Les magistrats du siège et du parquet du tribunal judiciaire de Toulouse (Haute-Garonne) ont voté vendredi 2 décembre, en Assemblée générale, une motion constatant "la pénurie d’effectifs et de moyens matériels" rendant impossibles leurs missions. Dans l'attente de renforts, leurs activités seront désormais réduites.
Les magistrats du tribunal judiciaire de Toulouse (Haute-Garonne) n'en peuvent plus. Malgré la "Tribune des 3000", il y a un an, dénonçant les conditions de travail "indignes" pour les personnels judiciaires et une justice incapable de répondre aux attentes légitimes des justiciables, force est de constater que la situation n'a pas évoluée. Pire, les délais de traitement et les conditions de travail se sont encore dégradés.
La sous-évaluation des besoins en effectif de magistrats et de fonctionnaires de greffe empêche le tribunal judiciaire de Toulouse de fonctionner normalement et de rendre une justice de qualité. La pénurie d’effectifs et de moyens matériels, notamment informatiques (logiciels métier obsolètes et inadaptés) porte atteinte tant à la santé physique et psychique des personnels judiciaires qu’à la sécurité des procédures.
Pas d'audience de plus de 6 heures et pas au-delà de 20 heures le soir
Réunis en assemblée générale, les magistrats du siège et ceux du parquet ont voté une motion pour dire stop ! Des mesures drastiques sont annoncées, noir sur blanc : dans l'attente de renforts, les activités des magistrats sont réduites en fonction de leurs capacités matérielles et humaines, les audiences ne dépasseront plus 6 heures et n'iront pas au-delà de 20 heures, les magistrats absents ou les postes non pourvus ne seront pas remplacés, "si ce n’est pour procéder à des renvois".
"Le tribunal judiciaire de Toulouse, en 2021 était compétent pour 1.283.891 habitants. On compte 16.900 habitants supplémentaires chaque année dans l'agglomération toulousaine. Nous étions 73 juges l'an dernier. Nous sommes 75. C'est encore insuffisant" déplore Céline Azéma, du syndicat de la magistrature et vice-présidente chargée des fonctions de juge des enfants.
L'inadaptation des moyens judiciaires face à cette augmentation constante de la population, Anne Kinoo, membre de l'Union syndicale des magistrats est aux premières loges pour la constater : "Je suis magistrat civiliste, spécialisée dans le droit de la construction. Mon service s'occupe des contentieux en matière de vente de véhicules, de dommage corporel, des désordres constructifs. Pour ce type de dossiers, nous en comptons aujourd'hui 3200. Nous sommes 8,5 pour les traiter. Nous sommes aussi appelés à participer aux audiences correctionnelles et pénales. Actuellement, un dossier qui est terminé, je ne peux que le fixer au mois de juin. L'augmentation de la population et des constructions entraîne une hausse des dossiers et un rallongement des délais."
Prise de malaise à cause de la surcharge de travail
À Bordeaux, pour le département de la Gironde, l'on compte 12 juges des enfants. En comparaison, le département de la Haute-Garonne, avec une population assez similaire, ne compte que 8 juges des enfants. L'une des collègues de Céline Azéma vient d'ailleurs d'être arrêtée pour burn-out. "Nous sommes plusieurs à avoir fait des malaises de par la charge de travail à laquelle nous faisons face, raconte la magistrate toulousaine. Les conséquences, c'est la souffrance éthique à laquelle on fait face lorsque l'on doit choisir quelle famille on reçoit. Quelle famille va avoir à faire à son juge cette année ? Quel dossier va être priorisé ? Lequel va être considéré un peu moins urgent ?"
La situation amène une perte de sens pour les magistrats. Ces derniers doivent aussi faire face au mécontentement croissant des justiciables. Le tribunal judiciaire de Toulouse se tourne désormais vers l'État "qui doit répondre du dysfonctionnement du service public de la justice."