Elles s'appellent toutes les deux Léa, et elles ont toutes les deux décidé de quitter Toulouse (Haute-Garonne) pour partir en Israël, après leur bac. L'une y est toujours, l'autre est revenue. La mémoire de l'attentat de Mohammed Merah à l'école juive Ozar Hatorah se mêle à la violence actuelle de l'attaque du Hamas contre Israël. Difficile alors, pour elles, de savoir où se sentir en sécurité.
Il est midi, place du Capitole, jeudi 2 novembre 2023. Une centaine de juifs toulousains, rassemblés autour de poussettes vides, brandissent des pancartes sur lesquelles sont imprimés des visages d'enfants. Ce sont les 30 mineurs israéliens, otages du Hamas, enlevés et retenus depuis le 7 octobre.
Parmi les manifestants se trouve Léa N., 26 ans. La jeune femme revient d'Israël. Elle était partie y vivre après l'obtention de son bac, comme plusieurs jeunes juifs de son âge. Léa N. a passé son enfance et son adolescence à Toulouse (Haute-Garonne). En CM2, dans son école primaire laïque, elle se fait traiter de "sale juive". Elle décide alors de poursuivre sa scolarité dans une école religieuse. "J'ai fait tout mon collège à Ozar Hatorah. Mais au cours de mon année de 3e a eu lieu l'attentat de Mohammed Merah. Je ne me sentais plus en sécurité, j'avais l'impression qu'on allait encore nous attaquer", confie-t-elle.
Depuis 2012, 300 familles juives ont quitté Toulouse
Le 19 mars 2012, Mohammed Merah arrive à l'école juive de Ozar Hatorah, sur son scooter. En une poignée de seconde, il tue quatre personnes, dont trois enfants. Un événement tragique, insoutenable, qui laisse la communauté juive de Toulouse inconsolable. Depuis 10 ans, ce sont 300 familles juives qui ont quitté la ville, une grande partie d'entre elles pour rejoindre Israël. Lors de sa visite à Toulouse, quelques jours plus tard, Benjamin Netanyahu avait déclaré : "c'est parce qu'on tue des juifs en tant que tels que l'État d'Israël a été créé." Après le choc des événements, Léa N. fait le choix de retourner dans un lycée laïc, avant de s'envoler pour Tel-Aviv.
Le 7 octobre 2023, le Hamas lance contre Israël une série d'attaques d'une terrible violence contre des civils. Israël riposte en bombardant massivement Gaza et sa population. Des affrontements qui ont nourri chez la jeune femme une crainte déjà ancrée. "J'ai peur de ce qui se passe là-bas, mais aussi de ce qui se passe ici, en France et à Toulouse, avoue la jeune fille. Je me rends compte que la moitié du monde nous déteste, nous les juifs, ne veut plus nous voir, nous haie et que nous n'avons nulle part où aller pour vivre en paix et en sécurité."
Rester sur "leur terre"
La manifestation pour réclamer la libération des otages du Hamas se termine, place du capitole. Au milieu de la foule qui s'éparpille, nous rencontrons Lior. Sa sœur vient tout juste de partir en Israël. Elle s'appelle aussi Léa (A.), elle a 18 ans et était aussi scolarisée à Ozar Hatorah en 2012, en classe de CP. Elle décide de partir, il y a quelques mois, à Jérusalem, après l'obtention de son bac, pour un an de séminaire religieux.
La ville est un lieu plus préservé de la guerre que le reste du pays, où "la vie a repris son cours", explique la jeune fille. L'antisémitisme est une des raisons qui l'a poussé à partir : "je ne le ressentais pas quotidiennement, mais je considère qu'un juif religieux n'a rien à faire à Toulouse, ni même en France. J'ai une copine de Lyon qui s'est faite caillasser en sortant de la synagogue un jour de shabbat", raconte-t-elle.
Après l'attaque du Hamas, les parents de Léa A. voulaient absolument qu'elle rentre à Toulouse. Mais la jeune fille continue de refuser, catégoriquement. "D'un côté, la violence de l'antisémitisme me rattrape en Israël, mais en vérité, elle ne m'a jamais vraiment quittée, parce que je suis juive, et que le peuple juif l'a toujours éprouvée, confie Léa A., avant de conclure, je me sens plus en sécurité sur notre terre."