Face à un spectacle jugé "satanique", l'Archevêque de Toulouse veut "consacrer" la Ville rose, "meilleur moyen de repousser les ténèbres"

INFO FRANCE 3. Dans un courrier confidentiel adressé à ses curés, l'Archevêque de Toulouse (Haute-Garonne) annonce son intention de "consacrer la ville" pour repousser les "forces obscures". Dans le viseur de Mgr Guy de Kerimel, l'opéra urbain "La Porte des Ténèbres", prévu fin octobre 2024 dans la Ville Rose, aux "symboles sataniques et ésotériques."

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C'est un courrier très sérieux daté du 16 septembre 2024 et adressé aux curés du diocèse de Toulouse que s'est procuré France 3 Occitanie. Dans cette lettre d'une page, Monseigneur Guy de Kerimel, annonce son intention de consacrer la Ville rose, "le meilleur moyen de repousser les ténèbres."

"Des symboles sataniques et ésotériques"

La source d'inquiétude du prélat va se dérouler du 25 au 27 octobre 2024, date du prochain spectacle de rue "La Porte des Ténèbres", créé par la compagnie de La Machine.

L'archevêque toulousain y décrit ainsi l'opéra urbain :

"Il fait intervenir un troisième personnage : une femme-scorpion, appelée Lilith, nom d’un démon féminin dans le judaïsme, cf. Isaïe 34, 14), qui vient du Hellfest. L’affiche, le livret du spectacle, les propos de l’artiste, utilisent des symboles sataniques et ésotériques. Le Minotaure, dans cet opéra urbain, devient le protecteur de l’âme de la ville !"

Pour s'opposer à cette "culture ténébreuse", Mgr de Kerimel se refuse à lancer des pétitions ou des manifestations. L'archevêque appelle les paroissiens à prier et de consacrer la ville elle-même, afin de la "protéger".

Une consécration, sans allusion au spectacle

"J’annoncerai ce projet de consécration sans faire allusion au spectacle, car les grâces demandées débordent l’évènementiel, explique le prélat. Le but est d’accueillir l’amour divin manifesté par le Christ, de recueillir tous les fruits de sa Passion, de son Cœur transpercé, et ainsi de guérir, de vivifier, de sanctifier les habitants de la ville et du diocèse. C’est le meilleur moyen de repousser les ténèbres."

Cette position du diocèse de Toulouse est un nouvel épisode de la polémique, alimentée par l'extrême droite et les mouvements complotistes, autour de ce spectacle depuis plusieurs mois.

Comme le constatait en août 2024 France 3 Occitanie, sur les réseaux sociaux, l'affiche de l'évènement a été très mal accueillie par plusieurs internautes. "Les satanistes ont pignon sur rue à Toulouse", peut-on lire sur X (anciennement Twitter). Une militante, affiliée au Parti Reconquête partage un article du site d'actualité d'extrême droite Boulevard Voltaire évoquant la "culture des ténèbres en France", représentée par cet opéra urbain toulousain ou encore par le festival de musique Hellfest, caractérisé de "sataniste et violent".

L'incompréhension de la compagnie de la Machine

Une controverse qu'a du mal à comprendre, François Delarozière, le concepteur et le scénographe du spectacle. "J'ai reçu des membres du diocèse et l'échange s'était bien passé" assure-t-il. Une rencontre confirmée par Mgr de Kerimel dans son courrier aux curés toulousains : "Trois membres du comité interconfessionnel sont allés rencontrer l’artiste, qui les a reçus très aimablement, sans les convaincre. Sa volonté est d’offrir aux nombreux spectateurs qui participeront à cet opéra urbain un divertissement populaire ; mais on peut s’étonner de la fascination d’une certaine culture contemporaine pour les ténèbres. Il est possible que le comité fasse un communiqué."

"Nous sommes dans une société où tout le monde à le droit de s’exprimer, constate François Delarozière. Je comprends que le spectacle puisse choquer les croyants, mais il promeut justement des valeurs universelles. Parler des ténèbres avec des grandes machines en faisant référence à la mythologie, ce n'est pas faire l’apologie des ténèbres."

À lire : Églises en feu, créature mi-homme mi-animal, squelettes et un minotaure : les complotistes s'enflamment contre un spectacle urbain jugé satanique

Milieux traditionalistes

Ces critiques vis-à-vis d'un tel spectacle ne sont pas nouvelles pour Julien Giry, politologue et chercheur à l'université de Tours, : "le monde artistique a toujours été une cible de la part des milieux traditionalistes. Il est considéré comme perverti, car sa création sort du cadre et dérangerait ainsi l'ordre établi et les valeurs traditionnelles". Selon le chercheur, l'idée que les élites et la société moderne s'en prennent aux chrétiens n'est pas nouvelle. Aux États-Unis, dans les années 60, les chansons des Beatles regorgeaient de messages masqués prétendument satanistes. Même son de cloche, quelques années plus tard, pour le célèbre "Starway to heaven" de Led Zeppelin, qui serait plutôt un escalier pour l'enfer, que pour le paradis.

Et c'est pour éviter cet "enfer" que le 16 octobre prochain, l'archevêque de Kérimel procédera à la "consécration de la ville et du diocèse" à l’église du Sacré-Cœur de Toulouse dans le quartier Patte d’Oie.

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