Toulouse : pourquoi la maladie de Creutzfeldt-Jakob redevient un enjeu de santé publique ?

Le 6 novembre, une technicienne à la retraite de l'Inrae à Toulouse (Haute-Garonne) est morte de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Cette affaire pose la question de sa possible contamination dans son milieu professionnel et celle de la sécurité dans les unités de recherches travaillant sur le prion. Elle renvoie à la crise de la vache folle durant les années 90 et soulève l'hypothèse d'une seconde vague de la maladie.

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La maladie de Creutzfeld-Jacob (MCJ) est une maladie rare. Entre 1993 et 2019, 3091 personnes en sont mortes en France (Données Santé publique France, mise à jour du 31 juillet 2019). Selon les scientifiques, son origine est le plus souvent inconnue (MCJ dite sporadique). Elle peut avoir également sa source pour des raisons génétiques, ou encore être provoquée par un traitement médical, comme par exemple les traitements par hormone de croissance.

200 décès en Europe lors de la crise de la vache folle

Mais ce sont les personnes contaminées par le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ), après avoir mangé de la viande de bovins atteints d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), appelé aussi maladie de la vache folle, qui ont fait le plus parler d'elles au cours des années 90. Apparue au Royaume-Uni en 1986, près de 200 000 bovins et plus de 200 personnes en ont été victimes en Europe. En France, 25 cas (et décès) ont été constatés, le dernier décès survenant en 2009. Il n’existe aucun traitement pour guérir cette maladie. 

La mort d'Emilie Jaumain, le 17 juin 2019 et celle de Pierrette C., le 6 novembre 2021, toutes les deux techniciennes de l'Inrae travaillant au contact de tissus biologiques infectés par des prions, l'agent responsable des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST), ont provoqué une véritable onde de choc. 

Aucune maladie de Creutzfeldt-Jakob d'origine professionnelle reconnue

Comme le souligne la "Mission d’expertise de la sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions infectieux" ayant rendu ses conclusions en septembre 2020 :

Jusqu’à ce jour, aucune MCJ ou vMCJ d’origine professionnelle n’a été attestée en France ni ailleurs selon les trois études disponibles à la connaissance de la mission, sachant que l’origine de la MCJ ou du vMCJ est complexe à retracer. La durée d’incubation peut atteindre plusieurs décennies et est asymptomatique jusqu’à quelques mois avant le décès, le diagnostic du type d’ESST ne pouvant être établi que post-mortem.

Mission d’expertise de la sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions infectieux

IGÉSR Septembre 2020

L’origine de la contamination ayant entraîné le décès d'Emilie Jaumain n'est pas définitivement établie. La période d’incubation de la maladie, extrêmement longue et dépassant 50 ans, rend très complexe les investigations. Mais de forts soupçons portent sur un accident intervenu en 2010 lorsque la jeune femme s'est coupée lors de la manipulation de fragments de cerveaux de souris infectées par des prions, dans une autre unité de l’Inrae, à Jouy-en-Josas. 

Une récente publication scientifique et la mort de Pierrette C. renforcent encore un peu plus cette hypothèse. De sources syndicales, la technicienne de Toulouse a elle aussi déclaré, en 2004 puis 2005, deux accidents du travail lors de manipulations avec le prion où elle s'est coupée. 

Contamination par coupures ou par aérosols

Le sujet est d'autant plus sensible qu'un risque de contamination par aérosols a été également mis en évidence dans des recherches publiées en 2011.

Face à cette situation, les autorités ont décidé, après la disparition d'Emilie Jaumain, de revoir "les mesures de sécurité prévues et mises en œuvre dans les laboratoires concernés."

En France, neuf équipes de recherche et une centaine d’agents travaillent sur les prions *.

Selon le rapport de l'IGÉSR de septembre 2020, le nombre d'accidents dans ces laboratoires sont peu nombreux. La mission a ainsi eu connaissance de "cinq agents piqués ou coupés avec des seringues ou lames contaminées, sept agents piqués ou coupés sans contact avec des matériaux infectés et cinq agents mordus et ayant subi des projections a priori sans gravité car sans contact avec du matériel contaminé." Des chiffres à prendre avec prudence. Selon plusieurs syndicats "ces types d'accident ne sont pas toujours déclarés dans les labos. Parfois, on peut même empêcher leurs déclarations."

La question des pratiques et de la prise en compte du risque

Mais la mission de l'IGÉSR souligne également "que certaines pratiques" au sein de ces unités de recherches "doivent encore être améliorées."  Les équipements de protection individuelle (EPI), comme les masques ou visières, les sur-chaussures, les tabliers et/ou les combinaisons n'y sont pas "systématiquement utilisés."

Sept recommandations avaient été formalisées qui ne semblent pas toujours appliquées aujourd'hui.

La recherche sur les prions, un enjeu de santé publique

La recherche sur les prions constitue un enjeu important. Selon les chercheurs, la maladie de Creutzfeldt-Jakob peut à nouveau impacter la santé publique. Trois risques sont identifiés :

-  L'apparition d'une nouvelle vague de personnes touchées par le variant de la maladie de Creutzfeld-Jakob, issues de la crise de la "vache folle", n'est pas écarté, en raison de la longue durée d'incubation.

-  La résistance du prion infectieux à la décontamination sur du matériel médical réutilisable.

- La découverte récente en Europe d'une forme de maladie à prions animale touchant les cervidés sauvages, mais dont la transmissibilité à l’homme n’est pas démontrée à ce jour.

Un moratoire sur les travaux de recherche et d'expérimentation relatifs aux maladies à prions est imposé par le gouvernement jusqu'à fin 2021.

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