Toulouse : les virus ne sont pas forcément tous des ennemis pour l'organisme, selon une étude de l'Inserm

Certains virus peuvent aggraver la sévérité d’infections parasitaires. D'autres peuvent, au contraire, protéger l'organisme de certaines maladies inflammatoires. C'est ce que démontre une étude menée par une dizaine de chercheurs de l'Inserm, du CNRS et de l'université de Toulouse.

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C'est une étude au long cours que viennent de mener les chercheurs du centre de physiopathologie de Toulouse Purpan. Pendant 7 ans, ils ont étudié et décortiqué les mécanismes qui peuvent permettre à un virus de modifier le système immunitaire et finalement aider l'organisme atteint de certaines maladies inflammatoires. Leur étude sur la souris vient d'être publiée dans la revue américaine de microbiologie mBio (lien en anglais).
 

Une hypothèse de départ connue

"Pour cette étude, on est parti d'une idée assez ancienne" explique Nicolas Blanchard, chercheur à l'Inserm et responsable de cette étude. "Elle suppose que la rencontre avec des agents infectieux comme les virus, les parasites ou les bactéries laisse une empreinte durable sur l'immunité de l'organisme et peut ensuite changer le cours d'une maladie auto-immune." Cette théorie a déjà été démontrée par d'autres chercheurs qui ont prouvé que l'exposition à des vers intestinaux améliorait la réponse du corps à des allergies ou à des maladies du système immunitaire. Les chercheurs toulousains ont cherché à comprendre "les mécanismes à l'origine de ces améliorations".  
 

Deux maladies étudiées chez la souris

Pour décortiquer le mécanisme qui pourrait protéger l'organisme de certaines maladies inflammatoires, les chercheurs ont étudié deux maladies différentes sur la souris :
  • La sclérose en plaques, une maladie auto-immune du système nerveux central.
  • Le neuropaludisme, une maladie induite par le paludisme qui affecte les vaisseaux sanguins du cerveau.
Ils sont parvenus à démontrer qu'un virus asymptomatique à ARN, un virus dit enveloppé, pouvait protéger la souris de ces deux maladies. Dans le cas de la sclérose en plaques, le virus empêche le développement des signes cliniques de la maladie. Dans le cas du paludisme, il prévient la complication cérébrale. 
 

Comment le virus joue un rôle protecteur ?

"En général, les lymphocytes T sont produits par le corps pour se défendre d'une maladie" explique Nicolas Blanchard, "mais dans certains cas, ils peuvent jouer un rôle néfaste. Activés d'une certaine manière par les cellules dendritiques, les cellules sentinelles de l'organisme, ils peuvent devenir dangereux pour l'organisme."
C'est ce qui se passe dans le cas de la sclérose en plaques et du neuropaludisme, par exemple. Mais avec leur étude, les chercheurs toulousains ont démontré que le virus à ARN paralysait les cellules dendritiques chez la souris et les empêchait d'envoyer un mauvais signal aux lymphocytes. "En déréglant la fonction de ces cellules dendritiques, on aboutit, in fine, à la protection des souris."

Ce qui est intéressant, c'est que le virus en question ne pose pas de pathologie apparente chez la souris. Il n'est pas néfaste et pourtant il a des effets importants sur l'immunité et les maladies concomitantes. Nicolas Blanchard.


Des applications thérapeutiques

Ces conclusions pourraient être utiles dans le traitement de plusieurs maladies inflammatoires chez l'homme, notamment celles liées à ces lymphocytes T.
La plupart des maladies auto-immunes sont concernées, comme le diabète de type 1, par exemple.
"L'intérêt, c'est de pouvoir isoler des molécules dérivées ou produites par ce virus" explique Nicolas Blanchard, "de les isoler et de les utiliser comme médicaments à la fin".
Des essais cliniques sont déjà en cours avec des composants moléculaires de vers intestinaux. 
 

Une utilité dans le traitement du Covid-19 ?

Le virus utilisé dans l'expérience toulousaine est un virus à ARN, comme le Covid-19. "Il a la même nature de matériel génétique" explique Nicolas Blanchard, "c'est un cousin". Et comme le virus utilisé à Toulouse, le Covid-19 connaît des formes asymptomatiques. Pourrait-on alors se servir de l'étude toulousaine pour répondre en partie à l'épidémie actuelle ?
"On peut l'extrapoler" dit Nicolas Blanchard "et supposer que finalement l'exposition à ce virus pour des personnes pourrait changer chez elles le développement d'autres maladies mais il faudra plusieurs années avant cela".
Pour le chercheur toulousain, la priorité n'est pas là :  "pour l'instant, l'urgence, c'est de soigner les gens qui ont des symptômes, d'éliminer le virus. Etudier les effets du virus asymptomatique, ce n'est pas une urgence de la recherche à l'heure actuelle."
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