Dans un rapport fourni de 51 pages, la chambre régionale des comptes d'Occitanie fustige les subventions allouées par le Conseil régional en soutient au thermalisme. Absence de stratégie sur leur pérennité, concurrence entre stations, baisses de fréquentation... Les griefs sont nombreux.
Le rapport a été mis en ligne le 11 novembre 2018. La chambre régionale de la cour des comptes a conduit une enquête sur la politique menée par le conseil régional sur le thermalisme en Occitanie depuis 2011. "La région est le premier partenaire financier des projets d'équipements des stations" explique la chambre. Ainsi, entre 2011 et 2016, plus de la moitié des stations a été aidée par le conseil régional. Au total, 62 dossiers liés au "thermalisme/bien être" ont été soutenus à hauteur de 16,8 millions euros, sur un total d'investissement de 88,7 millions euros hors taxe, dans 15 stations existantes ou dans des collectivités envisageant la mise en place de cette activité. En 2017, le budget pour la "politique publique économie touristique et thermalisme" atteint 37,31 millions euros, c'est 1,1% du budget total du conseil régional.
Le hic des subventions
"Les conditions d'attribution de ces aides pourraient être enrichies par des indicateurs permettant d'évaluer la viabilité des projets" précise la chambre régional dans son rapport. Elle dénonce une "procédure régionale marquée par une absence de stratégie sur leur pérennité et leur impact sur les équilibres territoriaux". Concurrence entre stations, baisses de fréquentation pour certaines, raréfaction de la ressource en eau... le modèle économique actuel du thermalisme serait fragile. Ce qui aux yeux de la chambre "justifierait une affectation plus efficiente des financements régionaux". Surtout, le conseil régional n'a pas procédé à l'évaluation de l'activité thermale et son poids dans l'économie, en la distinguant des activités complémentaires comme le thermoludisme. Le conseil régional "confirme ne pas opérer d'arbitrage en fonction d'une appréciation globale sur le territoire". Dès lors qu'un projet correspond aux dépenses éligibles et repose sur les pièces d'instruction demandées, il est financé. "La région n'a d'ailleurs pas identifié de dossier dont la demande de subvention ait été refusée" mentionne le rapport. Conséquence ? Un nombre important d'équipements ont été subventionnés, parfois proches et concurrents, "sans s'assurer de la cohérence de l'ensemble de son action".
Le couac de la communication
"Une communication ambitieuse dont l'efficacité reste à démontrer" c'est le titre d'un des chapitres du rapport. En 2013, l'ex région Midi-Pyrénées commande une campagne de communication sur le thermalisme. Elle va s'étaler sur quatre ans avec notamment un plan média TV et la diffusion d'une publicité sur petits écrans. Son coût global : 3 683 251 millions euros financés entre autre par le conseil régional, le comité du tourisme, et des fonds européens. Pour la chambre régionale, le verdict est sans appel : la campagne ne défend pas suffisamment le territoire et son impact est jugé insatisfaisant au regard de l'investissement. Les téléspectateurs ne mémorisent pas le spot.
Le flou du poids réel de l'économie thermale
C'est une des recommandations principale de ce rapport : "identifier le poids spécifique du thermalisme dans l'économie régionale en la distinguant des activités complémentaires tels que le thermoludisme". D'après l'ex région Midi-Pyrénées, le thermalisme irriguerait l'ensemble du tissu économique local en générant 2 106 000 nuitées, 45 millions euros de chiffres d'affaires et 130 millions euros de "consommation touristique" estimée (les à côtés comme les restaurants, visites culturelles...) avec 2800 emplois directs et plus de 3700 emplois indirects. Mais pour la chambre régionale de la cour des comptes, ces emplois liés aux activités thermales "sont peu nombreux et souvent faiblement qualifiés". Surtout aucun diagnostic sur le poids économique du seul thermalisme n'a été effectué, si bien qu'il est difficile de voir clair dans ces chiffres et dans la justification des aides apportées à ce secteur.
Thermalisme vs thermoludisme
Le thermalisme consiste en l'utilisation à des fins thérapeutiques d'eaux minérales naturelles. Le thermoludisme a une vocation purement récréative. L'eau est utilisée pour du bien être et du loisir. La région Occitanie est la première destination thermale de France. Elle compte 29 stations thermales et accueille 186 700 curistes par an. La plupart des stations thermales ont aussi aujourd'hui leur propre centre thermoludique. Ces centres présentent une forte concentration dans les Hautes-Pyrénées, 8 stations pour ce seul département dont 6 d'entre elles sont distantes de moins de 20km. En 2015, selon les chiffres du comité régional du tourisme de Midi-Pyrénées, le thermoludisme comptabilisait 842 380 entrées. La chambre régionale de la cour des comptes dénonce "une offre thermale morcelée dans les vallées" et la nécessité d'être mieux coordonnée.
L'exemple de Capvern
Trois stations des Hautes-Pyrénées voient leur fréquentation baisser, malgré des investissements réalisés par la région à hauteur de plusieurs milliers d'euros. C'est le cas de Cauterets, Luz Saint-Sauveur et Capvern. Pour cette dernière commune, la chambre régionale est catégorique : "les conditions de pérennisation de l'activité thermale n'apparaissent pas aujourd'hui réunies". Elle préconise clairement à la commune de vendre les thermes ou de les transférer à la communauté de communes de Lannemezan. Options que rejette en bloc le maire de Capvern, Jean-Paul Laran qui préfère tenter de développer l'attractivité de ses thermes. Capvern a perçu en 2012 et 2015, 30 387 euros de subventions de la part du conseil régional, pour une "rénovation de l'accessibilité des thermes" et "une étude stratégique des thermes". C'est là une deuxième recommandation forte de la chambre régional à l'égard de la collectivité publique : "mesurer l'impact de la politique de subventionnement suivie sur la pérennité des stations thermales."
La réponse du conseil régional Occitanie
Dans son rapport, la chambre régionale de la cour des comptes relève que les deux recommandations faites à savoir identifier le poids économique du thermalisme et mesurer l'impact des subventions, n'ont pas été mise en oeuvre par le conseil régional. La présidente Carole Delga lui répond dans un courrier en date du 20 juin 2018. Elle assure que les deux conseils seront mis en oeuvre dès l'exercice 2019 avec notamment la commande d'études pour mesurer le poids et l'impact de la politique de subventionnement. Elle réfute les arguments de la chambre sur la communication, se disant "satisfaite", et entend poursuivre les actions de promotion de la destination thermale Occitanie. Enfin, la Région "conteste formellement" ne pas avoir tenu compte de la viabilité et de la pertinence économique des projet soutenus, même si elle précise que l'angle économique n'était pas la seule approche pour attribuer les subventions. Le conseil régional considère en effet que le thermalisme et le thermoludisme "sont des outils d'aménagements du territoire, en terme d'attractivité, au plan médical et en termes de développement durable". Dans sa vision "un curiste est un patient le matin, et un touriste potentiel l'après-midi".