Depuis janvier 2022, la mairie de Toulouse a lancé la réorganisation de ses services nommée PROXIMA. 3400 agents sont concernés par ce redéploiement à travers 5 territoires. Il provoque une vague d'inquiétudes chez les personnels concernés et une alerte des syndicats.
Le projet PROXIMA est désormais sur orbite. Cette promesse de campagne du maire de Toulouse (Haute-Garonne) Jean-Luc Moudenc a été officiellement lancée en janvier 2022. "L’idée est de rapprocher les services municipaux de la population et d’être plus réactifs à la demande de nos concitoyens, explique Henri de Lagoutine, conseiller municipal chargé des ressources humaines et du dialogue social. Pour cela, on va territorialiser une partie de nos services."
3400 agents municipaux redéployés sur 5 nouveaux territoires
Au moins 3400 agents municipaux toulousains vont être ainsi affectés à l'un des 5 nouveaux territoires administratifs de la Ville rose. "Cela concerne essentiellement les services techniques, souligne l'élu toulousain. Cela revient à déconcentrer les directions centrales en créant 5 directions territoriales. Cela va nous permettre de mettre fin à des situations incongrues. Par exemple, actuellement, lorsqu'il y a des travaux à effectuer dans une crèche et dans une école voisine, ce sont deux services différents qui interviennent. Avec PROXIMA, un seul sera nécessaire afin de résoudre le problème."
Depuis le mois d'octobre 2022, les employés de la mairie concernés reçoivent un courrier leur indiquant l'évolution de leurs postes. Il existe quatre situations. L'agent est classé en catégorie 1, son poste est inchangé. Classé en catégorie 2, les missions de l'agent restent inchangées mais elles s'exerceront dans l'un des 5 nouveaux territoires. Classé en catégorie 3, l'agent peut voir ses missions, son rattachement hiérarchique et son affectation géographique modifiés. Enfin l'employé ayant reçu une lettre le plaçant en catégorie 4, voit son poste tout simplement redéployé.
Une bourse à l'emploi a été créée afin de permettre à ceux qui le souhaitent de saisir une opportunité d'une évolution professionnelle.
Les approximations de PROXIMA
Mais PROXIMA ne semble plus tourner bien rond. "Nous sommes invités à candidater sans véritables fiches de postes ni même de liste disponible sur l'intégralité des postes à pourvoir, et sans désignation géographique précise dans des délais restreints" dénonce la CGT mairie de Toulouse dans un tract, en date du 13 novembre 2022.
"Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, on est en plein dans l’aPROXIMAtion, réagit Pascal Maynaud, Secrétaire Général du syndicat FO municipaux de Toulouse. On se rend compte qu’il y a des trous dans la raquette. On se retrouve avec des problématiques très concrètes. Les agents doivent postuler à de nouveaux postes mais sans connaître leur futur responsable ou leur futur lieu de travail. Aujourd’hui sur les 3400 agents concernés par cette réorganisation, aucun ne sait où il sera dans les prochains mois." Certains territoires n'ont d'ailleurs, pour l'heure, aucun local.
"Les agents sont perturbés. Ils ont peur de se retrouver sans affection et sans savoir où ils vont aller à partir du 1e janvier 2024" confirme Zouaouia Bossard-Refas, du syndicat FSU Territoriale 31. Pour Jean Luc Leto, du syndicat Unsa territoriaux Toulouse :"Ce projet se fait dans la souffrance. Tout le monde s’interroge et tout le monde s'inquiète. Avec PROXIMA, la mairie a même réussi à mettre d'accord les catégories A à C sur la souffrance psychologique qu'ils ressentent ce moment."
