Elles vivent dans des logements de fonction inoccupés du lycée toulousain Marcelin Berthelot. Une dizaine de familles albanaises sont menacées d'expulsion à la suite d'une plainte déposée par le conseil régional d'Occitanie.
"Un toit c'est un droit!" Ce sont les derniers mots d'un communiqué de presse signé par plusieurs syndicats de l'éducation du collège et du lycée Marcelin Berthelot à Toulouse (SNES-FSU, SUD éducation, CGT et SE UNSA, FO).
Chaque jour, des enseignants et habitants du quartier viennent en aide à une dizaine de familles albanaises. Au total, une trentaine de personnes, dont plus de la moitié sont des enfants de 9 mois à 15 ans, vivent dans des anciens logements de fonction du lycée Berthelot, jusqu'alors inoccupés.
Julie est professeure de mathématique au collège Marcelin Berthelot. Elle affirme que ces familles ne dérangent absolument personne et ne portent pas atteinte à la sécurité des élèves.
Tous les syndicats signataires du communiqué sont de l'avis de Julie, qui confirme qu'à ce jour, personne ne s'est plaint de l'installation de ces familles roms.Au contraire ! C'est mieux de voir ces locaux occupés par des familles plutôt que vides et inutiles.
Pourtant, le conseil régional, propriétaire des lieux, a porté plainte contre l'occupation de ces logements le 19 décembre, soit deux jours après l'arrivée des familles.
"Il s'agit de bâtiments insalubres qui présentent des risques avérés et imminents pour la santé et la sécurité des occupants (risques électriques, chantier ouvert, présence d'amiante). Par ailleurs, les ouvertures créées ne permettent plus de garantir la sécurité des élèves du lycée Berthelot, les accès et sorties ne pouvant plus être efficacement contrôlées partout", explique un communiqué de la Région.
Conséquence : le tribunal administratif demande l'évacuation des locaux, les familles sont menacées d'expulsion.
Julie réfute les arguments de la Région. Pour elle, il ne s'agit que d'un prétexte :
Qui sont ces familles ?
Avant d'arriver ici, toutes ces familles vivaient dans des tentes sur l'Ile du Ramier, en face de la Garonne.
Après un épisode de pluies diluviennes, un collectif informel d'enseignants et parents d'élèves s'est organisé pour installer ces Roms dans les logements de fonction inoccupés du lycée Berthelot. Une partie des enfants de ces familles albanaises est scolarisée au lycée ou au collège Marcelin Berthelot.
Julie, enseignante au collège Marcelin Berthelot, détaille leur parcours :
Fichier audio
Parmi ces immigrés, Ibro Hazizi, 20 ans.
Il s'est installé ici comme les autres familles albanaises : le 17 décembre 2019.
Il vit avec sa mère et son frère, âgé de 32 ans. Sa soeur, elle, a 30 ans. Elle vit dans un autre endroit, à Toulouse.
Toute la famille Hazizi a déjà reçu plusieurs refus à ses demandes d'asile. L'Albanie n'est pas considérée comme un pays en guerre. Il est donc très rare que des personnes albanaises obtiennent le statut de réfugié. Pourtant, Ibro explique dans un bon anglais, pourquoi il est impossible pour lui de rentrer dans son pays :
Mon père a tué deux personnes. Il est en prison. En Albanie, des gens n'attendent qu'une chose : nous tuer. Là-bas, ce n'est pas comme ici. Il y a la mafia et beaucoup de violence. Et les Roms comme nous sont victimes de racisme.
Dans son pays Ibro Hazizi possédait un magasin de multi-services. "Les téléphones portables, les ordinateurs ... je sais tout réparer !" précise-t-il fièrement. "J'ai même un diplôme de coiffeur ! C'est moi qui coiffe toutes les familles qui vivent ici avec nous" ajoute-t-il. "Mais en France, on m'a déjà refusé deux fois l'asile, je ne peux donc pas travailler, je suis bloqué."
Dans la petite commune de Fier en Albanie, Ibro Hazizi vivait juste à côté de Jani Xhihani. Ce dernier, âgé de 25 ans, occupe la chambre en face de celle d'Ibro. Il vit avec sa femme et ses deux enfants, de 4 ans et 11 mois. Dans ces anciens locaux du lycée Berthelot, les enfants se font entendre. Et dans l'atmosphère, les épices se font sentir. En cuisine, les femmes préparent le repas du midi. "Nous avons une cuisine, une salle de bain et un wc pour quatre familles" explique Jani Xhihani. "Mais ici, c'est mieux qu'avant".
Que vont-elles devenir ?
Caroline Barbot-Lafitte défend 7 de ces familles roms.
La grande majorité de ces familles demande une aide à un retour en Albanie.
Lundi 13 janvier, maître Barbot-Lafitte a été reçue et rassurée par la sous-préfète de la Haute-Garonne. Aucune expulsion immédiate de force ne devrait être exigée, tant que ces familles finissent par partir et qu'aucune autre ne s'installe dans ces locaux.
Dernière étape pour cette avocate toulousaine : se mettre d'accord sur un calendrier avec l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration), en charge de l'aide au retour des demandeurs d'asile dont la demande est déboutée. En d'autres termes : la majorité de ces familles rentrera chez elle dans quelques semaines, parce qu'elles n'ont pas obtenu le statut de réfugié en France. Pour les autres, elles seront relogées temporairement dans des hôtels ou hébergements d'urgence, si des places se libèrent.
En Occitanie, en 2015, il y avait 1,4 place en hébergement pour 1 000 personnes âgées de 20 à 59 ans d'après un rapport du préfet de la région. C'est la raison pour laquelle à Toulouse une partie des familles roms albanaises vivent dehors, dans des tentes.