Pourquoi la mort d'une femme tuée par son conjoint à Toulouse est un meurtre ou un féminicide et pas un drame passionnel

Le meurtre d'une jeune femme dimanche à Toulouse a fait bondir des militantes féministes qui estiment qu'en qualifiant l'affaire de "passionnelle" le procureur de la République a "banalisé et minimisé" le meurtre, comme l'a expliqué une invitée de France Bleu Occitanie. Explications. 

Une femme de 29 ans, mère de famille, tuée à coups de couteau dimanche dans son appartement du quartier de Bellefontaine à Toulouse. Tout le monde s'accorde sur un point : c'est un crime.

Mais quand on cherche à qualifier davantage ce crime, les esprits s'échauffent. Interrogé par la presse dans la journée de samedi, le parquet de Toulouse a évoqué "la piste passionnelle". L'ex-conjoint de la victime était alors en fuite. Il s'est, depuis, rendu à la police au Portugal. 

Les mots du procureur

Ce terme de "piste passionnelle" a été repris par différentes publications, dont notre site internet, citant précisément les termes du procureur. 

De quoi faire bondir des militantes féministes qui ont demandé à notre rédaction de changer le titre de l'article que nous avions publié dimanche.
Le sujet étant très intéressant, il nous semble utile de laisser la parole à celles et ceux qui souhaitent que les magistrats et les journalistes cessent de citer le terme de "passionnel" quand un crime est commis au sein d'un couple. 

Crime passionnel a été retiré du code pénal en 1975

Le terme "crime passionnel" a été retiré du code pénal en 1975. Il était synonyme, sinon de circonstances atténuantes pour l'accusé, au moins d'indulgence de la part des juges. Depuis 1994, le crime au sein d'un couple ou d'un ex-couple est même assorti de circonstances aggravantes.

Alors pourquoi des magistrats emploient-ils encore ce terme de "passionnel" ? Deux Toulousaines, Stéphanie Lamy et Céline Nogueira, auteures d'un article en 2014, ont une petite idée là-dessus, sous forme de cercle que nous n'oserons qualifier de vicieux : 

Le traitement des violences conjugales par nos médias semble faire écho au traitement qu'en font les juges qui par ailleurs lisent les journaux eux aussi.

Alors oui les médias ont leur responsabilité dans l'usage des mots. En l'occurrence, la journaliste, femme, qui a rédigé l'article sur le site de France 3 Occitanie n'a fait que son travail en citant d'une part les propos du procureur, en contextualisant d'autre part ce meurtre en rédigeant un paragraphe sur les féminicides (oui le terme est bien employé dans l'article en question) en France. Preuve, si besoin, qu'il n'y avait aucune démarche sexiste dans la rédaction de cet article.

Cela ne semble pas avoir suffi à des militantes qui continuaient mardi de réclamer que notre titre soit changé. Dont acte. La notion de "piste passionnelle" n'y figure plus. 

"Minimiser ou justifier un acte criminel"

Interrogée ce mardi matin dans la matinale de France Bleu Occitanie (et en direct sur France 3), Natacha Castelbou, du collectif Les Effrontées qui lutte contre les violences faites aux femmes a expliqué son point de vue : "Parler de crime passionnel, c'est une manière de minimiser et de justifier un acte qui n'est qu'un meurtre au final".

Voici l'intégralité de son intervention en vidéo : 

Evoqué dans de nombreux cas récents, notamment l'affaire Alexia Daval, le terme "passionnel" reste toujours très usité.
Au point qu'une pétition en ligne réclame à la Garde des Sceaux, la Toulousaine Nicole Belloubet, une sensibilisation sur ce sujet auprès des magistrats.

Interrogée par les Inrocks en janvier 2018, la journaliste Titou Lecocq qui recense pour Libération les meurtres de femmes par leur conjoint ou ex-conjoint, a expliqué pourquoi, selon lui, le terme de "féminicide" devait être employé

En fait, quand j'ai commencé à travailler sur le sujet, j'avais plutôt une approche "histoires singulières". Mais plus je voyais passer les affaires, plus j'étais frappée par des similitudes. Et c'est à partir de là  que je me suis dit qu'il fallait faire une liste et que j'ai commencé à comprendre pourquoi le terme "féminicide" était pertinent. La mécanique derrière ces histoires est quasiment toujours la même. C'est pour ça qu'il faut les sortir de la case fait divers.

Pour mémoire, un numéro (le 3919) est en place, 7 jours sur 7, pour venir en aide et recueillir les témoignages de femmes victimes de violences. 
 
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