Durant cette année scolaire, France 3 Occitanie invite des élèves d’une classe du collège Rosa Parks de Toulouse à réaliser les reportages qu’ils ont envie de voir à la télé. L'occasion pour eux de s'initier au métier de journaliste et pour la chaîne de leur donner la parole.
L'Actu des ados, c'est un rendez-vous régulier sur France 3 Occitanie. Les élèves d'une classe de 4e du collège Rosa Parks de Toulouse choisissent des thèmes de reportage qu'ils ont envie de voir à la TV. Ils échangent, défrichent la question en cours de français et d'histoire-géo avec l'appui de la documentaliste, s'interrogent sur les meilleurs interlocuteurs à trouver et préparent des questions.
2, 3 voire 4 élèves partent ensuite en tournage sur une journée avec une équipe TV composée d'une rédactrice, d'un journaliste-cameraman et d'un preneur de son. Objectif : tourner un vrai reportage de 4 à 5 minutes qui est diffusé dans le journal régional de France 3. L'initiative a débuté à la rentrée 2018 à l'initiative du rédacteur en chef de France 3 Occitanie. "On sait que le 20 heures n'est pas leur tasse de thé ! explique Léo Lemberton. L'idée c'était qu'on leur fasse découvrir le métier de journaliste, comment on travaille, et de les intéresser".
Dans la peau de journalistes
Interrompu l'année dernière, le projet a été relancé en septembre 2020. Après une première séance de présentation et d'échanges sur le métier de journaliste, durant laquelle les questions ont fusé, les tournages ont débuté.
Quatre reportages ont déjà été tournés sur des thèmes aussi variés que "Comment devient-on vétérinaire ?" tourné à l'école vétérinaire de Toulouse et sur le terrain avec un vétérinaire de campagne dans le Tarn ; "Comment aider les femmes victimes de violences ?" avec des intervenants très diversifiés, comme une responsable d'association d'hébergement dédié aux femmes et aux enfants, le responsable de la Cellvic, une cellule de gendarmerie spécialisée unique en France ou encore la déléguée aux droit des femmes de Haute-Garonne.
De la culture japonaise aux femmes victimes
Les jeunes ont aussi voulu parler du racisme. Ils ont donné la parole à Dirtsa, une jeune artiste de hip hop toulousaine qui s'est livrée sur son histoire, sa relation à la musique et bien sûr son engagement. Autres tournages : "Pourquoi la culture japonaise plaît-elle tant aux jeunes ?" et "Réseaux sociaux : comment gérer pour le meilleur ?"... et non le pire entre risques et addiction.
"C'était très intéressant de voir quel est le rôle de chacun sur le terrain, réagit Arena, 14 ans qui a été volontaire pour le sujet sur les femmes victimes de violence. Je ne pensais pas qu'un reportage demandait autant de travail et que même dans un cadre professionnel, il fallait du temps pour trouver les intervenants. On a pu voir aussi comment on interroge les personnes, quel type de questions on peut leur poser pour qu'elles racontent ce qu'elles font".
"On a appris plein de choses !"
"Ce qui m'a plu aussi, c'est qu'on a rencontré des personnes très différentes. On a appris plein de choses, renchérit Maëlys, 14 ans. Elles nous parlaient même hors caméra et nous expliquaient tout ce qu'elles font pour aider les femmes victimes de violence. C'était super, j'ai découvert beaucoup de choses".
L'équipe pédagogique composée de 3 professeures est également satisfaite. C'est elle qui porte le projet au quotidien. Un gros travail de déblayage des sujets se fait en amont du tournage. Une fois le thème arrêté, il faut définir un angle pour ne pas partir dans tous les sens. Et songer aux intervenants qui seront les plus suceptibles de faire progresser la réflexion du téléspectateur.
Les élèves ont une mission
"Ces mises en situation nous permettent de travailler autrement. C'est concret pour les élèves, explique Marion Ortet, professeure de français. Ils sont dans la peau de journalistes, voient les freins, les obstacles. Et puis on met ainsi en lien l'éducation civique, le français en interdisciplinarité. C'est porteur".
Les élèves ont de fait une mission. Ils travaillent en équipe, en petits groupes. "On voit que des élèves en difficulté en cours ou qui ne s'épanouissent pas au collège, sont mis en avant sur le terrain. ça nous permet de découvrir des compétences qu'on ne voyait pas dans les cours classiques", relève Emilie Léandris, professeure d'histoire-géographie dans ce collège classé REP+ (établissements situés dans des quartiers ou secteurs isolés qui connaissent les plus grandes concentrations de difficultés du territoire), qui estime que ce travail permet aussi de réhabiliter le métier de journaliste très décrié dans les cités.
Des compétences sociales et citoyennes
"Les élèves acquièrent de nouvelles compétences qui favorisent leur intégration dans la vie sociale, note aussi Chloé Andissac, professeure documentaliste. Ils doivent bien se tenir, se présenter, bien parler. Ce sont des compétences sociales et citoyennes importantes. Et puis cette expérience leur permet de rencontrer des gens qu'ils n'auraient pas rencontré comme des libraires, des vétérinaires, des rappeurs ou des psychologues..."
Les profs apprécient le lien qui se tisse avec l'équipe de tournage et le perçoivent comme une chance. "Ce n'est pas donné à tout le monde non plus d'échanger avec des journalistes, de visiter les locaux où ils travaillent, de connaître ainsi un milieu difficile d'accès". L'inverse est vrai aussi...
Nouvelles idées de reportage
Pour le cameraman et l'ensemble de l'équipe TV, c'est une ouverture. "On voit ce qui les préoccupe, on échange. C'est très riche, affirme Thierry Villéger, journaliste reporter d'images au sein de l'équipe de tournage. Ils proposent des sujets qu'on n'aurait pas forcément tournés comme celui qui porte sur l'intérêt des jeunes pour la culture japonaise. Or on a des interlocuteurs pertinents ici à Toulouse et c'était un tournage particulièrement intéressant".
"On se rend compte que c'est une génération qui est un peu perdue par rapport au réseau d'information que proposent les médias, L'info pour eux, ce sont les réseaux sociaux. Le JT, ils ne connaissent pas. Partir avec nous en reportage, ça leur permet de découvrir vraiment comment on fonctionne", poursuit Thierry Villéger.
"Ils voient que c'est un vrai travail qui prend du temps : on va sur le terrain, on rencontre les gens. On confronte ce que nous disent nos interlocuteurs, ça nous fait réfléchir et on essaie de retransmettre tout ça. Ce n'est pas 15 secondes de vidéo qu'on met en ligne".
L'esprit du service public
Une vision que confirme le rédacteur en chef initiateur du projet, Léo Lemberton avant d'ajouter : "je voulais que la TV entre dans le collège. Au-delà même de la classe que l'on suit. Je pense que c'est de notre devoir en tant que service public de sensibiliser les jeunes à la culture des médias, ça fait partie de l'éducation à la démocratie. Les médias constituent un de ses rouages. Ils contribuent à la réflexion des citoyens sur la chose politique au sens large, les affaires de la cité".
Vaste ambition au final !... mais qui se décline côté collège et côté rédaction par une coopération fructueuse. Une vraie dynamique. Communicative... les interlocuteurs de tous horizons contactés par les collégiens s'avèrent pour la plupart enthousiasmés par l'expérience.