La hausse des prix dans l'immobilier continue d'atteindre des sommets à Toulouse, alors même que beaucoup d'habitants cherchent à fuir la ville depuis le premier confinement. Comment expliquer ce paradoxe ? Où vont les Toulousains qui tirent un trait sur la métropole ?
A Toulouse, malgré la crise de l'aéronautique, le prix du logement au m2 continue d'augmenter quels que soient les quartiers. Une hausse due à la demande, or parallèlement, les urbains qui le peuvent cherchent à se mettre au vert. Le phénomène s'est déclenché à l'issue du premier confinement et n'a cessé depuis.
Les professionnels de l'immobilier sont unanimes : l'effet confinement observé au début de l'été 2020 ne se dément pas. Les urbains sont toujours à la recherche d'un petit coin de verdure, pour respirer, loin du tumulte et de l'enfermement citadin qu'ils ont pu subir depuis plus d'un an, confinements à répétition obligent. Dans ce contexte singulier, le télétravail est devenu une norme. Ou presque. Dès lors, rien ne s'oppose à ce que les salariés s'éloignent des grands centres urbains.
Beaucoup de demandes, peu d'offres
C'est le cas dans le Gers où "une clientèle citadine que l'on avait perdue depuis une quinzaine d'années, revient. Il s'agit de Toulousains ou même de Parisiens. Ils recherchent une maison à la campagne avec terrain piscinable, pour y vivre. Ils ont découvert qu'ils pouvaient travailler à la maison et ont décidé d'en tirer parti" explique Jérôme Gimenez, gérant de l'agence "Immobilier en Gascogne" à Auch.
Même constat à Foix à la Bourse de l'immobilier où l'on estime que la clientèle en recherche de maison de campagne a doublé depuis un an. "Le marché est très actif. On a beaucoup de demandes et malheureusement très peu d'offres. Les biens n'ont pas le temps d'entrer en commercialisation, qu'ils sont déjà vendus. En temps normal, pour travailler, pas besoin de prospecter. Mais là, on a repris les baskets pour faire du porte-à-porte !".
Changement de mentalités
La clientèle : des Toulousains essentiellement. Certains viennent s'installer. D'autres ont déjà une maison à Toulouse mais ils souhaitent acquérir une résidence secondaire pour profiter du grand air, au moins les week-ends. Les mentalités ont, semble-t-il, évolué.
C'est ce que constate Antoine Fabre, notaire à Castres. "Beaucoup de gens le disent : ils ont besoin de se reposer. Cette période a généré des changements profonds. Il y a beaucoup de séparations, mais aussi des remises en question".
Le notaire remarque lui aussi que l'engouement pour les maisons avec terrain ou les appartements en rez-de-chaussée avec possibilité de sortie sur une cour ou un petit jardin demeure très fort.
"Les agents immobiliers ont effectivement du mal à avoir des mandats, faute de produits. Il y a plus de demandes que d'offres, précise le notaire. Du coup, les acheteurs se reportent sur des terrains délaissés comme Graulhet ou Mazamet. Les prix remontent dans ces secteurs. Une maison de ville de 3-4 chambres, avec jardin ou cour à l'arrière, est passée de 80-90.000 € à 130-140.000 €".
Besoin de s'échapper
Le dispositif fiscal Denormandie qui permet de défiscaliser 20% du prix d'achat et des travaux avec l'objectif de redonner vie à des centres de villes moyennes commence à avoir un effet, estime Antoine Fabre. Le notaire voit arriver des jeunes actifs de 25 à 35 ans. Des urbains qui n'ont plus forcément besoin de se déplacer puisqu'ils pérénisent le télétravail, d'autres qui changent de vie et s'installent en freelance.
Pour tous, un besoin de s'échapper, de prendre du recul par rapport à sa vie d'avant. Les taux extrêmement bas favorisent la prise de décision, précise le notaire. Avec 0,70% ou 0,65% quand on emprunte sur 15 ans, difficile d'imaginer circonstances plus fastes sur le plan financier.
