TEMOIGNAGE. Après 13 jours dans le coma, Patrick Laffargue, survivant de la Covid 19, reprend goût à la vie

Patrick Laffargue revient de loin. Hospitalisé en réanimation à Toulouse en mars 2020, cet expert aéronautique a été atteint par la forme grave de la maladie. Grâce au travail des soignants et au soutien de ses proches, cet homme de 54 ans s’en est sorti. Portrait d’un « survivant ».

L’homme a la carrure imposante. 1 mètre 88 pour 115 kilos. Une force de la nature qui a joué au rugby dans sa jeunesse. Mais qui ce jour-là se laisse submerger par une légitime émotion.

Nous sommes le 18 décembre 2020. D’un pas décidé, Patrick Laffargue s’avance vers le service de Médecine physique et de réadaptation du CHU de Toulouse à Rangueil. Dans ses bras, un grand panier gourmand, avec des chocolats, des gâteaux mais aussi des dosettes de café. Il veut remercier le personnel qui l'a aidé à retrouver une vie normale.

"Ca fait chaud au coeur"

Quand il entre dans la salle où sont réunis les aides-soignants, médecins ou autres kinés du service, la voix de Patrick Laffargue devient chancelante, la gorge se noue. Des souvenirs remontent. "Sans eux je ne serais peut-être pas là ou dans un état différent. C’est un juste retour des choses. Je voulais leur dire que maintenant je vais bien… mais c’est vrai que je ne m’attendais pas à une telle charge émotionnelle" nous confie-t-il. Le personnel apprécie ce geste. "Ca fait énormément plaisir de voir qu’on a vraiment aidé quelqu’un, qu’il ne nous ai pas oublié après être passé par notre service " témoigne Anaïs Burie, une aide-soignante.

3 semaines de coma 

Patrick Laffargue revient de loin. Il a survécu à la forme la plus grave du COVID19. Tout a commencé en mars 2020. Cet expert aéronautique d’Air France contracte le virus à Roissy, où il travaille. Sa vie est à Aussonne (Haute-Garonne), où il partage une maison avec Marie-Christine, son amour de jeunesse retrouvé après son divorce. Mais à cause des allers-retours incessants, une vraie fatigue s’est installée.

Tout bascule le 25 mars 2020. Depuis plusieurs jours, les symptômes deviennent de plus en plus inquiétants. Fatigue, fièvre, perte de goût, mais aussi problèmes respiratoires. Sa compagne décide alors de prendre les choses en main. Elle l’amène chez son médecin généraliste. Patrick Laffargue est en détresse respiratoire, il faut agir et vite.

Pronostic vital engagé 

Le soir-même il est hospitalisé au service réanimation du CHU de Toulouse à Rangueil. Il est immédiatement placé en coma artificiel et intubé. Son état est très inquiétant. Aurore, sa fille de 24 ans qui vit à Paris, se souvient très bien de l’appel du médecin. "Elle nous expliqué que la situation était très grave, que le pronostic vital était engagé. Qu’on avait placé mon père en coma artificiel, qu’ils pouvaient nous appeler à tout moment. Mais qu’il y avait aussi un espoir et qu’ils allaient tout faire pour le sortir de là. Ce jour là, le ciel nous est tombé sur la tête ".

Patrick Laffargue restera plongé dans le coma artificiel pendant 13 jours. A son réveil, il ne se souvient pas de grand-chose. Mais il se sent étonnamment bien. "J’étais dans la résilience. Quand je me suis réveillé, c’était une évidence. Je savais que j’étais entre de bonnes mains, je savais qu’on s’occupait bien de moi " raconte t’il. Un état d’esprit qu’il explique aussi par le soutien de ses proches tout au long de cette épreuve du coma : " Tout le monde était très présent et on m’a transmis de bonnes ondes. Cela a beaucoup joué dans ma guérison ".

