Le tribunal administratif a condamné le CHU de Toulouse à verser une indemnité à une agente administrative du pôle ressources matérielles qui avait subi le harcèlement sexuel de son responsable et alors même que la direction des ressources humaines connaissait les faits.
Le CHU de Toulouse a été condamné le 17 décembre 2020 par le tribunal administratif pour ne pas avoir protégé une salariée victime de harcèlement sexuel. Elle avait alerté la hiérarchie qui n'a pas réagi alors qu'elle faisait état de multiples formes de harcèlement, allant de mails à des bisous en passant par des frôlements suggestifs alors même que la victime avait manifesté explicitement son opposition à ces comportements abusifs.
Le tribunal a condamné le CHU à verser une indemnité à Audrey L. Elle travaillait comme agente administrative au pôle ressources matérielles. "Cela a été reconnu car je disposais d'énormément de preuves : environ 1.000 mails". "C'est un grand soulagement pour moi cette condamnation, dit-elle encore, car j'ai été harcelée mais, en plus, la hiérarchie ne m'a pas soutenue".
"Les bisous, c'est pas un crime !"
"Lorsque je m'en suis ouverte à la directrice des ressources humaines, que je lui ai dit qu'il me faisait des bisous sans crier gare. Elle m'a répondu sur un ton haineux : "Les bisous, c'est pas un crime !". Je me sentais comme un vilain petit canard dans ce service depuis 2018. Cela a duré des années en fait. Quand j'ai avancé des preuves, ils ont laissé mon harceleur à deux bureaux du mien".
La direction du CHU répond à notre sollicitation par un communiqué expliquant qu'il "fait de la lutte contre les harcèlements et les discriminations une priorité institutionnelle" et "ne fera pas appel de cette décision".
"Dès que cette affaire a été portée à la connaissance de la direction des ressources humaines en décembre 2017, une enquête administrative a immédiatement été diligentée, poursuit le communiqué. Des sanctions disciplinaires ont été prises à l’encontre de l'agent concerné, comme du supérieur hiérarchique de cet agent et de la victime".
Des formations pour prévenir le harcèlement
Le communiqué ajoute que le groupe "Parité et Gouvernance" a été constitué pour promouvoir l’égalité hommes/femmes au CHU de Toulouse dès 2017 et qu'une cellule dédiée a été constituée en 2018. "Des actions de formation et de sensibilisation sont régulièrement conduites, tant au bénéfice du personnel médical que non médical", peut-on lire.
Audrey L. est soutenue par la CGT. Elle a pris une avocate, Me Valérie Amiel. Pour elle, le combat ne s'arrête pas là. Elle se bat aussi pour faire reconnaître ses arrêts maladie suite à des malaises au travail, comme accident du travail. "Je n'en pouvais plus, souffle-t-elle. Alors que la commission de réforme a reconnu cet état de fait, l'hôpital, lui, ne suit pas".
Pratiques professionnelles sur un registre sexuel
Pourtant, le rapport d’expertise datant de 2019 mentionne "des pratiques professionnelles et managériales se plaçant sur un registre sexuel, allant de la familiarité appuyée à des commentaires sur les sous-vêtements ou l’aspect physique, et de propos méprisants à des tentatives de poursuivre une relation hors du contexte professionnel" au pôle ressources matérielles du CHU.
Déterminée à se battre, la salariée pense à son cas mais aussi à celles qui n'osent pas dénoncer ce type d'agissements. Elle se rétablit progressivement mais avoue éprouver encore du stress et de l'angoisse suite à ce harcèlement subi au long cours. Elle a le sentiment aujourd'hui d'être "mise au placard" selon ses termes car "on ne me donne pour ainsi dire plus rien à faire". Son harceleur a été muté à l'hôpital de Rangueil.