Des villes moyennes attractives
Au delà de l'Occitanie, l’attractivité des villes moyennes est désormais une des grandes tendances du marché immobilier français, d'après le baromètre des notaires de France. Les transactions dans ces villes sont en hausse de 4,54% entre 2019 et 2020 selon l’étude publiée le 15 juin.
Les acquéreurs recherchent un meilleur cadre de vie suite à la crise sanitaire et se tournent naturellement vers des villes où les prix restent relativement bas par rapport aux grandes métropoles. "On a retrouvé des marchés qu'on avait perdus", mentionne Philippe Pailhès, vice-président de la chambre des notaires de Haute-Garonne. "A savoir les achats à une cinquantaine de kilomètres de Toulouse ou la petite maison de campagne qui avait été délaissée au profit d'un appartement en Espagne, à l'océan ou encore à la montagne...".
Alors oui, c'est un fait : les habitants des grandes métropoles prennent la clé des champs. La logique voudrait que les prix chutent. Mais ce n'est pas le cas. C'est un des effets inattendus du Covid, d'après la chambre des notaires de Haute-Garonne. Sur l’appartement ancien et la seule ville de Toulouse, l’augmentation des prix sur un an est de 9,2%.
Un marché qui rassure
Pour la première fois, le prix médian au m2 dépasse le seuil des 3 000 €. Des villes comme Albi ou Montauban connaissent, elles aussi, des augmentations de prix majeures (+ 11,1% à Albi, +9,1% à Montauban).
Alors qu'un effondrement du marché était à craindre, la crise sanitaire a engendré l'inverse. Explication : "le marché immobilier rassure en cette période de crise. La valeur refuge qu’incarne la pierre stimule aussi bien les investisseurs que les accédants à la propriété", explique Me Frédéric Giral de la chambre des notaires de Haute-Garonne.
Le type de biens recherchés ne change pas par rapport à 2019, ce sont des 2 et 3 pièces. Des villes comme Balma et l’Union parviennent à dépasser ce prix médian toulousain de 3.000€ le m2 sur les appartements anciens.
En mars, de nombreuses communes présentaient également des prix à la hausse : +8,1% à Tournefeuille avec un prix au m2 à 2.720 €, +11,2% à Plaisance du Touch pour 2.380 € le m2, +10,4% à Cugnaux pour 2.320 € le m2 ou encore +8,2% à Léguevin et 1.990 € le m2. C'est toujours le cas aujourd'hui.
Hausse spectaculaire des prix
"Par quartiers toulousains, l’augmentation constatée sur les prix est encore plus spectaculaire, estime-t-on à la chambre des notaires. Plus de 5 quartiers dépassent aujourd’hui les 5.000 € au m2 (pour 3 l’an dernier). Près de 10 quartiers se situent désormais à plus de 4.000 € le m2 (dont Saint-Aubin Dupuy +16,6% ou Arnaud Bernard +12,8%)".
"Au total, ce sont les ¾ des quartiers toulousains qui ont connu une augmentation à deux chiffres, au-delà de 10%. Depuis 15 ans, nous n’avions pas connu une telle inflation, ce qui nous oblige à dire que ce marché est devenu spéculatif", explique le vice-président de la chambre des notaires de Haute-Garonne.
Face à l'incertitude de l'avenir...
Les notaires constatent des transactions plus fréquentes en 2ème et 3ème couronne toulousaine. Le prix des biens y est plus accessible et, avec le télétravail, la distance kilométrique n’est plus un frein. Toulouse demeure à la septième place des grandes villes françaises. "Face à l’incertitude de l’avenir, acquérir un bien immobilier est un facteur d’apaisement. Investir dans la pierre apparaît plus que jamais comme un projet sécurisant et peu risqué", constate Me Frédéric Giral.
Cette "fièvre acheteuse" ne semble pas prête de guérir, même si le contexte peut évoluer dans les mois à venir en fonction de la santé économique des ménages et des taux d'intérêt aussi. On peut également se demander comme le fait Philippe Pailhès si ces "achats-réaction" vont perdurer dans le temps. Pour l'heure, la baisse des prix n'est pas à l'ordre du jour... au contraire.