Le président d'Atoll Loisirs France sera jugé en septembre 2023 pour avoir détourné 660 000 euros issus de l'association en charge de la CLAE d'une école toulousaine. L'affaire démontre que cet agent municipal a su profiter des largesses en matière de contrôle des subventions.
Il a fallu un improbable hasard et une bonne dose de curiosité de la part d'un journaliste de la rédaction de 100% radio pour qu'Atoll Loisirs France fasse parler d'elle après 30 ans d'existence. Les membres de cette association d'activités de loisirs aux enfants de l'école Fabre de Toulouse (Haute-Garonne) auraient sûrement préféré qu'elle sorte de l'anonymat d'une autre façon.
Car entre 2018 et 2020, 666 000 euros ont disparu des comptes de la structure périscolaire. De sommes détournées par son ancien président, Olivier Z., en faveur de proches et afin d'organiser des soirées, entre hommes, alimentées à volonté en drogues.
Un employé de la mairie de Toulouse sans histoire ?
De la discrétion, la Mairie de Toulouse en espérait également plus. Depuis les révélations de la presse, l'information circule dans les couloirs des services de la ville. Car, selon plusieurs sources, Olivier Z. est un agent municipal toulousain de la direction Enfance et Loisirs. La nouvelle est un "choc" pour ceux qui ont travaillé avec lui au Capitole.
Du côté de la Mairie, on se refuse à confirmer cette information en se réfugiant derrière une question de " données personnelles protégées" . Elle précise néanmoins qu'Olivier Z. " ne travaille pas et n'a jamais travaillé à la direction de l'éducation (...) seule direction en charge du domaine périscolaire et de l'ensemble des CLAE, et donc notamment la passation des conventions et l'attribution des subventions associées." La collectivité estime par ailleurs ne pas être en mesure d'avoir connaissance des responsabilités de ses agents, comme par exemple au sein d'une association, sur leur temps privé.
Il est vrai que depuis sa création en 1995, Atoll Loisirs France, le " bébé" d'Olivier Z. selon un témoin, semble n'avoir jamais fait de vagues. Tout du moins jusqu' en 2017, date à laquelle son président est condamné pour " abus de biens sociaux" après un signalement au parquet de Toulouse par la commissaire aux comptes de l'association. Ce qui ne l'empêchera pas de réitérer, un an plus tard, en détournant donc 666 000 euros, obligeant à nouveau l'auditeur d'entreprise à alerter la justice.
Cette condamnation en 2017 et ces faits, récents, de détournement, la municipalité toulousaine affirme n'en avoir jamais eu connaissance jusqu'à leurs parutions dans la presse locale.
Une absence de contrôle des subventions municipales
Pourtant, les subventions municipales sont le financement principal d'Atoll Loisirs France. 1,2 million d'euros ont été versés par la Ville, entre 2015 et 2020, selon les différents comptes administratifs publiés sur le site internet de la municipalité.
" Jusqu’en 2020, la direction municipale de l’Éducation n’a reçu aucun signalement faisant état de dysfonctionnement d'où qu’il vienne des parents d’élèves, du conseil d’école, de notre partenaire la CAF*ou du commissaire aux comptes, se défend la Mairie . Si ce n’est son retard administratif sur la livraison des documents demandés qui ont fait l’objet de nombreuses relances écrites de la part du service entre le 10 septembre 2018 et le 13 décembre 2019." Olivier Z. a en effet " oublié" de déposer en tant que responsable associatif les comptes de l'association au cours de ces deux années, où il détournait l'argent de l'association.
Une négligence qui ne semble pas avoir alerté les services municipaux. Pas plus, que l'annonce dans un courrier en juillet 2020 de la nomination d'un administrateur judiciaire à la tête de l'association. Dans son courrier, il (l'administrateur judiciaire) indiquait que son intervention était causée par la démission du président de l’association en mars 2020 qui a privé l’association de son représentant légal, précisent les services du Capitole . Cela sans davantage d’explications. Il ajoutait que « ces événements n’ont eu, dans un tout premier temps aucun impact sur l’exploitation du CLAE » qui a pu accueillir les enfants de l’école entre mars et juin 2020 dans des conditions normales, en respectant les protocoles sanitaires induits par la crise du Covid-19."
