Une chaîne d'e-mails et de documents prouvent selon plusieurs médias catalans que Jean-Michel Pillon, directeur des douanes de la région de Toulouse, travaillait contre rémunération pour la "police patriotique" afin de décrédibiliser des politiques indépendantistes catalans.
En octobre 2014, le monde indépendantiste catalan est secoué par une importante. Le maire de Barcelone, Xavier Trias, est accusé de détenir un compte en Suisse dans la banque UBS 12,9 millions d'euros. Sauf que cette information, révélée par le très sérieux quotidien El Mundo, va s'avérer totalement fausse.
D'après une enquête particulièrement documentée des médias catalans El món à RAC1 et La Vanguardia, un Français est au cœur de ce scandale. Son nom est Jean-Michel Pillon. Il n'est autre que le directeur des douanes de la région de Toulouse.
‼️ ‼️ INVESTIGACIÓ @elmonarac1 - L'agent francès que va treballar per a la policia patriòtica investigant Xavier Trias o els Pujol
— El món a RAC1 (@elmonarac1) January 22, 2024
➡ Va proporcionar informació falsa i, a canvi, hauria cobrat 50.000 euros de fons reservats
✍️ @jordideplanell https://t.co/c7oiD217kl
Au service de la "police patriotique"
Le haut fonctionnaire français s'est mis au service de la "police patriotique" espagnole, un réseau secret "soupçonné d’avoir forgé de toutes pièces des éléments de preuve pour affaiblir la formation politique Podemos et les dirigeant·e·s du mouvement indépendantiste catalan", pendant les périodes tumultueuses de "l'opération Catalogne", un dispositif mis en place par l’État visant à saper les efforts de la Catalogne pour se séparer de l’Espagne.
Les documents recueillis par les deux rédactions catalanes, comprenant des e-mails, révèlent que Jean-Michel Pillon aurait concilié son rôle officiel de directeur des douanes avec des missions secrètes pour la police patriotique, en échange, d'environ 50 000 euros.
La relation entre M.Pillon et l'un des commissaires les plus importants de la police espagnole à l'époque de Jorge Fernández Díaz, Enrique García Castaño, joue un rôle central dans cette enquête. Jean-Michel Pillon et García Castaño se connaissaient depuis de nombreuses années, ayant tous deux collaboré dans la lutte contre l'ETA, l'un en France et l'autre en Espagne. Depuis lors, ils entretenaient de bonnes relations.
Un accès à la liste Falciani
"En septembre 2012, lorsque le ministère de l'Intérieur lance l'opération Catalogne, García Castaño a décidé de demander l'aide de son ancien compagnon d'armes, rapporte RAC1. La raison ? Il savait que, grâce à son poste, Pillon avait un accès direct à la liste Falciani, un document entre les mains des autorités françaises contenant les noms de 130 000 évadés fiscaux. La police patriotique avait besoin d'accéder à cette liste pour découvrir si les cibles à abattre y figuraient en raison de leur relation avec le processus souverainiste."
Sa première mission a été de vérifier la présence de membres de la famille Pujol, figure centrale du nationalisme catalan, sur la liste Falciani. Les informations obtenues auraient ensuite été utilisées dans la procédure judiciaire contre les Pujol.
📌 Les quatre falsedats de Jean Michel Pillon, la font clau de l'operació Catalunyahttps://t.co/yswbUo9OX7
— El món a RAC1 (@elmonarac1) January 22, 2024
La collaboration entre Pillon et la police patriotique ne se serait pas arrêtée là. Des échanges de courriels entre Pillon et García Castaño montrent de nombreuses autres demandes d'information.
Le fonctionnaire sera ainsi également à l'origine des accusations visant le maire de Barcelone, Xavier Trias, d'avoir des comptes à l'étranger.
A l'origine d'accusations contre le maire de Barcelone
"Cette information reposait sur un rapport de police concocté au ministère de l'Intérieur, mais c'est Pillon qui a envoyé un long rapport de 31 pages intitulé DOSSIER XTVL, acronyme de Xavier Trias Vidal de Llobatera. Ce document a servi de base à l'élaboration du rapport de police fuite par la suite au journal El Mundo" explique RAC1. Le parquet anticorruption espagnol classera rapidement cette affaire faute de preuves.
Les données fournies par le directeur des douanes étaient censées provenir de sources bancaires suisses, espagnoles et du Trésor espagnol. Cependant, le numéro de compte a été déclaré faux par la banque UBS à Genève, conduisant à l'effondrement de l'accusation contre Trias. Jean-Michel Pillon a justifié l'erreur en prétendant que Trias changeait régulièrement de numéro de compte, une explication acceptée par les autorités espagnoles lors d'une rencontre à Lyon.
Dans le courant de l'année 2023, Jean-Michel Pillon était toujours en poste à la tête des services douaniers toulousains.