A Toulouse, ce lundi 4 janvier 2021, s'est ouverte la première session de la cour criminelle départementale, nouvelle juridiction à l'essai composée de cinq magistrats compétents pour juger des personnes majeures accusées d'un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion.
Déjà en place dans onze départements, l'expérimentation de la cour criminelle départementale a été étendue par décret du 2 juillet 2020 à six autres, parmi lesquels la Haute-Garonne. Cette nouvelle juridiction a vu s'ouvrir ce lundi sa première session.
Créée pour désengorger les cours d'assises, la cour criminelle est composée de cinq magistrats compétents pour juger les auteurs de délits encourant des peines de 15 à 20 ans de réclusion. Exit les jurés populaires, tirés au sort pour juger, aux côtés de trois magistrats, les accusés. Ceux-ci étant assurés - c'est l'objectif - d'être jugés dans l'année qui suit la fin de l'instruction. Les crimes concernés sont principalement les viols, les coups mortels, les vols à main armée, le proxénétisme aggravé, l'esclavagisme.
C'est l'auteur d'une tentative de viol qui est jugé durant deux jours par la cour criminelle de Haute-Garonne, à partir de ce lundi. Le huis clos a été demandé et obtenu par les parties civiles. L'accusé est en détention provisoire depuis trois ans.
"Un pis-aller"
Pour son avocat, maître Christian Etelin, cette cour criminelle départementale est un "pis-aller". "C'est une solution", explique-t-il, "pour résoudre les problèmes posés par l'incapacité dans laquelle on se trouve, faute de moyens, à faire juger les gens en matière d'assises dans un délai raisonnable. Celui-ci, ça fait trois ans qu'il est détenu provisoirement et s'il avait fallu aller devant la cour d'assises, il fallait encore attendre. Alors, la cour criminelle permet d'audiencer plus rapidement, surtout une fois que l'instruction est terminée. En France, il faut attendre plus d'un an entre la fin de l'instruction et le passage en cour d'assises. Avec la cour criminelle, on peut espérer un délai de trois-quatre mois".
Mais les débats sont beaucoup moins approfondis. L'oralité des débats est restreinte par rapport à ce qu'on peut faire en cour d'assises.
Sa consoeur, maître Elodie Bayer, avocate de la victime dans ce dossier, regrette quant à elle l'absence d'un jury populaire. "En France, l'institution du jury populaire, c'est quelque chose qui est très ancré dans notre culture juridique. C'est important que les gens puissent être amenés à participer, pour prendre des décisions, voir comment se rend la justice. Je pense que c'était une bonne pédagogie que tout un chacun puisse être tiré au sort".
"Rendre la justice plus vite"
Mais elle reconnaît aussi la valeur de l'enjeu. "Il s'agit aujourd'hui de rendre la justice plus vite. C'est vrai que pour arriver aux assises, il faut à peu près trois ans. C'est très long. Et très dur aussi pour les victimes et pour les personnes qui pour la plupart arrivent ici détenues".
C'est un moyen qu'a trouvé le législateur pour faire en sorte que ce soit plus rapide.
Difficile en tout cas de juger des "qualités" de cette nouvelle cour criminelle. "Pour l'instant, je n'ai aucun recul. C'est la première à Toulouse et on a pas de retours sur ce qui a été mis en place dans les autres départements".
On va avoir des débats différents, une façon de plaider différente pour les avocats, parce qu'on s'adresse à des magistrats professionnels donc on va avoir des débats plus techniques. Je pense que ce sera rendu avec rigueur et sérieux, comme ça l'est en correctionnel, comme ça l'est aux assises.
Moins d'appel
Selon le ministère de la justice, après onze mois d'expérimentation, soit à la fin juillet 2020, sur les 57 affaires jugées en cours criminelles concernant 67 accusés, 13 accusés ont fait appel de la décision de condamnation et il y a eu un appel du ministère public. "Le taux d’appel des accusés en l’état des décisions rendues par les cours criminelles est donc de 21%, ce qui est inférieur au taux d’appel des décisions rendues en première instance aux assises qui est de 32%. 91 % des affaires jugées en cours criminelles ont concerné des viols simples ou aggravés".