Malgré l'absence de dépôt de comptes de l'association durant deux années consécutives, " la Mairie de Toulouse a voté puis signé une convention d’objectifs et de moyens avec Atoll Loisirs fin 2018, courant sur la période 2019-2021" comme nous le souligne la Ville. Deux subventions de 216 000 euros et 189 000 euros sont également versées en 2019 et 2020.
La Mairie pointée du doigt par la Chambre régionale des Comptes
L'absence de contrôle de la part de la mairie de Toulouse en terme de subventions associatives n'est pas un sujet nouveau. Dans son rapport sur les comptes et les gestions de la commune toulousaine en 2021, la Chambre régionale des comptes (CRC) d'Occitanie évoquait ce dysfonctionnement.
Selon la loi, les associations touchant plus de 153.000 euros de subventions, comme Atoll Loisirs France, doivent rendre public l’utilisation qu’elles en font, en publiant notamment leurs comptes chaque année. Lors de son contrôle par la CRC, la Mairie n'a jamais été en mesure de fournir aux magistrats financiers la liste globale des associations disposant d’une convention d’objectifs et de moyens.
Une polémique sur laquelle s'est penché le magazine Capital de M6. Selon l'émission, à Toulouse, 77% des 73 associations qui bénéficient d’une subvention d’au moins 153 000 euros n’ont pas publié leurs comptes au Journal Officiel.
Parmi elle, Atoll Loisirs France, même si elle a signé, comme expliqué plus haut, une convention d'objectifs et de moyens avec la commune. Une convention que la mairie a fourni à France 3 Occitanie.
Après les révélations de la presse, la Ville de Toulouse a décidé de déposer plainte contre X dans l'affaire des détournements de l'association Atoll Loisirs France.
Encore des interrogations sur l'utilisation des sommes détournées
Est ce en raison de cette absence de contrôle qu'Olivier Z. s'est servi dans les comptes de son association ? A-t-il pensé que son statut d'agent municipal et sa connaissance du fonctionnement du contrôle allaient l'aider ? Quoi qu'il en soit, le responsable associatif a su se montrer généreux. Une douzaine de personnes ont bénéficié de virements en provenance des comptes d'Atoll Loisirs France pour des sommes allant de 3 000 à 130 000 euros. Certaines sans connaître l'association ni son président.
C'est par exemple le cas de cette Toulousaine, contactée par France 3 Occitanie. Elle assure être une "victime collatérale" de ce dossier. Durant la période du confinement, une connaissance lui aurait proposé de l'aide. Plus de 8 000 euros d'Atoll Loisirs France seront virés directement sur son compte. Une somme qu'elle a remboursé après avoir été entendue par les enquêteurs pour blanchiment.
Mais, il y a aussi ces soirées fastueuses entre hommes arrosées de drogues, avancées par les enquêteurs. Avec une question : qui participait à ces fêtes organisées à l'aide de l'argent public ?
* La CAF de Haute-Garonne est l'autre financeur d'Atoll Loisirs France. Entre 2015 et 2020, la Caisse d'allocation familiale a versé des subventions allant de 47 000 à 60 000 euros chaque année. "Nous n’avons pas été alertés des détournements, répond le sous-directeur de la CAF de Haute-Garonne, Rémi Ghezzi. La seule information que nous avons eu, c’est qu’un administrateur judiciaire avait été nommé. Le président et le bureau souhaitaient quitter leurs fonctions. Cela arrive régulièrement. Il y a eu des contrôles de façon assez anciennes pour cette association qui ne se sont pas avérés problématiques. On va porter plainte contre X."