En 2011, il avait accepté de prêté sa voix à un documentaire France 3 Occitanie à l'occasion des 10 ans de l'usine AZF. Il est mort ce 21 septembre, date anniversaire de la catastrophe.
Je n'ai pas l'habitude d'écrire un article à la première personne. Que les lecteurs m'en excusent par avance : ce n'est pas par égocentrie mais simplement parce que je ne vois pas comment raconter cette histoire autrement.
L'acteur Michael Lonsdale est décédé ce lundi 21 septembre 2020, à l'âge de 89 ans. Je suis triste comme beaucoup parce que c'était un personnage à part du théâtre et du cinéma français, "un grand monsieur", comme on dit dans ce cas. Je suis triste aussi car j'ai eu l'occasion de collaborer avec lui dans des circonstances particulières. C'est cette histoire que je veux vous raconter. Pour lui rendre hommage.
Un documentaire sur AZF
Début 2011, journaliste à la rédaction toulousaine de France 3, j'avais proposé à la direction de la chaîne, la réalisation d'un documentaire pour les 10 ans de la catastrophe d'AZF. Le projet, qui tournait autour du travail de mémoire et de la façon dont les traces finissent pas disparaître avec le temps qui passe, avait été accepté : "AZF, 10H17 : chronique d'une blessure toulousaine".Alors que nous débutions le tournage et les entretiens des témoins qui racontaient, au présent de l'indicatif, la minute qui avait précédé et celle qui avait suivi l'explosion, comment ils avaient vécu cet instant et comment leur mémoire avait gardé une trace précise du drame, je m'interrogeais sur la "voix off" qui devait faire le lien entre ces histoires personnelles et collectives.
Ce ne serait pas la mienne, trop journalistique. Celle d'un comédien ? Sans doute. Au culot, nous avions alors pensé à Michael Lonsdale. Depuis longtemps, la voix de ce comédien évoquait tant de choses pour moi.
Césarisé pour "Des hommes et des Dieux"
Le film "Des hommes et des Dieux" de Xavier Beauvois était sorti l'année précédente. Auréolé du César du second rôle, Michael Lonsdale paraissait inatteignable.Il n'a pas accepté ma proposition tout de suite. Il voulait d'abord lire les textes. Nous avons eu quelques échanges à ce sujet, puis est venu le jour de l'enregistrement.
Il avait demandé à ce que l'on vienne le chercher à son domicile parisien et dans le taxi qui nous amenait tous les deux vers le studio d'enregistrement, à Vanves, avec sa longue carcasse, ses cheveux balayés vers l'arrière, il en imposait.
Un texte presque murmuré
Et pourtant... Pourtant, c'est lui qui paraîssait fébrile, inquiet. Il voulait être juste, coller au film, ne pas en faire trop. Il s'inquiétait de l'état de Toulouse, 10 ans après la catastrophe, de l'état de santé des blessés... Il posait plein de questions.Quelques instants plus tard, Michael Lonsdale était installé dans la petite cabine d'enregistrement et c'est moi qui lui donnait des instructions sur l'intonation de chaque phrase ! Je me sentais pourtant tout petit.
Nous avions voulu, lui et moi, que le texte (là aussi écrit à la première personne) soit presque murmuré, comme une petite musique intérieure, un monologue.
Je n'ai jamais regretté d'avoir fait appel à ce "grand monsieur". Ce film, celui des 10 ans de la catastrophe (alors que l'an prochain, on célèbrera le 20ème anniversaire de l'explosion), reste encore, je crois, un témoignage fort, même si d'autres acteurs de l'époque ont aujourd'hui disparu (j'ai une pensée pour Jean-François Grellier).
La voix de Michael Lonsdale rajoute une grande profondeur aux images et aux témoignages.
Merci
Voici le film. Nous le proposons en replay pour rendre hommage à l'acteur. Disparu un 21 septembre. Jour anniversaire d'AZF à Toulouse.Merci Monsieur Lonsdale.