L'inquiétude des proches 

Ses amis bien-sûr, mais aussi sa famille. Aurore sa fille et Thomas son fils, issus d’un premier mariage. Marie-Christine sa compagne, ses beaux-enfants, Nicolas et Jessie. Le hasard voudrait que cette dernière a accouché d’un petit Lucas, alors que Patrick Laffargue était plongé dans le coma. Un moment très douloureux pour cette infirmière en pneumo-pédiatrie à l’Hôpital des enfants de Purpan (Toulouse). "Ça a été très, très compliqué" raconte-t-elle d’une voix étranglée par les sanglots. "Mon beau-père était entre la vie et la mort et moi je donnais la vie. D’autant plus que mon fils à la naissance a eu besoin d’une aide respiratoire et j’ai fait immédiatement le transfert avec Pat’ qui était dans le coma et qui lui aussi avait des problèmes respiratoires". Son petit Lucas, elle ne lui présentera que plus tard, mais le lien est très fort entre les deux.

Quand il sort du coma artificiel le 6 avril, Patrick Laffargue n’est plus tout à fait le même. Cette maladie l’a transformé et l’amène à prendre deux décisions qui vont - à terme - changer le cours de sa vie. D’abord, il décide d’arrêter les allers-retours entre Paris et Toulouse. Désormais il souhaite vivre auprès de sa compagne et de la famille qu’il a recomposée avec elle. Mais il a autre chose à annoncer à Marie-Christine. "Patrick m’a appelée de son lit d’hôpital et m’a dit qu’il venait vivre à Toulouse et qu’on allait se marier. Il avait compris qu’on devait profiter de la vie et que c’était maintenant ou jamais. Par rapport au temps qui passe et la fragilité de la vie ". Le mariage n’a pas encore été célébré, il le sera dès que les conditions sanitaires le permettront.

Longue réadaptation physique 

Le 17 avril 2020, après 3 semaines en réanimation, Patrick Laffargue intègre le service de Médecine de physique et de réadaptation du CHU de Toulouse à Rangueil. Il a perdu 15 kg et une bonne partie de sa masse musculaire. Il ne tient plus sur ses jambes. "C’était une délivrance, je voyais le bout du tunnel. J’étais débarrassé de tout ce qui me reliait à une machine" raconte t’il. Soutenu par des aides-soignants, des kinés, Patrick Laffargue retrouve peu à peu la faculté de faire des gestes simples. Comme se lever seul, rester debout, marcher, se laver tout seul. Des souvenirrs qui ne l’ont pas quitté. A force d’exercices, de progrès constants. Grâce à la volonté aussi de ce patient du COVID19. L’ancien malade garde beaucoup de souvenirs, mais l’un d’entre eux l’a particulièrement marqué : "Ma première douche, ça a été quelque chose de fantastique. Sentir l’eau couler sur moi… ça reste un souvenir impérissable".

Une dette à vie envers les soignants

Ce long parcours de soins au CHU – six semaines au total – a changé le regard de Patrick Laffargue sur le personnel soignant. Avec un infirmier qui est devenu un ami entre temps, des liens très forts se sont créés. Les autres, il leur voue une admiration sans bornes.  "J’ai été très bien entouré à l’hôpital. Ils ont été extraordinaires, ils m’ont ramené à ce que je suis aujourd’hui. Je n’ai pas de mots pour le décrire. Tous, de la femme de ménage qui s’occupait de ma chambre en réanimation à l’aide-soignante et aux médecins. Tout le monde s’est investi, était très présent. C’est une dette à vie... ".

 Le 7 mai 2020, Patrick sort de l’hôpital. Guéri. Mais la Covid 19 et le long passage en réanimation ont laissé des traces, des séquelles. Aujourd’hui encore, il est suivi par des spécialistes du CHU. Notamment à l’Hôpital Larrey à Toulouse où il effectue régulièrement des tests de souffle et où on suit la progression de sa rémission. Il reste des lésions pulmonaires, stigmates d’un virus très coriace. Quant aux douleurs au dos, elles ont été prises en charge par des kinésithérapeutes et un ostéopathe qui a fait des miracles. "En une séance il m’a débarrassé de 95% de mes douleurs " raconte l’expert aéronautique. 

