Tous les professionnels de santé le répétent, le premier geste de protection pour se prémunir contre le virus covid-19 est de se laver les mains régulièrement. Depuis, les gels hydroalcooliques ont le vent en poupe, les savons artisanaux beaucoup moins. La filière compte bien se faire entendre.
Alors que les gels hydroalcooliques inondent le marché depuis le début de l’épidémie du coronavirus, le savon artisanal lui, n’a pas connu un tel essor. Les savonneries artisanales en production à froid qui vendent sur les marchés, les salons ou les foires ont eu du mal à écouler leur stock, du moins durant les trois premières semaines de confinement.
Moins puissants que les grands groupes industriels, les professionnels du secteur ont souffert d’un problème d’image au début de la crise du civid 19. "Oubliés "comme ils disent par le gouvernement qui n’a pas reconnu ou du moins mis en avant le savon artisanal comme "un produit de première nécessité". Pourtant tous l’affirment, les propriétés des savons artisanaux sont toutes autant efficaces pour se protéger du virus qu’un gel, l’hydratation en plus!
La région Occitanie compte plus d’une centaine de savonneries artisanales en production à froid. Elles tirent leur épingle du jeu en évoluant notamment sur le marché de la cosmétique et en proposant une gamme de produits plus large, shampoings, baumes, déodorants…Mais depuis le confinement, elles manquent cruellement de visibilité, certaines sont en grandes difficultés économiques.
Les savonniers artisanaux : les oubliés du confinement
Xavier Castillo, savonnier artisanal à Toulouse est très amer. Il vend sa production essentiellement sur les marchés de plein vent et les marchés de créateurs comme celui des "Ramblas" à Toulouse. Pendant plus d’un mois son activité a marché au ralenti.Il rajoute que le procédé de fabrication à froid est un procédé privilégié des savonniers artisanaux : "nos savons sont tout autant efficaces, on produit des molécules de savon, qu’elles soient mises en suspension dans un gel lavant ou gardées sous forme solide, il s’agit toujours de molécules de savon."Je ne comprends pas pourquoi le savon que nous fabriquons n’a pas été reconnu produit de première nécessité, le gouvernement n’a mis en avant que les gels hydroalcoolique et nous, nous sommes les oubliés de cette crise.
Les savonneries artisanales sont de toutes petites structures. Le savonnier est souvent seul maître à bord et doit à la fois gérer la fabrication, la vente et la communication. En pleine crise sanitaire la profession a eu du mal a exister face aux grands industriels :
Xavier Castillo explique que le savon de Marseille n’est pas une appellation d’origine contrôlée et ne garantit nullement une composition à base d’huile d’olive, comme beaucoup de gens le pensent. "Il s’agit du nom du procédé de fabrication à chaud. En France, les plus gros producteurs de savons de Marseille se situent à Nantes et la majorité est importé d’Asie!"Il faut croire qu’en France, le savon dit être Marseillais pour être efficace, or il n’en porte souvent que le nom!
Des savonniers artisanaux toujours en difficulté
Audrey Farinelli est installée à Albi dans le Tarn depuis deux ans. Son activité s’est arrêtée nette avec la fermeture des marchés de plein vent suite à l'épidémie de coronavirus. Elle aussi se sent abandonnée par le gouvernement :Sophie ajoute : "Je tiens en attendant mon autorisation de vendre sur les marchés dés l'annonce du déconfinement le 11 mai prochain. Mais j’attends toujours une réponse de la municipalité, on est toujours dans le flou et c’est difficile."la région nous a demandé si on produisait du gel, un comble! On produit du savon artisanal très efficace pour lutter contre le virus et on nous demande de fabriquer du gel hydroalcoolique, on marche sur le tête.
J’ai pu résister à la crise car j’ai une autre activité à côté, beaucoup de mes confrères n’ont pas cette chance et certains ont fermé boutique.
Un sondage a été effectué auprès de 400 savonniers artisanaux afin de cibler leurs problématiques.
Mieux communiquer sur son savoir-faire pour exister
Sophie tient depuis 4 ans une savonnerie artisanale à Escalquens près de Toulouse. Depuis le confinement, elle n’a pas rencontré les mêmes difficultés économiques que ses confrères. Elle vend ses produits via le circuit de la grande distribution bio et les épiceries. Elle communique aussi beaucoup sur ses produits et ses méthodes de travail via son site internet et son blog.Sophie explique que les trois premières semaines après l’annonce du confinement ont été difficiles mais que depuis son activité a bien repris. En revanche elle reconnait que la profession souffre d’un problème d’image :
"Il faut que nous arrivions à mettre en avant la qualité de notre production qui s’effectue en laboratoire selon une règlementation très stricte. Mais il est vrai que face à des grands groupes industriels qui vendent les mérites du savon de Marseille c’est difficile d’exister lorsque l’on est une toute petite structure.Notre profession n’est pas prise au sérieux, en quoi les gels hydroalcooliques sont plus efficaces que nos savons!
Je pense que l’on est aussi victime du "do it yourself" Aujourd’hui tout le monde se dit expert en tout sans savoir rien faire.
Et puis nos savons sont aussi efficaces que le gel qui lui peut assécher les mains.
Avec la saponification à froid on peut introduire dans la pâte des huiles végétales. Un savon à froid est donc souvent "surgras ". La glycérine qui se forme lors de la réaction de saponification est conservée dans le savon à froid, la peau sera donc nourrie et mieux hydratée".
Les leçons à tirer de la crise sanitaire
Les savonniers artisanaux le reconnaissent, ils doivent tirer les leçons de cette crise sanitaire. Xavier Castillo et Audrey Farinelli ont pris conscience du problème des canaux de distribution.Pour Xavier Castillo, il faut que la profession se fédère :
Même constat pour Audrey Farinelli qui vient d’intégrer un réseau de producteur dans le Tarn :il nous faut réorganiser notre filière de distribution, communiquer davantage sur nos savoirs-faire, on doit développer les ventes en ligne, être présent sur les réseaux sociaux.
Sophie reste positive :il faut créer un site internet et jouer la carte locale, se regrouper, être visible recommandé et plus fort, la qualité ça ne suffit pas.
"J’écris un article que je vais publier sur mon blog mettant en avant les qualités du savon artisanal comparé à un gel hydroalcoolique. C’est un peu tard je l’avoue, c’est difficile de tout faire mais c'est important d'informer les consommateurs, de se prendre en main."C’est dommage on nous a oublié mais nous devons aussi nous remettre en question, on est passé à côté de quelque chose et on en est les premiers responsables. On a été trop lent à réagir face à cette crise, il faut le reconnaître.
Elle saisit donc l'opportunité de commercialiser un produit bientôt adapté à la demande, un kit pour les mains abîmées, de quoi reprendre la main et faire réfléchir les accros au gel!