Story Killers, au coeur de la désinformation : une société de Toulouse fait passer des publireportages pour des articles d'information

Une société de Toulouse, Getfluence, a été épinglé dans les "Story Killers", un projet de journalisme enquêtant sur les entreprises spécialisées dans les manipulations d’opinions publiques et la diffusion de fausses informations. Elle transforme des articles publicitaires en information, un danger pour "notre espace démocratique".

Une start-up toulousaine, Getfluence, permet à ses clients de diffuser des publireportages en les faisant passer pour de "vrais" articles d'information, sans aucune mention "sponsorisée", qui est obligatoire sur les sites français.

La société, créée en 2018 à Toulouse, a été épinglée dans le cadre des "Story Killers", une enquête d'une vingtaine de rédactions au sein du consortium Forbidden Stories sur les sociétés spécialisées dans la diffusion de fausses informations et les manipulations d'opinions.

Cette entreprise fait l'intermédiaire entre ses clients et les sites d'informations ou annonceurs qui peuvent publier ses contenus promotionnels, en se rétribuant avec une commission de 30 % sur les ventes. Son chiffre d'affaires s'élevait à 10 millions d'euros en 2022, d'après nos confrères.

Getfluence profite "des difficultés économiques de la presse, dont le modèle est basé sur la publicité, et qui s'est renforcée sur internet", notamment avec la multiplication de contenu sponsorisé.

"On est habitué à séparer les parties sponsorisées du reste, mais la frontière est de moins en moins étanche, pas claire, voire plus respectée", explique Nikos Smyrnaios, spécialiste des médias numériques et de l’économie politique de l’Internet.

Un danger pour "notre espace démocratique"

La société joue entre les deux mondes et porte à confusion en proposant de publier des contenus publicitaires sans que la mention sponsorisée apparaisse sur des médias comme le magazine Elle ou l'hebdomadaire Valeurs Actuelles.

Un danger pour "notre espace démocratique, qui est remis en cause, juge l'enseignant-chercheur en science de l’information et de la communication à l’Université de Toulouse 3. Ça risque de dérégler la sphère publique, régit par des règles de transparence, honnêteté et pluralisme et entraîne un ravage dans la crédibilité des médias."

"Une pratique immorale, voire criminelle" qui ne respecte pas plusieurs règles législatives qui demandent de distinguer les articles publicitaires des autres contenus, notamment l'article 20 de la loi du 21 juin 2004, qui stipule que "toute publicité, sous quelque forme que ce soit [...] doit pouvoir être clairement identifiée comme telle."

D'autres textes interdisent cette pratique même si "elle peu probable" que la start-up ait des problèmes avec la justice. "Ces entreprises naviguent dans des zones grises avec de nombreux appuis. Elles se situent au cœur du système médiatique et politique."

"Un discours vendant l'efficacité de sa méthode"

Du côté de la société toulousaine, on plaide "les erreurs de saisie et de critères sur une partie de nos offres, puisque cela est propre à des actions humaines", estime le fondateur et directeur général Marc de Zordo à nos confrères.

De nombreux médias proposés par Getfluence ne sont pas français et donc ne répondent pas à la législation française. Il n'existe pas, pour l'heure de régulation au niveau européen, même si l'UE s'est saisie du problème comme avec le média freedom act. 

D'après la cellule d'investigation de Radio France, les clients utilisent l'option en France à différentes fins allant de la publicité déguisé à la désinformation, notamment pour remonter en tête des moteurs de recherches, favoriser des clients ou encore améliorer sa réputation.

Des attentes et des propositions alléchantes qui ne sont pas forcément si efficaces d'après l'enseignant-chercheur. "Ces révélations se basent sur le discours d'un vendeur, qui a tendance à gonfler l'efficacité de sa méthode", nuance Nikos Smyrnaios. Elles vendent beaucoup de vent."

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