Les séquelles du virus

Impossible à ce jour de savoir si les séquelles vont disparaître un jour. Le corps médical manque de recul comme l’explique le Docteur Elise Noël-Savina, la responsable soins intensifs respiratoires du service pneumologie : "On ne sait pas du tout comment cela va évoluer. On ne sait pas quelles séquelles vont rester pour les personnes soumises à la Covid 19 dans les formes les plus graves, comme l’a été Patrick. Pour l’heure, leur état ne se détériore pas, ce qui est déjà une très bonne nouvelle".

Aujourd’hui, Patrick Laffargue va beaucoup mieux. Il a repris le sport, comme le golf, l’une de ses passions, fait du vélo électrique. Le quotidien n’est plus entravé par les séquelles de la maladie : "Il reste encore une forme d’essoufflement, mais ce n’est pas contraignant. J’ai vraiment la possibilité de vivre normalement. Je peux faire les boutiques pendant trois heures avec ma compagne par exemple, c’était impensable au mois de juillet" raconte t’il.

Des liens familiaux plus forts

L’épreuve de la maladie a renforcé les liens entre Patrick et sa famille. Le temps passé ensemble devient très précieux comme l’explique Jessie, sa belle-fille : "J’étais déjà très proche de lui avant, mais c’est vrai qu’on en profite d’avantage aujourd'hui, car on sait qu’on a de la chance qu’il soit avec nous … Pour moi c’est un survivant, même si il n’aime pas qu’on le dise… ".

Ce que l’on imagine moins, ce sont les conséquences psychologiques d’une telle épreuve pour l’entourage familial proche. Savoir son père entre la vie et la mort pendant plusieurs jours a été une épreuve traumatisante pour Aurore. "Ça a été un moment très compliqué. Pendant le coma de mon père, nous avons été suivis par un psychologue du CHU. Ce qui nous a fait beaucoup de bien. Après sa sortie de l’hôpital, j’étais très inquiète quand je l’entendais un peu tousser ou avoir du mal à respirer. J’ai fait des cauchemars pendant quelque temps. Aujourd’hui ça va mieux".

"Une épreuve de la vie"

Quand elle évoque la maladie de son beau-père, Jessie a du mal à contenir ses larmes. "Encore aujourd’hui, j’ai beaucoup de mal à parler de cette période-là. Du coup j’ai fait des séances d’hypnose qui m’ont permises d’atténuer cette douleur. Aujourd’hui, j’y pense encore souvent. Le soir quand je me couche, je me refais toutes les scènes".

Quant à Patrick, il porte un regard singulier sur cette période.  "Cela peut paraitre étonnant, mais pour moi ce n’est pas un traumatisme. Je n’y vois rien de négatif, car pour moi à toute chose malheur est bon. La seule chose négative que je vois, c’est le fait d’avoir inquiété mes proches ".

Toujours en arrêt de travail 

Même si le combat contre la COVID19 fut très compliqué, il n’en garde aucune amertume. Une maladie qui l’a aussi définitivement transformé. "Je vois cette maladie comme une épreuve que j’ai surmontée. Désormais je suis plus solide, mieux armé pour faire face à des événements de la vie qui pourraient être difficiles".

Aujourd’hui, Patrick Laffargue attend toujours sa mutation vers Toulouse. Lui qui est en arrêt maladie depuis le 19 mars 2020. Il ne s’en cache pas, il a hâte de reprendre son activité d’expert aéronautique avec Air France. "Les avions me manquent. J’ai gardé toujours un lien très fort avec le travail. C’est un vrai besoin. Aujourd’hui je me sens vraiment prêt à reprendre".

Une bonne étoile

En attendant, l’homme profite de la vie, de sa famille, de son petit-fils Lucas qu’il voit autant que possible. Entretient sa forme physique, tout en restant vigilant sur son état de santé.

Il sait qu’il a de la chance d’avoir gagné la bataille contre le virus. Une maladie qui a emporté certaines de ses connaissances, parfois plus jeunes que lui. "Je dois avoir une bonne étoile… " dit-il en levant les yeux au ciel.

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