d'essence, rares sont ceux à s'arrêter encore.
"Les gens sont à cran, c'est dingue, je vous jure !"
A quelques kilomètres, dans une autre station-service, Divine 23 ans, pompiste, tente de rester optimiste. Ses stocks ont été dévalisés. Et la station est bien vide, pour un lundi à 9 heures. "Ce matin, on avait la police pour filtrer les automobilistes, et puis maintenant, c'est le désert, on commence à avoir l'habitude de ces pics", explique-t-elle en enfournant des viennoiseries. Cette station fait partie de celles réquisitionnées par le préfet, à certains horaires, pour certaines catégories professionnelles. Elle ajoute : "sans la police, ça serait trop compliqué pour nous de gérer. Les gens sont devenus à cran, c'est dingue je vous jure !"
En France, près d'un tiers des stations-service sont en manque de carburant. L'hexagone est secoué, depuis début octobre, par des mouvements de grève pour une hausse de salaire chez les deux grands groupes pétroliers français. Alors que le gouvernement est accusé d'avoir tardé à réagir face à ces conflits sociaux, la situation risque de s'étendre à d'autres secteurs stratégiques du pays comme les transports. On espère alors que l'agressivité, elle, ne s'étendra pas, il serait embêtant ce mardi, d'en venir aux mains pour une place de bus…
*David le prénom a été modifié