Des changements sources d'inquiétude
Informés depuis plusieurs mois de ces changements, les agents municipaux se rendent désormais compte des conséquences de PROXIMA sur leur vie professionnelle comme personnelle. "Si un agent garde son poste mais est amené à changer de territoire, cela va changer du tout au tout pour lui, rapporte Zouaouia Bossard-Refas. Certains collègues ont acheté des logements, ont organisé leur vie à proximité de leur lieu de travail et du jour au lendemain, ils vont se retrouver de l'autre côté de la ville de Toulouse à devoir subir l'heure des bouchons sur la rocade pour aller embaucher. C’est le chaos complet."
À tel point que selon nos informations, le numéro vert mis en place par la municipalité pour répondre aux agents sur PROXIMA est saturé. "Il faut attendre plus d'une heure avant d'obtenir un opérateur, nous rapporte l'un d'entre-eux. Par chance si, nous en avons un au bout du fil, il n'est même pas en mesure de nous répondre sur quoi que ce soit." De quoi rajouter de "l'anxiété sur de l'anxiété" selon Pascal Maynaud.
À ceci, s'ajoute le départ du directeur général des ressources humaines mairie de Toulouse et de l'une de ses adjointes, chargés du lancement de PROXIMA. Des démissions qui interrogent dans les couloirs du Capitole. "Des opportunités de carrière pour eux" assure Henri de Lagoutine.
"Des problèmes à la marge"
L'appréhension est d'autant plus grande que le maître d'oeuvre de PROXIMA se nomme Eric Ardouin. L'actuel directeur général des services de la mairie de Toulouse a mis en place durant son passage à Bordeaux, entre 2014 et 2020, une mutualisation des services de la métropole girondine. Une refonte dénoncée pour la vague de mal-être qu'elle aurait déclenchée au sein du personnel de l’ex-communauté urbaine.
Pour Henri de Lagoutine " à Toulouse, l’ambiance n’est pas celle-ci !". "Il ne faut rien exagérer. À la marge, il peut y avoir des inquiétudes et quelques dysfonctionnements. Mais globalement, ce n’est pas une révolution, mais une réorganisation des services."
Le conseiller municipal reconnaît qu'il peut y avoir "200 à 300 personnes" ayant un mal-être, mais demande à ce que l'on relativise la situation : "80% des gens sont en catégorie A. Il y a des gens inquiets, c’est normal. Parce que tout changement provoque des inquiétudes. Après, il y a des postures syndicales, à quelques jours d'élections. Mais on cherche des solutions. Le projet est acté. Nous essayons de voir comment on va l’appliquer au mieux et éviter les difficultés que nous allons rencontrer, car, forcément, il y en a." La collectivité a ainsi sollicité, à la demande des syndicats, un cabinet de consultants qui "accompagnera tous les agents qui éprouveront des difficultés" avec la distribution d'un questionnaire anonymisé.
Le réveil des syndicats
Un point de vue que ne partagent pas les organisations syndicales. "Il faut que l’exécutif se rende compte par lui-même de ce qui est en train de se passer, analyse Pascal Maynaud. En tant que représentant syndical de l'organisation majoritaire à la mairie de Toulouse, j’ai les collègues toute la journée en direct. Nous n’avons pas l’habitude de grossir le trait. Actuellement, je n’en connais pas beaucoup qui me disent, "cela va très bien, on est très content de PROXIMA."" De quoi faire craindre, au cours des prochains, une multiplication des recours engagés par des personnels insatisfaits de leur nouvelle affectation.
"En tant que syndicat, nous ne sommes pas contre les réformes, mais il ne faut pas que cela entache la vie professionnelle des agents et leur bien-être et que cela n’amène pas de la souffrance au travail. Les partenaires sociaux estiment, à juste titre, ne pas être entendus dans cette réorganisation. Cela va trop vite. De cette manière, on ne peut pas être pour" tranche Jean Luc Leto, pour l'Unsa.
D'ailleurs, le 17 novembre dernier, après plusieurs mois d’abstention lors des comités techniques, le plus gros syndicat de la ville et de Toulouse Métropole, Force Ouvrière a décidé de voter contre le projet PROXIMA. Le signe que PROXIMA 2024 pourrait exploser en plein vol ?